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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
24 septembre 2015

Le pêcheur de Cancale

Par  René Stépan

crevettes

 

 

 Un marchand de crevettes surnommé à cause de son cri « Fraîcheur de la mer ! » se prend de passion pour l’opéra.

 

Je suis sur le port de Cancale en Bretagne. Au bout du port, longeant la mer, après avoir dépassé les nombreux restaurants pour touristes, qui n’ont rien à voir avec notre célèbre restaurant où de nombreux artistes viennent dîner. Je connais bien son  son chef  non moins célèbre. C’est moi qui lui livre les crevettes qui agrémentent ses plats. Sur le port donc, se trouve mon stand, en vérité,  une petite charrette perdue parmi les innombrables étals d’huîtres. Je dois avouer que toutes ne sont pas fraîches, même les célèbres huîtres plates de Cancale. Elles sont surtout assez chères.

Moi, Blaise, et breton de pure race, c’est mon destin que de pêcher des crevettes. Je ne sais rien faire d’autre. C’est mon père qui m’a appris, tout jeune.

 Quelquefois, sur ma barque,  je chante à tue –tête des airs qui me plaisent : « Sur la mer calmée, « ô sole moi », Je  pêche ces crevettes  tous les jours à l’aube et par bonne mer dans la baie avec mes filets que ma femme Margot reprise consciencieusement dans le hangar que nous louons  près du port tous les après-midi . Margot est née à Paimpol. Des fois, je lui fredonne « Ma Paimpolaise ». Elle en rit beaucoup. Le matin venu, je vends le produit de ma pêche, mes belles crevettes, toutes fraîches, elles. C’est pour ça que les autres pêcheurs se moquent de moi quand je crie : « Elles sont fraîches, mes crevettes ! C’est la fraîcheur de la mer ! » Je ne fais pas fortune, mais arrive à faire vivre ma famille.

Je ne suis pas rustre non plus. Le dimanche après-midi, avec ma petite famille, ma femme, mes deux filles Laure et Anne qui ont six et dix ans, et mon fils Antoine, quatorze ans et qui a grandi bien vite, que je surnomme « le grand dadais », nous allons au cinéma «  le Rex » de Cancale ; c’est un ciné de province classique, fauteuils rouges en velours. Je ne dis pas qu’il y passe de nombreux « navets », américains pour la plupart, mais je préfère les films d’art et d’essai qu’il passe de temps à autre et notamment «  les Visiteurs du Soir » de Marcel Carné que j’ai vu dernièrement. Mais il faut bien faire plaisir à tout le monde !

Parfois, à « l’Olympia », salle réservée aux grands spectacles, une représentation se passe. J’y vais tout seul, les autres ne voulant pas m’accompagner. C’est souvent de l’opérette, par exemple « la Vie Parisienne » d’Offenbach, « Violettes Impériales » de Vincent Scotto, spectacles légers et tous publics. Mais quelquefois c’est de l’opéra pur. Il n’y a pas grand monde pour venir écouter, mais ma joie est intense. La prochaine programmation prévue annonce « la Traviata »   de Verdi, jouée et chantée par une troupe venant de Paris ;  je me suis promis d’y aller. J’ai déjà entendu à l’Olympia « la Tosca » de Puccini, « Aïda » de Verdi, où j’ai adoré la prestation de la princesse égyptienne.

Et puis, mon rêve secret serait d’aller un jour à Paris,  particulièrement à l’Opéra Garnier, pour y écouter  là aussi une œuvre de grand compositeur, me promener dans le Foyer à l’entracte, contempler le majestueux plafond de la grande salle décoré par Chagall. Et pourquoi pas avec le fruit de la vente de mes crevettes, ne pourrais-je pas aller à la Scala de Milan pour y entendre la merveilleuse Calas et sa voix envoutante. Je n’ai écouté pour l’instant à al radio que la splendide voix de Cécilia Bartoli sur des morceaux classiques.

Mais il me faudra pour cela aller pêcher et vendre beaucoup de crevettes : alors « Ah ! la fraîcheur de la mer ! »

 

Comme chaque soir, le pêcheur était parti en mer et comme chaque matin, il ramenait des filets vides, jusqu’au jour où…

Je m’appelle toujours Blaise et toujours pêcheur de crevettes à Cancale, toujours épris ‘opéra. Je chante toujours à tue-tête mes airs préférés sur ma barque en tirant mes filets, et j’ai même enrichi mon répertoire en écoutant dernièrement à la TV Roberto Alagna, suivi de Carme, aux Chorégies d’Orange.

Mon rêve secret est toujours d’aller voir les grands spectacles de l’Opéra Garnier de Paris et… pourquoi pas… de la Scala de Milan pour y écouter la Diva dans la Tosca.

C’est pour cela qu’il y a quelques semaines, encouragé par mon épouse, mes enfants et mes collègues de la criée aux poissons de Cancale, j’ai décidé, pour gagner plus d’argent et augmenter mon pécule, comme ils me disaient tous, de laisser tomber la vente des crevettes pour ne vendre que du poisson.

Les filets sont  adaptés. Mon épouse, la Paimpolaise, les a modifiées pour cela. C’est vrai que je gagne mieux ma vie, mais toujours pas assez pour réaliser mon rêve.

Or, voici qu’un jour, toujours chantant à tue-tête sur ma barque plate, un gros bateau s’approche qans bruit, hélicoptère, jolies femmes, table avec champagne et celui que je pense être le propriétaire, m’interpelle et me dit :

« Bravo pour votre voix monsieur. Puis-je mieux vous connaître ? Voulez-vous monter sur ma modeste embarcation et prendre une coupe de champagne avec nous ? »

La conversation s’engageant, j’appris qu’il était imprésario dans le monde du spectacle et il me proposa de passer de nouvelles auditions dans son studio aménagé à Paris, afin d(entendre de nouveau ma voix que j’ignorais aussi belle et attrayante.

J’acceptais, bien sûr. C’était la chance de ma vire… Nous prîmes rendez-vous, les essais furent faits et un amateur d’opéra de ses amis fut  impressionné par le timbre de ma voix de ténor interprétant un extrait de Carmen, dans le rôle de Don José ? Je fus donc engagé et une nouvelle vie commença pour moi.

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Tournées, costumes, habits de soirées, hôtels luxueux, d’abord en France puis en Europe, puis dans le monde : New-York et Broadway, Tokyo, l’opéra Garnier à Paris, l’opéra Bastille, Londres et même la Scala de Milan où j’ai eu l’honneur d’occuper la loge de Caruso avant de chanter la Tosca.

Je suis maintenant une célébrité. Lorsque je retourne à Cancale, je fais un tour sur le port saluer mes amis et ne manque pas d’aller déjeuner avec d’autres gens connus chez mon ami le restaurateur chez qui je livrais les crevettes il y a quelque temps.

Mais pour autant, suis-je aussi heureux qu’avant ?

 

René STEPAN.

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18 octobre 2015

La dame aux renards blancs

 Liliane Fainsilber -

 

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 Un matin Isadora reçut par la poste un manuscrit. Une tasse de  thé en main et confortablement installée, elle se prépara à  le lire. Elle travaillait en effet dans une petite maison d’édition spécialisée dans les sciences humaines et était membre du comité de lecture. 

 D’emblée dès qu’elle entra dans la lecture de cet ouvrage elle éprouva un sentiment d’étrange familiarité. Son titre même l’avait intriguée : « La dame aux renards blancs ». Elle avait tout de suite imaginé la silhouette élégante d’une femme des années 1920, 1930, emmitouflée dans des fourrures, mais en se plongeant dans le manuscrit, elle ne trouva rien de tout cela. L’auteur y relatait sous une forme romancée les enfances d’une petite fille phobique, sa phobie ayant débuté à l’âge de quatre ans, à la suite d’un cauchemar. Une nuit elle se réveilla en criant alors qu’elle voyait dans son rêve quatre ou cinq  renards blancs, sur deux arbres perchés, la regardant fixement. Elle se réveilla dans un très grand état d’angoisse car elle avait eu peur que ces renards ne l’égorgent comme les poules de leurs voisins et ne la dévorent.

 C’est alors qu’Isidora prêta attention à celle qui  était l’auteur de ce manuscrit. Elle découvrit que son nom lui était familier.  Elle s'appelait en effet Gisèle Couturier et elle  avait été sa psychanalyste.  Elle s'étonna alors d'avoir oublié à ce point ce rêve des renards blancs qu'elle avait si souvent fait dans son enfance et qu'elle avait longuement analysé pendant ses presque dix années d'analyse.

Dans les brumes de l’enfance, elle se souvenait aussi combien elle avait beaucoup aimé les histoires que lui racontait sa mère avec toutes les astuces et les subterfuges de celui qu’on appelait Maître Renard. Elle se souvenait notamment qu’il avait incité le loup à pécher des anguilles avec sa queue dans un étang gelé et que ce pauvre loup l’avait perdu. Elle savait donc qu’il avait plus d’un tour dans son sac.

C'est ainsi que longtemps après, devenue adulte et en analyse,  elle avait attribué ces dons à sa psychanalyste, au moins pour un temps, car après un long travail, elle l’avait dépouillée de ces pouvoirs.

Plus tard encore, elle s'était plongé dans l'une des cinq psychanalyses de Freud, celle de l'Homme aux loups et elle avait découvert à quel point leurs deux histoires étaient proches, l'un avait en effet la phobie des loups et l'autre la phobie du renard, l'un était un homme et elle était une femme.

 

Désormais, elle savait que c’était elle cette belle dame aux renards blancs, enveloppée dans ses fourrures qui exaltaient sa féminité.  Elle était l’héroïne de ce roman inventée mais à peine par son psychanalyste. Sans doute  en tant qu'analysante l'aurait-elle inventée d'une toute autre façon en l'écrivant à la première personne mais elle serait d'accord pour éditer le premier roman de sa psychanalyste.

7 novembre 2015

Le plat de châtaignes

Catherine Granjean -

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Voilà. Le saladier de châtaignes cuites est là, devant toi. Tu t'en régales des yeux et c'est tellement prometteur que tu attrapes un couteau. Tu attaques la première châtaigne, minutieusement, ça prend un certain temps, puis tu la bouffes. Pas mal. Bien, même. Vite une deuxième. Couteau, et déjà un peu moins de minutie. Tu essaies de gagner du temps sur l'épluchage. De fait, elle est moins bien épluchée. Tu la bouffes. A la quatrième ou cinquième châtaigne, tu tentes un truc : épluchage très partiel, puis tu presses sur la coquille avec les dents, pour faire sortir la chair dans ta bouche. Pas terrible. Tu reviens à l'épluchage minutieux. Attends. Encore de la peau là. Voilà. Bouffe. Couteau. Attends bon dieu. Attends encore, il reste de l'écorce. Bouffe. Une autre. Bien dodue. Prometteuse. Couteau. Attends. 6 passages pour retirer l'écorce. Bouffe. Et voilà comment tu t'enfiles une moitié de saladier de châtaignes, sans véritable sensation de satiété, et sans même vraiment savoir si tu as mangé ou pas.

29 octobre 2015

Le marché de Flayosc

img_1343Renée Gauvenet -

 

Elle traversa la place pour aller au marché, comme tous les lundis, s'arrêta devant l'étalage de fleurs et en commanda, pour les reprendre à son retour.

La terrasse du café du commerce était occupée par les touristes et les habitués. Elle l'évita pour ne pas être conviée à prendre un verre, passa devant la superette et entra au pressing pour déposer la robe portée la veille et déjà tachée.

 Le café de Paris était plein aussi. Un petit geste de la main, en passant, lui évita de s'arrêter, et la panier dansant à son bras, continua son chemin parmi les étalages de primeurs et de fripes, vers la boulangerie et remonta disant quelques mots aimables par ci par là.

 En voyant l'enseigne du coiffeur, elle se rappela qu'elle avait bien besoin d'un brushing mais entra chez le traiteur où elle trouvait toujours une réponse à sa gourmandise, passa devant le brocanteur.

 Partout, qui lui faisait une bise, qui s'enquerrait de sa santé. Elle répondait, toujours le sourire aux lèvres, mais n'avait pas fini ses achats et fit une petite halte au café du midi, pour embrasser quelques amis.

 Lorsqu'elle atteignit la poste, un touriste lui demanda où était la pharmacie. Juste en face, lui répondit-elle. C'était un monsieur d'un certain âge, bien habillé, Elle eut un sursaut croyant l'avoir déjà vu. Il la regarda avec insistance, mais elle passa.

Elle le retrouva chez l'autre brocanteur et la lumière se fit. Elle venait de retrouver un des étudiants de la fac. L'émotion les gagna, ils s'embrassèrent comme des amis qui ne s'étaient pas revus depuis de longues années. Ils allèrent fêter leurs retrouvailles à la terrasse du Pichet Mignon.

 Comme quoi on trouve tout au marché de Flayosc, un lundi, au soleil.

 

 

23 novembre 2015

Le Mont Blanc

Marie-Claude Miollan -



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Tous les ans en hiver, je passe une semaine à Chamonix. Tous les ans je demande la même chambre avec vue sur le Mont Blanc à l’Hôtel « Les Crêtes Blanches ». C’est un hôtel trois étoiles. Depuis le temps que j’y viens les hôteliers sont très aimables avec moi, la nourriture y est variée et savoureuse. La chambre est grande, claire et confortable. De la terrasse je peux admirer la vallée Blanche, le téléphérique qui monte et descend empli de skieurs pressés de rejoindre le sommet, des enfants dévalant à toute allure sur leur  luge des pistes raides et des marcheurs qui apparaissent et disparaissent à travers les sapins. Surplombant des toits qui fument, j’imagine les feux de bois se consumant dans les cheminées des maisons.
Dans l’incapacité de me déplacer, je passe de longs après-midis seul face à la montagne sans me lasser.
Une jeune femme vient vers 17 h me servir un thé et me tient un moment compagnie. Nous contemplons et admirons tous deux la montagne. C’est un moment très agréable. Puis elle repart et je reste de nouveau seul.
Vous allez être étonnés, mais je ne sais toujours pas pourquoi je vous raconte cela, car je ne suis jamais allé à Chamonix et n’ai jamais vu le MONT BLANC autrement qu’en carte postale.

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30 novembre 2015

La terrible vengeance de Victoire

Liliane Fainsilber -

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Vladimir et sa femme Victoire travaillaient tous deux au grand cirque Pinder. Vladimir était dompteur et Victoire sur son trapèze, tout en haut du chapiteau, se lâchant des deux mains, impressionnait par ses prises de risques tous les spectateurs.

Ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre quand ils étaient très jeunes, mais les années avaient passé et Vladimir s'intéressait beaucoup désormais à une écuyère qui faisait son numéro en sautant d'un cheval à l'autre tandis qu'elle faisait ses tours de pistes.

Victoire était d'origine corse et avait un tempérament de feu. Il y avait de plus dans sa famille un long passé de vendetta. Un de ses frères avait exterminé toute une famille voisine, dans son village, en raison d'un regard jugé trop insistant à l'égard de sa soeur. Extrêmement jalouse de sa rivale, Victoire décida un jour de se venger des deux amants, mais comme elle souhaitait que cette vengeance soit cruelle, elle mit de longs jours avant de savoir comment elle procéderait.

Elle avait pensé un temps pouvoir les empoisonner en leur offrant un délicieux breuvage de sa confection, mais elle eut beaucoup de mal à convaincre le droguiste de lui vendre la mort aux rats qu'elle comptait y verser dedans.

Elle contacta de même un pharmacien de ses amis pour tacher d'obtenir une drogue suffisamment puissante pour pouvoir les endormir à jamais, quitte à souffrir terriblement de les savoir endormis l'un à côté de l'autre. Mais le pharmacien refusa également de lui rendre ce service.

 

C'est alors que Victoire commença à envisager une autre solution, solution qui exigerait d'elle beaucoup plus de patience pour arriver à ses fins.

Elle entreprit donc, comme première étape de sa machination, de séduire de ses charmes le responsable du spectacle celui qui avec le directeur organisait et surtout choisissait les numéros du cirque. Cela lui prit quand même un certain temps mais quand elle fut arrivée à ses fins, quand elle eut suffisamment d'influence sur lui, elle réussit à le convaincre de faire participer la jeune équilibriste au numéro que faisait le dompteur avec ses tigres et ses lions. Selon elle, ce serait en effet un magnifique numéro qui plairait beaucoup au public si au lieu de sauter d'un cheval à un autre lancés au galop, elle sautait sur le dos de ces fauves. Elle usa tellement de ses charmes qu'elle réussit à convaincre le manager de l'intérêt de ces prouesses jusque là inédites.

 

Poursuivant avec méthode son entreprise mortifère, elle demanda alors à son apothicaire des comprimés d'amphétamine, car elle devait, disait-elle, préparer des examens et devait absolument se tenir éveillée pour pouvoir étudier. Comme elle ne put obtenir de lui qu'une seule boite elle se trouva contrainte de renouveler l'expérience plusieurs fois auprès de tous les pharmaciens de la ville et des environs. Lorsqu'elle en eu, selon elle, une quantité suffisante, elle pensa qu'il était temps de passer à l'action.

Alors qu'à grands sons de trompettes, passant par toute la ville, les responsables du cirque annonçaient ce grand numéro, Victoire se glissa près de la cage des fauves et leur fit avaler dans un bout de viande qu'elle avait gardé de son dîner, tous les comprimés d'amphétamine qu'elle avait extorqué à tous les pharmaciens de la région. Au bout de dix minutes, les lions et les tigres commencèrent à s'exciter dans leur cage et ils était donc à même de réaliser la vengeance soigneusement concoctée de Victoire.

 

C'est ainsi qu'au milieu de la piste eut lieu un vrai carnage. Les lions et les tigres ne firent de ce pauvre Vladimir et de sa nouvelle compagne qu'une seule bouchée. Victoire était bien vengée.

 

Lorsque Hélène avait relu sa nouvelle et trouvé son titre, elle se demanda si ce qu'elle avait écrit était plausible. Ce qu'elle mettait le plus en doute c'est le fait que cette charmante écuyère ait pu ainsi chevaucher des tigres et des lions pour réaliser son numéro, mais, comme de toute façon on a beau souhaiter la mort de tous ses rivaux, il est rare de voir ces souhaits se réaliser, elle s'était dit que plausible ou pas, elle s'était bien amusée en écrivant cette nouvelle.

 

Elle croyait ainsi en avoir fini avec ce travail d'écriture mais il se trouva que pendant la nuit, elle fit un rêve : Elle assistait à une sorte de banquet ou de réunion de famille. L'atmosphère était joyeuse et détendue. Son mari à côté d'elle se mit soudain à écraser du poivre dans son cou, plus exactement dans le creux des clavicules qu'on appelle, quand les gens sont trop maigres, des salières. Elle lui demanda ce qu'il faisait mais sans attendre sa réponse, elle se réveilla.

Elle n'eut pas à chercher bien loin, la cause de son rêve. Il était un écho à la nouvelle qu'elle avait écrite la veille. Si son mari l'avait « assaisonnée » de sel et de poivre, c'était pour la manger toute crue. Dans son rêve, les rôles s'étaient donc inversés, c'était elle qui l'avait trompé mais de cette infidélité conjugale, il ne restait qu'une trace : le fait que son mari voulait se venger d'elle et menaçait de la dévorer comme les tigres et les lions de sa nouvelle.

Nul n'étant maître de ses rêves, s'il peut l'être de ses actes, elle décida de se pardonner cette rêveuse infidélité et surtout de la garder secrète. Elle demanda alors à son mari s'il avait bien dormi. Oui, lui répondit-il !

 

 

 

 

 

 

20 novembre 2015

Buffles

Marie-Claude Miollan -

Buffles

-Oui…B..jour.

-Tu as l’air bizarre, tu te sens bien ?

-Euh ! Oui ! Hier soir en sortant du métro, déambulant sur le trottoir, j’ai croisé un troupeau de buffles.

-Intéressant, tu vas bien ?

-Moi, je vais bien, c’est eux qui ont eu peur, un chasseur à cheval armé d’un arc les poursuivait.

-De plus en plus intéressant !

-Mais attend, derrière les buffles, j’ai vu de mes yeux vus une famille d’éléphants arrachant et dévorant les arbres du jardin des Batignolles. Les enfants dans le parc les observaient de loin bien sur, tout comme moi.

-C’est tout ? Rien de plus ?

-Mais écoute-moi … C’est incroyable. Un léopard qui me suivait depuis un moment sans que je m’en aperçoive a tenté de m’empêcher de rentrer chez moi, je veux dire chez nous. Il était devant la porte, la gueule ouverte prêt à me sauter dessus et en même temps il me faisait des clins d’œil.

-De mieux en mieux, qu’as-tu fumé ce matin ?

-Arrête, il ne s’agit pas de cela. Je viens juste d’essayer de te raconter mon rêve de cette nuit.

 

 

 

 

 

5 décembre 2015

la feuille de thé

texte par Zabeth STEPAN

Il était à Darjeeling, une colline pentue avec ses lignes

lignes régulières de plantes

arjeeling

lignes ondulantes

lignes dans la brume humide de l’Himalaya.

Il était une feuille au bout d’une tige

feuille aromatique

feuille cueillie délicatement par de douces mains brunes

feuille mise à sécher, hachée

feuille emballée avec ses sœurs, bien tassées.

Il était une boîte noire dans une boutique chic

boîte rangée sur une étagère parmi ses semblables

boîte que l’on ouvre avec curiosité

boîte qui offre son parfum pénétrant.

Il était une théière anglaise

théière ventrue et cosy pour y baigner la feuille

dans une eau pure et frémissante

afin d’y exhaler son arôme envoûtant.

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 Il était une tasse de fine porcelaine translucide

 Tasse, réceptacle qui marie avec tendresse

la couleur chaude à la robe nuptiale d’un nuage de lait.

Il était un five o’clock avec cakes, muffins et mille autres pâtisseries

moment de plaisir et de gourmandise

moment de dégustation et de douceur.

Il était une feuille de thé

universelle, rituelle, indispensable…

 

 

 

 

5 décembre 2015

une vieille connaissance par René Stepan

Dans le wagon 4 du train, elle aperçoit un homme qu’elle connaît très bien. Elle hésite, leur histoire lui revient. Ira-t-elle lui parler ?

UNE VIEILLE CONNAISSANCE

C’est les vacances. Début août ; chaleur abominable sur la Côte d’ Azur. Seuls la plage, les soirées et quelques hôtels climatisés apportent un peu de fraîcheur.

Ce soir-là, ils étaient tous deux au festival de jazz de Juan les Pins sous la pinède bien connue des amateurs de jazz et située au centre de la ville.

L’un près de l’autre, ils ont vibré au son du saxo de Sydney Bechet, lorsqu’il jouait « Petite fleur ». Ils s’étaient souri et leur rencontre s’était arrêtée là.

Quelque temps plus tard, affalés au soleil sur un matelas de plage, après un bain rafraîchissant, ils se sont souvenus de ce moment musical .Il s’appelait Paul et elle Virginie. Lui, grand brun aux yeux clairs et elle,  petite , mignonne ,  formaient un couple assez particulier. Ils étaient vêtus tous deux d’un bermuda, d’un tee-shirt clair et chaussés de tongues de plage.

Après une douche rapide prise dans l’établissement, il lui proposa d’aller déjeuner au restaurant de la plage. Elle accepta. Durant le déjeuner, une salade composée et un sorbet – leurs régimes respectifs ne permettant aucun écart- les plaisanteries allaient bon train de part et d’autre. Ils semblaient s’apprécier….

A la fin du repas, le plus simplement du monde, il lui proposa de monter prendre un verre commandé dans sa chambre d’hôtel et là, le plus simplement du monde, elle accepta.

La qualité de la noble assemblée ici présente m’empêchant d’aller plus loin, je passe sur les détails constituant la suite des évènements.

Ce que je peux dire, c’est que leur liaison qui dura tout le mois de vacances, emplie de festivals de musique, Cimiez,  Cavalaire,  Antibes  fut sans lendemain. Une fois rentrés à Paris, ils ne se sont plus revus, juste quelques coups de fil polis au début….

Lorsque, aujourd’hui, dans l’allée du wagon du train l’amenant pour affaire professionnelle de Paris à Lyon, quelle ne fut pas sa surprise de voir un homme, dix ans  de plus qu’au moment de leur aventure, faire les cent pas dans la travée, un téléphone portable collé à l’oreille et qui parlait fort.

Elle reconnut sa voix.

S’approchant de l’individu, elle murmura : »Paul, c’est toi ? »

Lui, la regardant, stupéfait, interrompit sa conversation téléphonique en s’excusant auprès de son interlocuteur, et répondit : « Virginie, c’est toi ! »

Elle était prête à fondre en larmes et tomber dans ses bras, lorsque, sortie du compartiment voyageur, une femme, la trentaine, encore jolie, quoique un peu enveloppée, deux enfants en bas âge au x bras, l’invectiva sèchement : « Paul, les enfants ont besoin que tu leur changes le couches ! »

Paul, ne sachant que faire, répondit : »Oui, ma chérie, j’arrive ! »

Voilà, le charme d’il y a dix ans était interrompu. Cet homme, qu’elle avait apprécié pour sa beauté, sa fougue, sa jeunesse était maintenant un parâtre lourd et soumis. Elle avait toujours rêvé de le revoir, parler musique et, pourquoi pas, nouer maintenant une relation durable. Etait-elle amoureuse de lui ou de la Côte d’Azur ?

Paul, à l’allure d’un homme d’affaires empêtré, prisonnier dans ses couches et dans son costume trois  pièces de PDG très occupé était devenu à ses yeux un homme tout à fait ordinaire.…

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6 décembre 2015

La Corse, pays de nos ancêtres

 Liliane Fainsilber -

 

 

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Venant de Paris, nous avions pris le bateau à Marseille, en février, en pleine période des équinoxes, nous avons ainsi essuyé une terrible tempête. Dans notre cabine, un parapluie accroché à une patère nous transmettait les oscillations du bateau. Il parcourait à chaque nouvelle vague un angle de 180 degrés. Il rythmait ainsi le temps de la traversée au travers de l'épreuve physique du mal de mer mais une fois arrivés à Ajaccio, sous le soleil, tout fut oublié. C'est ainsi que nous découvrîmes notre nouveau logement qui avait été aménagé dans un ancien hôtel de la grande époque, des années 1900, l'hôtel Cyrnos. C'était un grand bâtiment blanc de style rococo qui avait gardé les traces de sa splendeur passée. C'était certes un appartement atypique mais plein de charme, deux immenses salles avec de multiples fenêtres étaient devenues salon et cuisine, les chambres étant de tailles beaucoup plus modestes. Le jardin totalement à l'abandon depuis plusieurs années était redevenu quasiment sauvage mais avait gardé les essences précieuses de ses arbres. Des citronniers croulaient sous ses fruits jaunes des quatre saisons, des palmiers donnaient des dattes qui arrivaient presque à maturité et il y avait surtout au pied de la véranda, aussi désuète que le jardin, un magnifique datura, avec ses longues fleurs blanches comme des trompettes que l'on disait vénéneuses. Jusqu'à la fenêtre de ma chambre arrivait tout un immense bouquet de Seringa. C'est donc là que nous avons découvert les charmes de cette petite ville de province avec ces hivers si doux et si ensoleillés. Mon père y avait été nommé inspecteur des postes.

Avec l'arrivée du printemps et de l'été, ce furent ensuite des balades à bicyclette sur la route des Sanguinaires et des baignades dans les petites criques au sable blanc avec une eau verte transparente. Nous étions cinq sœurs, dont les aînées déjà adolescentes. Nous pédalions toutes avec entrain et comme ma mère n'avait que dix neuf ans quand elle m'avait mise au monde, c'était elle qui, encore très jeune, parmi nous attirait tous les regards, celle que nous pensions être la plus belle, ce qu'elle ne contestait nullement.

 

Tandis que nous profitions de la mer et du soleil, au coeur des rudes montagnes corses, dans le vieux village de Casanova de Venaco, une maison quasiment abandonnée nous attendait patiemment. C'était la maison de nos ancêtres maintenue en indivision. Elle attendait qu'on vienne à nouveau l'habiter et qu'on lui redonne vie. Au village, vivaient encore les quatre sœurs de mon grand-père, Liline, Laure, Marie-Françoise et Joséphine. Casanova_(Venaco)Elles avaient un jardin potager, quelques arpents de vigne et quelques châtaigniers sur les pentes arides du Monte Cardo. Aux alentours du village, des cabanes de pierre grossièrement construites enfermaient leurs cochons nourris de glands et de châtaignes. Nous les aimions bien, ces femmes toutes de noir vêtues, mais elles appartenaient déjà au passé. Nous fîmes quelques séjours dans ce village qui était celui où ma mère, dans son enfance, venait passer ses vacances mais la vraie vie était ailleurs et nous l'avons quitté pour toujours.

 

8 décembre 2015

le noyer

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Je suis un arbre (RenéStepan)

Je suis un noyer. Je vis dans le Vercors, à Noyers d’ailleurs. L’homme qui garde des bêtes près du ruisseau a dû me planter il y a bien longtemps. C’est peut-être son père qui l’a fait, ou son grand-père. Cet homme vient souvent profiter de l’ombre de mon feuillage, réputée froide et dangereuse. Il s’y allonge après son repas fait de figues sèches est de pain. Ses repas, il les arrose avec de l’eau du puits.

Le but de mon existence est de servir à quelque chose : je suis là pour ça.

Outre le fait d’être un bel arbre majestueux, je suis célèbre dans la contrée car mes noix sont réputées. Elles fournissent de l’huile, et agrémentent aussi les salades.

Les rats et les loirs se gavent de mes fruits et l’on trouve souvent des coquilles vides à mes pieds.

Mon feuillage, de  grandes feuilles vertes sert à décorer le fond des paniers où la femme du berger met ses œufs et ses fromages, des Saint-marcellin, le fromage local.

Mes rameaux pendent dans le vide. J’ ai bien peur que l’homme ne les coupe.

Je sers aussi à héberger des oiseaux de toutes sortes. La force de mes branches permet aux gros passereaux de s’y reposer. Je crains les chasseurs qui les tirent.

Je suis heureux dans mon champ. Je me sens utile…

Aujourd’hui, l’homme et sa femme se sont étendus dans mon ombre. Qu’allez-vous penser ?  Ils pique-niquent.

Mais soudain, l’homme, après son repas s’approche avec une tronçonneuse bruyante et me mutile ; Aïe !!!...

Un engin arrive, me charge brutalement sur un gros camion, et me voilà parti en voyage.

Arrivé à un endroit empli de bruit, je suis débité en planches. Les meilleures et les plus belles termineront assemblées.

Que vont-ils faire de moi ? Un lit, une armoire ? Non ! on me met des pieds assez longs. Je mesure maintenant deux mètres de planches. Je suis assez beau, lavé, nettoyé, brossé etregardé tous les jours . Transporté dans une maison, des gens posent sur moi des victuailles, des verres, et sourient, tout en discutant. J’écoute leurs paroles…

 J’aurais pu finir ma vie dans leur cheminée pour les réchauffer.

Je sers de nouveau à quelque chose et continue à être heureux…

J’espère être un jour le témoin d’épousailles avec autour de moi des gens heureux, puis, pourquoi pas, d’héberger ensuite des bambins, égayant de leurs rires et de leurs jeux mes beaux jours retrouvés.

Mon avenir est assuré……

 

9 décembre 2015

Fruits confits de Nice

 

 Liliane Fainsilber -

 

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Ses parents s'étaient connus très jeunes. Ils habitaient à Nice et travaillaient tous les deux à la poste. Son père y avait débuté à quatorze ans comme télégraphiste. Au moment où ils s'étaient rencontrés ils travaillaient tous les deux derrière le guichet. Il aidait la jeune fille a faire ses additions à la fin de la journée. Cela avait crée entre eux une connivence.

Ils eurent une première fille. Quand elle était née, son père avait vingt ans et sa mère dix neuf ans. Ils l'avaient appelée Clémentine. Ils n'étaient pas riches et du coup, Jérôme faisait double journée. La nuit il partait faire le tri des lettres et se retrouvait le matin à son poste.

 

Autour de la place Masséna, étaient bâtis de luxueux palaces blancs impressionnants par le luxe dont ils faisaient étalage. La plupart avaient vue sur la mer et étaient entourés de parcs. Palmiers et eucalyptus faisaient de cette ville une cité de rêve. Au moins s'offrait-elle à la vue de tous. Il en était de même de son marché aux fleurs. A l'époque, sur les collines alentour il y avait beaucoup de serres où étaient cultivés les oeillets. Ces oeillets, de par leur abondance même étaient vendus par botte de cinq douzaines. C'était un énorme bouquet que vous aviez dans les bras. Chacun pouvait en profiter. Comme le mimosa, leur parfum était délicieux et on ne peut que regretter leur progressive disparition.

 

Parmi tous les charmes de cette ville, ce qui était l'objet de toutes leurs convoitises, à ses sœurs et à elle, c'était les somptueuses vitrines des confiseries. Elles exposaient à profusion d'immenses corbeilles de fruits confits. Le glaçage du sucre dont tous ces fruits étaient enveloppés exaltait leurs couleurs les opposant violemment entre elles, du jaune vif des citrons au vert presque criard de l'angélique rehaussant le rouge plus atténué, plus délicat, des cerises.

Elle n'en avait pas encore conscience alors mais il existait une sorte de ligne de partage entre une Nice populaire, qui devait être à l'époque relativement pauvre et celle du monde des riches, ces touristes qui venaient profiter du soleil dès le début du printemps. Elle ne se souvenait pas en avoir approché de près. La barrière devait leur sembler infranchissable et ces étalages de fruits confits dans leur inaccessibilité en devenait en quelque sorte le symbole.

 

Quelques années après devenue adulte, elle avait retrouvé ces fruits confits dans la vitrine d'une boutique de Draguignan. Certes la vitrine n'avait rien de ce luxe niçois d'antan, mais un melon confit dans sa coque de sucre transparente se trouvait mis en valeur par la présence de quelques rutilantes mandarines et d'un beau cédrat jaune pâle. Elle ne put résister au plaisir de réaliser enfin le désir de son enfance, celui de pouvoir goûter à ces fruits confits qui étaient en quelque sorte devenus pour elle des fruits défendus peut-être en tant que symboles de réussite sociale.

 

Ce melon avait été enveloppé d'un papier transparent qui lui donnait une certaine solennité, la dignité d'un somptueux cadeau. Comme sa croûte glacée était, elle, translucide, on devinait au travers, l'orangé délicat de sa pulpe. Il était promesse d'une délicieuse expérience gustative.

Mais hélas, une fois ouvert et coupé en tranches, Clémentine s'aperçut alors que, malgré son nom si prometteur, fruit confit, il était certes très sucré mais avait perdu tous ses parfums de l'été, du temps où il avait été un melon tout simple, tout frais cueilli et minutieusement choisi, senti, soupesé et tâté, parmi le monceau de tous ses congénères, au marché provençal du village d'Aups, sur l'étalage d'un des marchands.

11 novembre 2015

Les mots incertains

 Liliane Fainsilber -

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Il n’est pas facile d’être une petite fille de trois ou quatre ans et d’être obligée d’apprendre beaucoup de mots dont on n’a pas encore deviné à quoi ils servent. Ainsi l’autre jour je me trouvais devant la vitrine d’un marchand de glaces et je ne savais pas quel parfum choisir, tellement il y avait de couleurs de glace. Il y en avait une que j’aurais bien aimé avoir, elle avait une très belle couleur verte mais je n’étais pas très sûre de savoir comment elle s’appelait. C’était un nom comme moustache ou pistache et voilà que j’ai choisi le mauvais mot en disant "Je voudrais, s’il vous plait, une glace à la moustache". Tout le monde s’est moqué de moi, surtout mon petit copain Michel qui a un an de plus que moi et qui est tout fier de savoir déjà lire et écrire, alors que moi, je ne  sais pas encore. J’ai encore terriblement honte de les avoir fait rire à cause de cette glace à la moustache et je les ai tous détestés.

Il y a encore plein d’autres mots qui sont difficiles à comprendre et que les parents n’aiment pas tellement nous expliquer, c’est par exemple celui qui se trouve dans la prière qu’on récite le soir, après le notre père qui êtes aux cieux, celui du "Je vous salue Marie..." Il y a ce Jésus qui s’appelle le fruit de vos zentrailles. Je me demande bien quel est l’arbre qui s’appelle "zentraille" et quelle est cette sorte de fruit qui s’appelle Jésus. Je comprendrai peut-être mieux quand je serais grande et que je pourrais retrouver tous ces mots dans le dictionnaire. J’irais peut-être en rechercher d’autres, par exemple qu’est-ce que ça veut dire « être amoureux ». Je sais quand même un peu ce que ça veut dire car à l’école maternelle on chante souvent cette chanson «  Bonjour, Guillaume, as-tu bien déjeuné ? Oh, oui, Madame, j’ai mangé du pâté, du pâté d’alouettes, Guillaume et Guillaumette, chacun s’embrassera et Guillaume restera. Est-ce qu’être amoureux ce n’est pas  quand il y en a toujours un qui reste et qui est malheureux ?

 

Pour l’instant, je vais dans une petite école maternelle de mon quartier, parce que ma maman ne veut pas que j’aille à l’école communale de peur que j’apprenne trop de gros mots. Elle a tort d’avoir peur parce qu’en fait j’en connais déjà quelques uns, c’est même mon papa qui me les a appris. Il aime bien dire, par exemple, quand il est en colère «  Nom de dieu, de nom du dieu de nom de merde ». Pour ma petite sœur et pour moi, ce mot est interdit.  On a quand même  le droit de dire par exemple «  mer de Cannet »ou « Mer de Chine », mais ce n’est quand même pas aussi bien, ça ne fait pas autant de bien.

Quand je serais plus grande j’apprendrai plein de nouveaux mots dans les livres et dans le journal, par exemple celui du roi NABUCHODONOZOR, parce que je trouve que c’est un très beau mot et très long, et je saurais même les écrire sans faire de fautes d’orthographe.

10 novembre 2015

Panique au cirque

Bernadette Zygart -

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Elle referme tout doucement la porte du local sans faire de bruit afin de ne pas être repérée. Le piège est prêt, fonctionnera-t-il ?
Elle le souhaite ardemment même si, au fond, elle craint les conséquences de son geste, s'il réussit  trop bien.  Mais il est allé trop loin dans la trahison de leur amour, il faut qu'il paie !
Elle passe le long des cages où sont enfermés les fauves, de magnifiques lions qui, tout à l'heure, peut-être....elle frissonna...
C'est l'heure de la représentation ; elle ne tient plus en place, se montre agressive, agitée au moindre prétexte, ce qui lui vaut quelques
réflexions de ses collègues ;tout ce qu'il faut éviter pour ne pas attirer l'attention...
Vint le moment  où les cages sont montées sur la piste ; le dompteur laisse entrer les fauves au nombre de six. D'habitude ils sont quatre, que va-t-il se passer ?
Au moment où quatre des fauves sautent sur leur  tabouret respectif, les tablettes sabotées s'effondrent sous leur poids. Perdant l'équilibre et ne parvenant pas à le retrouver faute de savoir dégager leurs pattes de l'entrave, ils deviennent soudain de méchante humeur. Les deux derniers lions assistent à cette scène incongrue et ne comprenant pas ce qu'il se passe, semblent prendre la chose du mauvais côté. Ils sont aussitôt interpellés par d'autres dompteurs qui les guident  vers le couloir menant à leur cage.
Partagés entre l'effroi et l'hilarité, les spectateurs s'agitent sur leurs sièges. Que dire du dompteur à qui arrive cette mésaventure? Il n'y comprend rien, bien sûr, et cherche le moyen de calmer ses bêtes, dont le comportement l'inquiète. Ses collègues arrivent en force, munis de fusils avec seringue neutralisante. 
Les quatre fauves, endormis, sont dégagés de leur carcan et, se réveillant doucement, sont acheminés titubant vers leurs cages chacun leur tour...La représentation n'aura pas lieu ce soir là, remplacée par ce scénario d'un tout autre genre !..et sans doute pas à la gloire du dompteur.
Dissimulée par le rideau de scène, elle eut un soupir qui en disait long sur ce qu'elle pensait  de l'issue de l'aventure qu'elle avait imaginée juste un peu plus tragique...
Il faut préciser tout de même que le dompteur fut invité à "exercer ailleurs ses talents de clown". Il eut beau protester de son innocence, rien n'y fit.

 

7 novembre 2015

Dialogue entre deux figuiers

Liliane Fainsilber -

 

 

 

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« Bonjour. Je suis un figuier sélectionné. J'ai été élevé avec beaucoup de soin dans une pépinière. Je donne beaucoup de figues. Une première fois au printemps ce sont celles qu'on appelle des figues-fleurs. Elles sont très fraîches et parfumées mais de texture fragile. Elles se conservent peu. On ne peut que les manger à mon ombre, sous le soleil printanier. L'été passé, au moment des vendanges, je donne une deuxième récolte, cette fois-ci, ces fruits sont de miel et déjà presque séchés sur l'arbre. La peau de mes figues comme tannée et résistante sous la dent, soit violette soit d'un beau vert clair, livre dans ce petit sac fermé et et résistant une sorte de pâte sucrée granuleuse, prémices des confitures qu'elle pourrait devenir sous les mains expertes de la mère de famille. »

 «  Je suis, quant à moi celui qu'on appelle dans la bible, le figuier stérile. Aucune figue ne daigne pousser entre mes larges feuilles. Je suis né dans un vieux mur de pierre, le long d'un chemin de terre où le mistral qui souffle souvent dans cette zone assez aride, fait s'élever des tourbillons de poussière. Entre deux pierres, j'ai réussi à glisser mes racines pour y trouver un peu de fraîcheur. J'ai lutté pied à pied pour survivre car l'eau est rare mais je suis endurant. Ainsi j'offre une ombre protectrice et rafraîchissante à tous les promeneurs mais aussi aux paysans qui viennent travailler leurs vignes. Quelques fois filles et garçons s'y donnent rendez-vous. Je profite ainsi de leurs dialogue amoureux et j'y enrichis mon vocabulaire. Depuis les années 1900, date approximative de ma naissance, les mots d'amour ont bien changé. De nos jours en effet, plutôt que de parler du coeur et de l'âme, les amoureux préfèrent d'autres parties du corps plus évocatrices. Mais ainsi grâce à eux, bien que sans descendance, je participe, par procuration, à la reproduction des humains, faute de pouvoir participer à celle des figuiers. On dit que je sublime.

 

 

1 novembre 2015

Un arbre: un noyer

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Je suis un arbre par René STEPAN

Je suis un noyer. Je vis dans le Vercors, à Noyers d’ailleurs. L’homme qui garde des bêtes près du ruisseau a dû me planter il y a bien longtemps. C’est peut-être son père qui l’a fait, ou son grand-père. Cet homme vient souvent profiter de l’ombre de mon feuillage, réputée froide et dangereuse. Il s’y allonge après son repas fait de figues sèches est de pain. Ses repas, il les arrose avec de l’eau du puits.

Le but de mon existence est de servir à quelque chose : je suis là pour ça.

Outre le fait d’être un bel arbre majestueux, je suis célèbre dans la contrée car mes noix sont réputées. Elles fournissent de l’huile, et agrémentent aussi les salades.

Les rats et les loirs se gavent de mes fruits et l’on trouve souvent des coquilles vides à mes pieds.

Mon feuillage, de  grandes feuilles vertes sert à décorer le fond des paniers où la femme du berger met ses œufs et ses fromages, des Saint-marcellin, le fromage local.

Mes rameaux pendent dans le vide. J’ ai bien peur que l’homme ne les coupe.

Je sers aussi à héberger des oiseaux de toutes sortes. La force de mes branches permet aux gros passereaux de s’y reposer. Je crains les chasseurs qui les tirent.

Je suis heureux dans mon champ. Je me sens utile…

Aujourd’hui, l’homme et sa femme se sont étendus dans mon ombre. Qu’allez-vous penser ?  Ils pique-niquent.

Mais soudain, l’homme, après son repas s’approche avec une tronçonneuse bruyante et me mutile ; Aïe !!!...

Un engin arrive, me charge brutalement sur un gros camion, et me voilà parti en voyage.

Arrivé à un endroit empli de bruit, je suis débité en planches. Les meilleures et les plus belles termineront assemblées.

Que vont-ils faire de moi ? Un lit, une armoire ? Non ! on me met des pieds assez longs. Je mesure maintenant deux mètres de planches. Je suis assez beau, lavé, nettoyé, brossé etregardé tous les jours . Transporté dans une maison, des gens posent sur moi des victuailles, des verres, et sourient, tout en discutant. J’écoute leurs paroles…

 J’aurais pu finir ma vie dans leur cheminée pour les réchauffer.

Je sers de nouveau à quelque chose et continue à être heureux…

J’espère être un jour le témoin d’épousailles avec autour de moi des gens heureux, puis, pourquoi pas, d’héberger ensuite des bambins, égayant de leurs rires et de leurs jeux mes beaux jours retrouvés.

Mon avenir est assuré……

 

22 novembre 2015

L'orage par René Stepan

L’ORAGE

C’est ma voisine ; Elle se nomme Emma, Emma Bovary. Elle me semble très rêveuse, romanesque et semble s’ennuyer. Toujours un bouquin à la main, elle se promène souvent dan s le parc bien entretenu de la résidence que nous occupons, en Normandie. Son mari  s’absente souvent pour son travail.

Je ne sais comment l’avouer, cette femme m’attire. Est-ce sa beauté, sa nonchalance ? Je ne puis le dire…

Lorsque je l’observe de mon balcon, je ne peux m’empêcher de la désirer comme je n’ai jamais désiré d’autre femme. Mais je l’aime en secret, ma timidité naturelle et bien connue m’empêchent de lui déclarer ma flamme, même de lui parler…J’aurais bien envie de lui tenir compagnie pendant ses instants de solitude.

Un jour d’orage, vautré sur la canapé du salon, à feuilleter un de ces quotidiens sportifs résumant les résultats et les prouesses de la veille, j’entendis un gros coup de tonnerre précédé d’un éclair qui zébrait le ciel…

L’incroyable :

Et puis, surprise, on frappe à ma porte… toc ! toc ! toc ! c’est ma voisine Emma.

Et là, je ne peux que laisser raconter cette histoire par Georges Brassens :

 

Le plus bel amour qui me fut donné sur terre

Je le dois au mauvais temps

Je le dois à Jupiter.

 

Il me tomba d’un ciel d’orage :

Bondissant de sa couche en costume de nuit

Ma voisine affolée vint frapper à mon huis

En réclamant mes bons offices

 

« Je suis seule et j’ai peur ouvrez-moi par pitié

Mon vient de partir faire son dur métier »

Pauvre malheureux mercenaire !

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Contraint de coucher dehors quand il fait mauvais temps

Pour la bonne raison qu’il est représentant

D’une maison de paratonnerres.


Toi qui vends des paratonnerres à foisonAdresse au mari :

Que n’en as-tu planté sur ta propre maison

Erreur on ne peut plus funeste.

Ah ! L’amour

En bénissant le nom de Benjamin Franklin,

Je l’ai mise en lieu sûr entre mes bras câlins

Et puis l’amour a fait le reste…

Mais elle n’est pas revenue !

Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs,

La belle rentra dans ses foyers

Et me fixa rendez-vous au prochain orage !

Mais elle n’est pas revenue !

En attente…

A partir de ce jour j’ai consacré mon temps

A observer les cieux,

A guetter le mauvais temps

Mais plus aucune nouvelle !

L’explication :

Son mari a vendu ce soir-là

Tant de p’tits bouts de fer

Qu’il est devenu millionnaire.

Ils habitent maintenant sous des cieux toujours bleus,

Des pays imbéciles où jamais il ne pleut….où l’on ne sait rien du tonnerre !

 

 

28 décembre 2015

La petite fille en soie


Renée Gauvenet -

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                   Que peut bien regarder cette fillette avec son air un peu gauche, sans doute saisie par la prise de photo ?
Elle est toute potelée,  bien habillée, chaussures vernies,  chaussettes blanches, et petite robe tricotée, semble-t-il.
Oui, la robe est tricotée ou faite au crochet, dans un fin fil  de soie blanche, car sa maman qui l’a réalisée, prétend que seule la soie convient à la peau, que toutes les autres matières ne peuvent que l’irriter.
Ainsi tous les sous-vêtements, petites chemises ou culottes, seront ainsi coupés, cousus, brodés dans cette matière.
Elle grandit,  l’enfant aux vêtements de soie, apprend à lire, à écrire, à compter, à broder aussi.
Puis c’est l’école, elle continue à apprendre gaiement. Tout ce qui est papier lui plait, cahiers, livres, et crayons de toutes les couleurs.
Mais, il y a les autres qui se moquent, raillent la robe et les dessous de soie, font couler les larmes et s’en réjouissent..,
Pourtant elle tient bon, la petite. De classe en classe, elle monte, et devient de jour en jour plus instruite. C’est comme cela qu’elle se venge  des coups bas, des  humiliations .
On la complimente sur ses réussites et ce sont les autres qui pleurent.
Pourtant on ne dirait pas sur la photo de ses cinq ans une telle détermination, à quoi elle la doit.
 On ne saura jamais que c’est la force de sa maman partie, de son courage qu’elle a hérité.
 Les vêtements de soie s’usent pourtant, mais le souvenir de celle qui les a réalisés reste et un jour on abandonne cette matière pure et vivifiante.

2 janvier 2016

Festival d'Avignon

 

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Elle avait six ans, peut être sept, des cheveux blonds et longs, une robe bleue.

Place de La Mirande, derrière le Palais des Papes, à coté du Théâtre du Rouge Gorge elle était assise sur un bloc de calcaire blanc délimitant un emplacement en demi-cercle.

Tout autour, du monde, beaucoup de monde, debout.

Au centre de cette scène, un guitariste espagnol sur un tapis aux motifs rouges, assis sur sa sono, jouait des airs de sa composition que les murs très proches du Palais des Papes renvoyaient en écho.

Une petite place à coté d’elle étant libre, je m’y glissais. Elle me jeta un regard ni surpris ni intéressé, et se concentra à nouveau sur le musicien.

La voyant ainsi seule sur ce banc, j’imaginais ses parents debout, non loin d’elle, la surveillant.

De longues minutes s’écoulèrent, vingt minutes, une demi-heure peut être. Le guitariste joua, je me souviens, trois longs morceaux. Nous écoutions l’une à coté de l’autre ces airs étranges et envoutants. Immobile, concentrée sur la musique, elle semblait regarder les doigts du musicien jonglant sur sa guitare. Soudain derrière nous un brouhaha puis un cri affolé « Marie ». C’était sa mère. Elle se saisit d’elle vivement, la serra rapidement dans ses bras puis la tendit à son père.

« On l’avait oubliée »  me dit-elle aux bords des larmes. J’ai alors murmuré à la mère : «  Je la gardais. Elle ne s’est rendue compte de rien ».  Elle me remercia brièvement, et très vite ils s’éloignèrent, leur fille dans les bras. Mais au regard que celle-ci m’adressa en partant, je compris qu’elle eut aimée profiter plus longtemps de cette pause musicale.

 

25 novembre 2015

Eloge du Cycle

     Renée Gauvenet -
      3331214060_cb16eb67c5  Les réveillons de Noël se passaient toujours chez le frère de sa Maman qui avait épousé  une  femme adorable.
        Et, joie suprême, la petite fille avait le droit d’y passer la nuit pour recevoir le lendemain ses cadeaux.
        Elle aimait tant  cet appartement  un peu bohème empli d’objets art-déco, de tables basses, de tapis luxuriants et de coussins moelleux, qui contrastait avec celui de ses parents,  confortable, certes mais beaucoup plus classique
        Inutile de dire qu’elle y régnait en souveraine, dormant sur ces amas de coussins, et se précipitant dès le réveil dans le grand lit.
        Sa  tante y jouait de la mandoline pour accompagner les airs d’opérette qu’elle connaissait par cœur, et son oncle les régalait de merveilleux croissants et brioches. Et ce n’étaient que câlins et bisous échangés jusqu’au moment  de découvrir enfin ce que contenaient les paquets multicolores.
        Cette année là ( la  fillette avait environ trois ans) avait demandé une trottinette  avec une pédale, dont elle rêvait depuis longtemps.
         Dans cet immeuble moderne ou il n’y avait pas de cheminée, mais  le chauffage central,  c’était devant un radiateur qu’on déposait les cadeaux….
        Elle découvrit une petite patinette en bois, sans pédale, verte et rouge  fut un peu déçue mais qui lui fit néanmoins grand plaisir. Pas un moment elle ne se demanda  comment elle avait pu passer par les éléments du radiateur (il est évident que le tout puissant Père Noël  savait tout faire)
        Empotée qu’elle était, elle savait à peine s’en servir, et lorsqu’elle demanda un tricycle, il n’en fut pas question.
        Mais la bicyclette, quelle merveilleuse invention !!
        Et plus tard l’enfant fut mise en demeure d’apprendre à utiliser cet instrument bizarre qui n’avait même pas de roues  arrières. Il est vrai qu’elle avait des antécédents, car son arrière-arrière grand-père maternel collectionnait des draisiennes et autres cycles (de jolies dames aussi, mais c’est une autre histoire).             draisienne-1818
Un jour , on jucha cette minuscule enfant sur un instrument appartenant à une
cousine  qui  mesurait au moins un mètre quatre vingt !
        Elle réussit à monter en danseuse, mais dès que son postérieur rencontrait la selle, patatras, tout s’écroulait.
        Inutile de raconter les chutes, les bleus, les écorchures et les larmes.
        On finit par se rendre compte qu’elle n’était absolument pas douée et on cessa de la torturer ; Elle retourna bien vite à ses poupées et aux bras consolants des adultes ;
        Elle grandit au point qu’elle devint monitrice dans une colonie de vacances, et qu’on la chargea d’aller chercher le lait quotidien, avec un vélo auquel était attachée une petite remorque, qui contenait deux gros bidons. Les petites se battaient pour être celle qui pourrait se joindre à l’expédition.
        Bien entendu, elle n ’osa  jamais avouer son incompétence.
        Elle quittait en danseuse, la  colonie, avec les bidons et deux petites filles dans la remorque. Hors de vue, elle continuait le reste du voyage à pied, en tenant le guidon, jusqu’à la ferme voisine, en chantant à tue-tête et parfaitement faux, avec ses deux acolytes, et revenait de même .
        Jamais aucune des fillettes ne la trahit. C’était pour elles,  une merveilleuse promenade, qui les changeait des bâtiments austères dans les quels elles logeaient.
        On se demande comment des religieuses confiaient avec une inconscience totale, des enfants de cinq ou six ans à une jeune fille tout aussi inconsciente !
        Il n’y eut, Dieu merci, ni lait renversé, ni surtout de chutes.
        La jeune fille, devenue grand-mère, ne sait toujours pas monter à bicyclette...

 


      

4 janvier 2016

Une lettre de Madame Cézanne

 Liliane Fainsilber -

1872 Hortense Breast Feeding Paul oil on canvas Private Collection

Un maçon, entreprenant des travaux dans une vieille maison d'Aix en Provence, a récemment trouvé dans un secrétaire abandonné là, une lettre de Madame Cézanne à Monsieur Herbert Coleman, un critique d'art qui avait une certaine notoriété à la fin du dix-neuvième siècle. Elle permet d'interpréter sous un jour nouveau ce tableau assez peu connu de Paul Cézanne dont le nom est plutôt descriptif «Hortense allaitant Paul » daté de 1872.

« Cher Monsieur,

vous me demandez ce que je sais de ce tableau et dans quelles circonstances il a été peint par mon mari. Je sais bien que les gens de la bonne société aixoise auraient eu certes l'occasion sinon d'être choqués au moins de s'étonner devant ce portrait en constatant l'absence totale de réserve ou de pudeur de cette femme dénudée entrain de dormir d'un sommeil paisible, tenant son enfant dans ses bras et lui donnant le sein. C'est une scène d'une très grande intimité entre le peintre et son modèle. De fait, ce tableau n'est pas très connu car Cézanne le cachait soigneusement tout aussi soigneusement que l'existence de son fils prénommé Paul comme lui.

Cette femme endormie, c'est moi, Hortense Piquet, je ne suis devenue en effet que bien tardivement, Madame Cézanne, quatorze ans après la naissance de notre fils. Quand j'ai rencontré Cézanne, j'avais onze ans de moins que lui et je lui servais de modèle tout comme à d'autres peintres. Comme je pouvais rester immobile de très longues heures, il existe de moi de très nombreux portraits. Je ne sais pas s'il y a eu beaucoup d'amour entre nous, Cézanne n'avait peut-être qu'une seule passion au monde la peinture, et j'ai eu une bien rude concurrente, une redoutable rivale, son seul et grand modèle étant la Sainte Victoire. Vous remarquerez d'ailleurs que c'est à elle qu'il a réservé les plus beaux verts et les plus beaux bleus de sa palette.

 

Je suis cependant heureuse que ce tableau existe. Il aurait pu s'appeler « Maternité ». Pour notre fils Paul Cézanne, il est en quelque sorte un signe de reconnaissance. Ce tableau l'inscrit dans la lignée des Cézanne, de père en fils. Il me donne aussi une petite place dans cette lignée, je suis celle qui l'a mis au monde ! Je suis de fait la mère de Paul Cézanne. J'aime beaucoup le bandeau que j'ai dans les cheveux. Il me couronne en quelque sorte.

Voici modestement tout ce que je peux vous dire de ce tableau. Soyez assuré, cher monsieur, de toute ma sympathie. Hortense Cézanne.

 

 

 

 

 

 

9 janvier 2016

Tout feu, tout flamme

59201134Liliane Fainsilber -

Il l'aimait, la désirait et voulait l'inviter mais il n'osait pas, elle lui paraissait inaccessible. Au bureau, elle passait toujours en coup de vent. Il avait à peine le temps de l'apercevoir. Mais il entendait parler d'elle avec beaucoup d'admiration. Elle était l'une des adjointes du maire et témoignait de beaucoup de compétence dans toutes ses multiples activités. Elle semblait également très entourée, elle avait beaucoup d'amis, des hommes comme des femmes. Damien lui était un garçon timide et réservé. Il ne savait guère se mettre en valeur, ni se mettre en avant. Il avait fait de bonnes études de gestion et s'occupait des finances de la mairie. Mais à ses heures, il était aussi poète. Il faisait des vers et Valérie était la source de son inspiration, elle était sa muse.

Un jour dans la nouvelle mairie qui venait à peine d'être inaugurée un incendie se déclara. Peut-être était-il criminel. Il gagna vite les derniers étages et celui du bureau du maire et de ses adjoints.

 A cette heure de la journée, il y avait beaucoup de monde et un vent de panique se propagea avec autant de vitesse que l'incendie. A contre courant de tous ceux qui se dirigeait vers les sorties  Damien monta dans les étages en courant pour tenter de la retrouver et de lui porter secours, si nécessaire. Il se précipita donc dans son bureau, qui était déjà entouré de flammes. Elle avait perdu connaissance sous l'effet des gaz et de la fumée. Lui-même suffoquait.

Ils ne pouvaient plus s'enfuir par l'escalier, il était déjà trop tard. il s'approcha de la fenêtre et s'aperçut que les pompiers, arrivés sur les lieux, avaient déployé une très grande échelle. Il pris Valérie dans ses bras et enjambant la fenêtre, il descendit avec son précieux fardeau. Il l'accompagna jusqu'aux urgences dans l'ambulance. Elle ne semblait que légèrement brûlée. Il lui avait sauvé la vie, il lui avait donné une belle preuve de son amour mais il ne savait pas encore si elle en serait touchée.

Le lendemain il alla prendre de ses nouvelles à l'hôpital. Il avait acheté chez la fleuriste un modeste bouquet de jonquilles. Il pensait que ce serait peut-être le moment de lui déclarer sa flamme mais quand il pénétra dans sa chambre, un volumineux bouquet de lilas occupait tout l'espace disponible, et un de ses collègues tenait affectueusement la main de Valérie.

 

Déçu, il s'esquiva rapidement. Il pensait avoir perdu tout espoir de conquérir sa belle, mais ce qu'il ne savait pas encore c'est que toutes les histoires d'amour comportent beaucoup de péripéties. Quelques jours après, Valérie lui téléphonait pour l'inviter à partir avec une bande de copains faire un voyage en bateau le long des côtes turques.

Par cette invitation, elle lui faisait signe, un signe d'encouragement.

Au soleil et dans ces magnifiques paysages, il aurait tout le temps de tenter sa chance et faire en sorte qu'elle réponde à son amour.

21 octobre 2015

Le caillou enchanté

                 
     Renée Gauvenet                          

 

enfant picasso

Une pluie de météorites s’abattit sur la terre, phénomène très rare qui passionna les savants du monde entier.
        Léon ne fut pas le dernier. Depuis qu’il avait repris ses fonctions à l’Institut, il avait travaillé d’arrache-pied, mais dans une ambiance plus décontractée. Or, il fit un jour, à partir d’un petit morceau de pierre, une découverte très importante qui devrait  apporter un grand bienfait à l’humanité.
        Dès qu’elle fut publiée,  il fut félicité, honoré et les journalistes se précipitèrent pour l’interwiever,  parlant même de lui comme du futur prix Nobel alors qu’il n’avait pas la quarantaine ;
        Mais Léon, qui se serait autrefois attribué tous les mérites de cette invention, déclara à la presse qu’il la devait autant à son travail qu’à celui de ses assistants, et leur offrit le champagne
        Cette modestie lui attira la sympathie  et l’estime de tous.
        Pour se décontracter, il décida d’aller se promener dans les Jardins du Luxembourg.
        Il se dirigea tout de suite vers la Fontaine Médicis, endroit romantique s’il en fut, , magnifiquement sculptée, dont le bassin miroitant est bordé de platanes . qui  lui  rappelait sa jeunesse estudiantine. Il s’assit, contemplant Galatée dans les bras d’Acis, qui semblaient toujours s’aimer  autant.
Autour de lui, on aurait dit, le même spectacle : des étudiants révisant (ou en  ayant l’air) leurs polycopiés, une dame âgée avec son livre de poèmes qu’elle se récitait en silence.  Léon se sentait rajeunir, surtout lorsqu’on vit de loin une espèce d’oiseau  noir battant des ailes qui se dirigeait vers eux, c’était une femme au nez pointu, au menton poilu, aux doigts crochus qui venait réclamer son dû, la chaisière, en un mot.  Les étudiants  comme  moineaux d’égayèrent, poursuivis  d’invectives.
Léon lui donna sa piécette, et poursuivit sa promenade ; il passa devant le grand bassin où des enfants faisaient flotter des bateaux plus où moins grands. Il y avait même un gamin qui au bout d’une perche, essayait de maintenir un pauvre bateau en papier qui menaçait de couler .
En continuant, il aperçut dans les gravillons un petit caillou aux reflets  bleutés qu’il ramassa machinalement et mit dans sa poche.
Léon arriva près d’une petite baraque qui abritait le Théâtre de Guignol ( ce n’était pas encore la scène moderne) Guignol, Gnafron et Madelon  se disputant avec force coups de bâton, les enfants s assis sur des bancs, criant, riant, sautant en l’air. Les parents, debout derrière, attendant patiemment la fin .
Léon remarqua qu’au premier rang, une fillette  d’environ quatre ans, en robe à smocks, aux belles boucles brunes, regardait, impassible les marionnettes, sans qu’un sourire vint égayer son ravissant visage.
  Enfin le spectacle se termina. Les enfants, en se bousculant, rejoignirent leurs parents. La petite fille se dirigea vers une jeune femme élégante.
 Lorsque Léon croisa son regard, ils se reconnurent immédiatement. C’était la jeune fille qu’il avait tant aimée mais sacrifiée à sa carrière.
Elle lui raconta qu’elle s’était mariée, venait de perdre son mari, et que depuis, sa fille ne souriait plus, parlait et mangeait à peine
Léon acheta un beau ballon  qu’il  donna à  la fillette en lui disant qu’en le regardant flotter vers le ciel elle  verrait le soleil qui lui apporterait de la joie. Elle le gratifia d’un « merci Monsieur »  très poli, mais toujours sans sourire
Mû par une impulsion, il sortit de sa poche le caillou  qu’il avait trouvé, et le mit dans sa main. Il  lui assura que chaque fois qu’elle aurait de la peine, en serrant fort  cette petite pierre bleue, elle serait rassérénée. Cette fois, l’enfant lui sauta au cou, et ils partirent  tous les trois vers un avenir qui ne saurait être que radieux ;
Merci, Guignol, pensa Léon.               

 

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8 décembre 2015

Une vie de fourmi !

 

Quelle vie de fourmi ! par Zabeth STEPAN

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Je m’éveille, étire mes membres et pousse un profond soupir. Bizarre ! Il fait bien sombre, j’ai beau écarquiller les yeux, je ne vois rien. Une impression curieuse m’envahit, je ne perçois rien de familier, nul bruit, nulle odeur, même la consistance de l’air n’est pas celle que je connais. Où suis-je ? Par quel truchement ai-je été transportée dans cet endroit ?

Lentement ma conscience devient précise, je sens autour de moi des mouvements rapides, incessants, mais aucune rumeur, pas le moindre chuchotement. On me frôle, me tâte du bout de quelque chose qui n’est pas une main et je n’aime pas ça du tout. Une odeur inconnue se répand. Tiens, à présent elle me devient familière, elle m’enveloppe, m’entraîne, me bouscule et à cause d’elle, il faut que je m’insère dans cette file qui s’agite, gigote, se déplace sans arrêt.

Euréka ! Je comprends ! Je me trouve dans une fourmilière, je suis une fourmi, une parmi des flopées d’autres, exactement semblable à elles, sans la moindre individualité. Peste ! C’est dérangeant.

Juste moi qui ai ces minuscules bestioles en horreur, qui les ai toujours détestées, traquées, neutralisées sans pitié. Quand je pense que je ne suis même pas arrivée à terminer l’énorme pavé qu’est le livre de Bernard Werber  sur les fourmis ! Qu’est-ce que je fais là ? Obligée d’avancer, de suivre mes soi-disant congénères, de chercher, de porter, de travailler, quoi ! C’est épouvantable !

Tout de même, une question me taraude l’esprit. Comment se fait-il que je soie là ? Il me semble m’être endormie dans mon lit bien douillet ; puis des bribes de souvenirs me reviennent : je n’étais pas couchée, pas encore certes, il n’était que quatre heures de l’après-midi. Je lisais dans le jardin, sous l’acacia quand un choc violent à la tête m’a étourdie. Et voilà le résultat.

Y a-t-il une solution ? Immobile, je réfléchis à toute vitesse mais rien ne me vient à l’esprit pour l’instant. Tant pis, je n’ai d’autre choix que de suivre la troupe…

Après déambulations le long de ces galeries étroites où je croise d’autres fourmis qui rentrent lourdement chargées, j’émerge enfin à la lumière.

Avec soulagement, je reconnais bien mon environnement habituel, les rosiers où les pucerons nourriciers attendent les ouvrières, les pétunias colorés et l’herbe verte sur laquelle ma chaise longue et mon livre me tendent les bras. Est-il possible que personne ne me cherche, ne s’inquiète de ma disparition ?

Tout en trottant menu, je continue à réfléchir, il faut que je m’évade, je ne peux pas rester là, perdue, condamnée à cette petite vie que je trouve inintéressante et inutile. De plus, je cours de graves dangers, je suis exposée à de gros risques : l’écrasement par une chaussure agacée, l’empoisonnement par quelque gaz toxique, celui-là même que j’utilisais d’abondance. Ce doit être une vengeance, vengeance de la gent fourmilistique.

Malheureusement, je n’ai pas le droit de m’arrêter, les phéromones produites par mes nouvelles compagnes me poussent en avant, m’imposent de poursuivre la route en multiples allers et retours.

Quand je pense que dans sa fable ce brave homme de La Fontaine montait en épingle la valeur de la fourmi par rapport à la cigale… Pour mon compte personnel, en toute honnêteté, j’aurais préféré chanter dans l’arbre plutôt que trimer dans le noir. Me voilà bien triste.

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Au bout d’un long moment, en observant la cité souterraine, je réalise que toutes ces petites bêtes dont je fais partie malgré moi, jouent un rôle important de nettoyeur.  Et quelle organisation ! Pour un peu, je les admirerais. J’ai même entrevu, d’un peu loin je dois dire, celle qui est notre reine et notre mère à toutes. Comparaison assez drôle, si avant de me retrouver ici, j’avais eu comme elle une progéniture aussi nombreuse ! Quelle horreur !

Toute à mes élucubrations désolantes que je ne peux partager avec les autres, d’ailleurs ces autres, pensent-elles ? Je disais donc, toute à mes élucubrations, je me hâte vers l’entrée de la fourmilière remorquant péniblement une énorme miette de pain, lorsque soudain, une violente trombe d’eau me déstabilise, m’entraîne, m’étouffe, me noie.

Au secours ! Aidez-moi ! Je ne veux pas mourir. Hélas ! Personne n’entend mon appel, la vie m’abandonne. Tout est fini.

 Mais non, brusquement, je m’ébroue, je ne suis pas morte, j’ouvre les yeux et miracle ! Je repose de nouveau sur ma chaise longue. A côté, git, ouvert et renversé le bouquin que je feuilletais, en l’occurrence, « la vie des fourmis » de Maeterlinck. Tout s’explique.

Je me tâte, m’assure que tout est normal, bouge les bras, les jambes et crie de bonheur. Que s’est-il passé ?

Je baisse les yeux, près de moi, dans l’herbe, une curieuse pierre attire mon regard, je la prends, l’examine attentivement.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! »

comme aurait dit l’inspecteur Bourrel, c’est elle qui m’a assommée. D’où est-elle tombée ? Mystère… Je saurai plus tard que c’était un morceau de météorite… Bizarre, vous avez dit bizarre ?

En tous cas, quelle drôle d’expérience ! Et, baissant les yeux vers le gazon, j’ai contemplé avec indulgence, quelques petites fourmis qui se hâtaient vers leur maison. Petites, c’est une chance, et si une fourmi de dix-huit mètres existait ? Ah ! Non, monsieur Desnos, ce serait terrible !

En y réfléchissant, peut-être que dorénavant, je leur accorderai des circonstances atténuantes à ces minuscules créatures besogneuses… sauf si c’est dans la maison, parce que là, elles me « antent » !

 

12 décembre 2015

Blandine : Quelle histoire !

 Marie-Claude Miollan -

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Elle y pensait depuis longtemps. Aujourd’hui elle était là accompagnée de sa petite Blandine, si jolie, si douce. Ce n’est pas sans hésitation, qu’elle était entrée dans ce centre de consultations tout à l’heure malgré la décision qu’elle avait prise il y a très longtemps déjà. Elle avait conscience qu’une fois qu’elle aurait dit ce qu’elle avait à dire, il lui faudrait sans doute partir de chez elle, d’un chez elle qui est celui de ses parents où elle vivait dans une chambre qu’elle partageait avec sa fille. Quand elle s’était découverte enceinte, ils avaient voulu savoir qui était le père. Mais elle n’avait rien dit, pas souhaité, pas voulu répondre à toutes leurs questions. Même lui l’avait questionné.

Elle ne se souvenait plus très bien comment tout avait commencé, ni à quel âge Elle repensa à la dépression de sa mère, à sa longue absence, quand après une hospitalisation et un long séjour en Centre de convalescence, elle ne rentrait à la maison qu’épisodiquement.

C’était alors elle qui avait pris en charge la maison. Elle, qui tout en allant au collège faisait la cuisine, le ménage et qui avait fini par prendre la place de sa mère dans le lit parental.

Quand sa mère était revenue, l’habitude était prise. De toutes façons ses parents ne s’entendaient plus, ils avaient chacun leur chambre.

Cela lui était donc facile de venir la nuit la retrouver.

Elle en avait voulu à sa mère de ne s’être doutée de rien. Ou peut-être avait-elle fait semblant de ne rien voir.

Elle, par contre se sentait coupable, mais comment dire « non ». Puis il y avait eu la grossesse. Elle avait bien pensé à l’IVG, mais elle n’avait pas osé en parler à l’infirmière du collège, elle aurait posé des questions, demandé qui était le père, et puis elle savait bien que ce qu’ils faisaient était interdit. Elle ne voulait pas qu’il aille en prison.

Mais maintenant qu’elle avait sa fille, tout était différent. Elle savait qu’un jour elle aurait à répondre à ses questions : Qui est mon Papa ? Comment il s’appelle ? Où habite-t-il ?

Ce sont toutes ces interrogations qui l’amènent à être dans cette salle d’attente aujourd’hui. Elle souhaite ne pas trop attendre de peur d’avoir envie de repartir. Mais non , elle reste là silencieuse. Blandine blottie dans ses bras, regarde la pièce, détaille les personnes présentes.

Une porte s’ouvre, une femme l’invite à entrer dans un bureau, son regard est doux. Elle sent qu’elle peut, qu’elle doit lui parler, qu’elle pourra la comprendre.

Elle s’assied sur le bord de la chaise. Avec Blandine dans les bras, elle se sent protégée. Par un geste accompagné d’un sourire la femme l’invite à parler, à raconter.

Après quelques secondes d’hésitation, elle commence et tout devient alors facile. Etonnée elle-même d’y arriver, de trouver les mots pour dire, de ne plus avoir peur d’être jugée de pouvoir faire confiance. Elle commence à parler de sa fille, de sa grossesse, de sa souffrance lors de l’accouchement, du soin qu’elle avait pris d’aller déclarer sa fille à la mairie avant son accouchement.

A ce moment du récit le regard interrogatif de la femme l’amène à révéler ce pourquoi elle est venue, la relation incestueuse.

Une fois la chose nommée, un soulagement étrange mêlé à de l’émotion l’étreint. Elle se laisse alors aller à pleurer. Blandine, qui jusque là était restée immobile sur ses genoux, se blottie dans ses bas comme pour la consoler. Après un long silence où toutes trois réalisent l’importance de ce qui vient de se dire, la femme s’adresse à Blandine « Voilà, maintenant tu sais qui est ton papa. C’est à la fois ton papa et ton grand père. Ce que ton grand père et ta maman ont fait est interdit par la loi des hommes. Mais tu avais envie de vivre et ta maman t’aime ».

Elle, ébranlée par ce qu’elle vient d’entendre, ce rappel de la loi, se demande si elle veut, si elle peut porter plainte. N'est elle pas aussi coupable que lui ?

C’était quand même lui l’adulte, il aurait du savoir.

La question d’un dépôt de plainte fut soulevée en fin d’entretien sans qu’une décision ferme fût prise.

Elles reprirent rendez-vous pour la semaine suivante.

 

 

 

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