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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
29 septembre 2015

Pascal, le délinquant

 Daniel Fainsilber

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C'est la révolution dans la prison de Montoré. Les prisonniers refusent de regagner leur cellule. Ils ont désarmé plusieurs gardiens et les tiennent en otages. Monsieur le directeur réussit à leur échapper et se réfugie dans une cellule qu'il ferme à clé. Les clameurs s'apaisent, il se retourne et entrevoit dans la demi-obscurité un jeune homme recroquevillé sur son lit, affolé et terrorisé. Il lui dit je m'appelle Pascal, je n'ai pas participé à la révolte, je n'ai pas envie d'aggraver ma condamnation. Je suis ici depuis trois longues années à la suite du braquage d'un centre commercial.

 En tant que directeur de la prison il n'avait pas eu souvent l'occasion de parler avec un détenu. Pascal, percevant de suite la disponibilité de son interlocuteur était content de pouvoir lui raconter son histoire. Il décrit le braquage mal préparé avec un complice inexpérimenté.

Il lui explique qu'il s'est fait arrêter sans même essayer de s'échapper comme s'il avait voulu se punir. Il commence à parler de sa famille et de son enfance. Il avait neuf frères et sœurs. Ses parents étaient bateliers sur la Seine et naviguaient avec toute la famille entre Le Havre et Gennevilliers, transportant selon les saisons du blé ou du sable. Il était né ainsi à Amfreville la Mivoie. Ils vivaient tous dans la misère et se consolaient dans l'alcool. Alors qu'il avait quatre ans, un soir de beuverie, son père a jeté un de ses petits frères dans la Seine. Les services sociaux ont alors enlevé les enfants pour les placer dans divers centres et familles d'accueil. Perdant contact avec ses frères et sœurs il se souvenait avoir beaucoup souffert de solitude et d'angoisse.

 Alors qu'il avait douze ans, la nourrice et l'assistante sociale pensèrent qu'il serait souhaitable qu'il reprenne contact avec ses parents. Le père sortait juste de prison pour vol. A son retour il s'était si bien identifié à son père, qu'il se mit lui aussi à voler. C'est ainsi qu'il commença sa carrière de délinquant.

 

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26 septembre 2015

L'histoire farfelue du chapeau de Léon

Renée Gauvenet  -

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Léon, Sosthène Delafon, astrophysicien reconnu dont les écrits avaient suscité d’élogieux commentaires, rentrait chez lui, lorsque son chapeau tomba.

Il courut maladroitement pour le rattraper, empêtré qu’il était avec son journal, son parapluie, sa serviette et un petit paquet noué d’une faveur rose, contenant une tartelette. Il se tordit le pied, et laissa échapper le délicat paquet.

Un gamin qui passait par là, ramassa le chapeau et le lui rendit en l’aidant à se relever. Léon le remercia, et remit son couvre chef, mais celui retomba. Comme tous les savants, il chercha une explication et en déduisit qu’il y avait du vent, alors que pas la moindre bise ne soufflait.

Il eut beau faire, le chapeau ne voulait pas tenir sur sa tête. Il pensa qu’on lui en avait rapporté un qui ne lui appartenait pas, mais les initiales gravées sur le cuir « LSD » prouvaient que c’était bien le sien.

Léon décida donc de rentrer chez lui toujours encombré de son parapluie, du journal, de la serviette et en plus du chapeau qu’il tenait maintenant à la main. Une fois arrivé, il constata que la gardienne était de mauvaise humeur, l’ascenseur en panne et grimpa péniblement en claudiquant ses sept étages. se maudissant d’avoir acheté un appartement si élevé, mais compensé par la vue magnifique qu’il avait sur la Seine, et les principaux monuments de Paris . .

Essoufflé, il se regarda dans la glace et constata que sa tête avait considérablement enflé d’où la mauvaise volonté du chapeau à tenir sur sa tête.

Pour réfléchir à ce problème ; il se versa un verre du vieux Bas-Armagnac qu’il avait toujours en réserve, et s’assit dans un fauteuil confortable….L’alcool aidant, ses idées devinrent plus claires car il avait rempli son verre avec la modération recommandée par le Gouvernement et un certain sire Evin (nom bien mal porté pour un Monsieur qui voulait qu’on ne boive que de l’eau)

Il décida d’aller voir son chapelier afin d’acheter un nouveau chapeau. Le brave homme sursauta à la vue du crâne, dégarni, certes, mais très enflé, de son client. N’ayant rien à sa taille, il lui conseilla d’aller consulter un médecin.

Il entra dans un hôpital , où un interne craignant une tumeur, lui fit passer un scanner du cerveau. Celui-ci se révélant négatif, on appela le chef de service qui hochant la tête, lui dit qu’il avait attrapé le melon (qui est également un chapeau). Devant l’étonnement du pauvre savant, on lui expliqua que c’était un nouveau mot qui venait d’entrer dans le dictionnaire et qui concernait les gens trop imbus d’eux-mêmes et de leur savoir.

Ah bon dit Léon, je croyais que c’étaient les chevilles qui .enflaient dans ce cas là .. Mais c’est dépassé, mon pauvre Monsieur, lui dit le médecin. Le ministre de l’éducation nationale l’a supprimé, car cheville vient du latin cavicula, et comme elle ne sait pas le latin, elle exclut du dictionnaire tous les termes dont l’étymologie est latine ou grecque.

Le seul remède est de recourir à la plus profonde humilité, et votre tête désenflera.

Léon, revint chez lui, la tête basse, se resservit un verre et décida de fuir tout ce qui pouvait lui rappeler sa vie passée et son orgueil démesuré.

Il remplit un sac du strict nécessaire pour un voyage, passa à la Banque clôturer son compte et retirer toutes ses liquidités, car l’humilité n’implique pas qu’on doive mourir de faim.

Il trouva tout de suite une voiture dont le chauffeur, un jeune homme très bien habillé et très aimable, lui dit qu’il s’appelait UBER POP ( sans -doute un musicien, pensa Léon)et le conduisit rapidement à l’aéroport.

Arrivé là, il regarda les diverses destinations proposées ( son chauffeur lui avait bien parlé d’ « ashram , mais il ne savait pas exactement ce cela voulait dire) et se dirigea vers le comptoir d’AIR INDIA, où une charmante hôtesse le renseigna et lui expliqua qu’en Inde, il existait des endroits secrets, où l’on pouvait abandonner ses soucis, se ressourcer et même guérir de toutes les maladies. Cela s’appelait bien un ashram.

La décision de Léon fut prise immédiatement. Il acheta les billets, fit les réservations nécessaires, et se trouva rapidement à bord d’un avion, où, confortablement installé, il s’endormit instantanément.

Il ne se réveilla qu’à destination. Un petit bonhomme tout rond et tout jaune, claudiquant comme lui, s’empara de son sac, lui indiqua une sorte de voiture branlante et le conduisit dans un endroit où étaient disséminées de petites masures fort peu engageantes.

Dans un langage à peu près incompréhensible on l’installa dans l’une d’elles, qui se révéla propre et claire, bien que sommairement meublée d’un mince matelas à même le sol, de deux récipients emplis d’eau ,dont on lui fit comprendre que l’un servait pour la toilette, et l’autre pour boire. Après s’être incliné respectueusement, son compagnon se retira.

Léon se sentait dépassé, lorsqu’entra un homme grand, le visage avenant, souligné d’une barbichette grise, le salua en s’inclinant à plusieurs reprises, lui expliqua dans un français parfait, qu’il était son hôte , et lui proposa de faire une prière.

Ils s’agenouillèrent sur une natte et l’homme psalmodia en dodelinant d’avant en arrière des incantations incompréhensibles. Léon, pour ne pas le vexer, dodelina aussi. Au bout d’un moment, Il se retrouva seul, et fut surpris de ressentir un certain apaisement.

Le petit homme jaune revint, avec dans la main une écuelle emplie de riz, d’une sauce brunâtre peu engageante, mais Léon ayant faim, mangea et but. Ces cérémonies se déroulèrent deux fois dans la journée. Lorsque revint le soir, Léon s’allongea sur la paillasse, Il pleuvait de petites gouttes régulières, qui loin de l’énerver, le berçaient et son sommeil fut réparateur.

Le lendemain, à son réveil, il faisait beau, le soleil levant, magnifique. Léon s’étira. Et la journée recommença comme la veille, avec les mêmes rites. Le soir, la lune était pleine ; Léon la regarda avec admiration, sans penser à la disséquer, comme il aurait fait auparavant ;

Ce régime dura une huitaine de jours, et lorsque Léon fut sur le départ, après maintes salutations de son hôte, ce fut un tout autre homme qui reprit l’avion. Il se sentait comme lavé, purifié, bien que ne croyant pas que ce fut l’effet des prières dont il n’avait compris un traître mot .

Les hôtesses souriantes lui offrirent du champagne qu’il but avec plaisir.

A l’atterrissage, il eu la surprise de retrouver le jeune Pop qui l’attendait, le félicita sur sa bonne mine, et le conduisit chez lui.

A son grand étonnement, la gardienne lui fit un beau sourire, l’ascenseur fonctionnait, le ménage fait, et un joli bouquet de fleurs égayait son bureau sur lequel était posé un petit paquet noué d’une faveur rose, qui lui rappela celui qu’il avait perdu en tombant. Il se pencha à la fenêtre et vit le gamin qui agitait la main en signe de bienvenue.

Il se regarda dans la glace vit que son crâne était redevenu normal, et s’aperçut qu’il ne boitait plus.

Le téléphone sonna. C’était le chapelier lui annonçant qu’il avait confectionné un nouveau chapeau à ses mesures. Léon lui répondit qu’il n’avait plus désormais besoin de chapeau.

Le lendemain il se rendit à son bureau, sans chapeau, sans parapluie, sans ses documents et sans penser à acheter le journal.

Sa secrétaire en lui apportant son café traditionnel, lui sourit en disant : vous nous avez manqué Monsieur le professeur.

Merci , lui rétorqua-t-il, mais appelez moi donc Léon.

 

 

25 septembre 2015

La belle prise de Mathurin

 Liliane Fainsilber -

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 Mathurin était un garçon solide. Il avait les deux pieds sur terre, aussi les gens du village furent très étonnés lorsqu'ils apprirent ce qui lui était arrivé.

 Comme chaque soir le pêcheur était parti en mer et comme chaque matin il avait ramené ses filets vides jusqu'au jour où il avait eu la surprise de découvrir au milieu d'un lit d'algue une magnifique ondine endormie. Il avait d'abord cru que c'était une sirène mais son corps ne se prolongeait pas par une queue de poisson. Prise dans son filet, tandis qu'elle se réveillait, il vit en effet deux jolis petits pieds dépasser des plis de sa robe blanche. Elle semblait être à peine sortie de l'adolescence.

 Toute étonnée de se retrouver ainsi entortillée dans les filets du pêcheur sur le pont de cette barque, au milieu des varechs et des restes de coquillages, quand elle fut un peu réchauffée au soleil, elle s'ébroua et lui demanda en breton car elle ne semblait pas savoir parler le français, comment il s'appelait et où il habitait. C'est ainsi qu'ils firent connaissance. Comme elle s'était perdue en mer, il lui proposa de la ramener à terre et même de l'héberger chez lui, en se demandant cependant, ce que pourrait en dire sa femme.

 

Chemin faisant, installée à la proue de sa barque elle lui raconta en quelles circonstances elle s'était retrouvée nageant en pleine mer. Elle lui expliqua qu'à l'inverse des sirènes, les ondines sont des créatures qui vivent plutôt près des lacs, des rivières et des fontaines. Elles préfèrent donc l'eau douce à l'eau de mer. Elle vivait, avec toute sa famille près de l'église de Tonquedec, auprès de sa très vieille fontaine et de son calvaire breton. C'était ainsi qu'elle avait pu apprendre la langue des humains, lorsque les paroissiens venaient à la messe du dimanche et surtout pour le grand pardon de la Saint Tonquedec. Mais cette petite ondine s'était sentie tellement à l'étroit dans cet enclos breton qu'un jour elle avait échappé à l'attention de sa famille et, de lacs en rivières et en ruisseaux, était parvenue jusqu'à la mer. De fait, Mathurin pensait qu'elle ne lui avait peut-être pas dit toute la vérité. Il supposait donc que, comme la petite sirène d'Andersen, elle était tombée amoureuse d'un humain et était partie à sa recherche de par les océans. Fugitivement, il regretta d'être trop vieux, pour profiter de cette belle rencontre. Il soupira et rentra sagement au port avec sa belle prise qui s'évapora lentement dans les voiles de brume du petit matin. 

 

 

 

 

 

 

 

24 septembre 2015

Le pêcheur de Cancale

Par  René Stépan

crevettes

 

 

 Un marchand de crevettes surnommé à cause de son cri « Fraîcheur de la mer ! » se prend de passion pour l’opéra.

 

Je suis sur le port de Cancale en Bretagne. Au bout du port, longeant la mer, après avoir dépassé les nombreux restaurants pour touristes, qui n’ont rien à voir avec notre célèbre restaurant où de nombreux artistes viennent dîner. Je connais bien son  son chef  non moins célèbre. C’est moi qui lui livre les crevettes qui agrémentent ses plats. Sur le port donc, se trouve mon stand, en vérité,  une petite charrette perdue parmi les innombrables étals d’huîtres. Je dois avouer que toutes ne sont pas fraîches, même les célèbres huîtres plates de Cancale. Elles sont surtout assez chères.

Moi, Blaise, et breton de pure race, c’est mon destin que de pêcher des crevettes. Je ne sais rien faire d’autre. C’est mon père qui m’a appris, tout jeune.

 Quelquefois, sur ma barque,  je chante à tue –tête des airs qui me plaisent : « Sur la mer calmée, « ô sole moi », Je  pêche ces crevettes  tous les jours à l’aube et par bonne mer dans la baie avec mes filets que ma femme Margot reprise consciencieusement dans le hangar que nous louons  près du port tous les après-midi . Margot est née à Paimpol. Des fois, je lui fredonne « Ma Paimpolaise ». Elle en rit beaucoup. Le matin venu, je vends le produit de ma pêche, mes belles crevettes, toutes fraîches, elles. C’est pour ça que les autres pêcheurs se moquent de moi quand je crie : « Elles sont fraîches, mes crevettes ! C’est la fraîcheur de la mer ! » Je ne fais pas fortune, mais arrive à faire vivre ma famille.

Je ne suis pas rustre non plus. Le dimanche après-midi, avec ma petite famille, ma femme, mes deux filles Laure et Anne qui ont six et dix ans, et mon fils Antoine, quatorze ans et qui a grandi bien vite, que je surnomme « le grand dadais », nous allons au cinéma «  le Rex » de Cancale ; c’est un ciné de province classique, fauteuils rouges en velours. Je ne dis pas qu’il y passe de nombreux « navets », américains pour la plupart, mais je préfère les films d’art et d’essai qu’il passe de temps à autre et notamment «  les Visiteurs du Soir » de Marcel Carné que j’ai vu dernièrement. Mais il faut bien faire plaisir à tout le monde !

Parfois, à « l’Olympia », salle réservée aux grands spectacles, une représentation se passe. J’y vais tout seul, les autres ne voulant pas m’accompagner. C’est souvent de l’opérette, par exemple « la Vie Parisienne » d’Offenbach, « Violettes Impériales » de Vincent Scotto, spectacles légers et tous publics. Mais quelquefois c’est de l’opéra pur. Il n’y a pas grand monde pour venir écouter, mais ma joie est intense. La prochaine programmation prévue annonce « la Traviata »   de Verdi, jouée et chantée par une troupe venant de Paris ;  je me suis promis d’y aller. J’ai déjà entendu à l’Olympia « la Tosca » de Puccini, « Aïda » de Verdi, où j’ai adoré la prestation de la princesse égyptienne.

Et puis, mon rêve secret serait d’aller un jour à Paris,  particulièrement à l’Opéra Garnier, pour y écouter  là aussi une œuvre de grand compositeur, me promener dans le Foyer à l’entracte, contempler le majestueux plafond de la grande salle décoré par Chagall. Et pourquoi pas avec le fruit de la vente de mes crevettes, ne pourrais-je pas aller à la Scala de Milan pour y entendre la merveilleuse Calas et sa voix envoutante. Je n’ai écouté pour l’instant à al radio que la splendide voix de Cécilia Bartoli sur des morceaux classiques.

Mais il me faudra pour cela aller pêcher et vendre beaucoup de crevettes : alors « Ah ! la fraîcheur de la mer ! »

 

Comme chaque soir, le pêcheur était parti en mer et comme chaque matin, il ramenait des filets vides, jusqu’au jour où…

Je m’appelle toujours Blaise et toujours pêcheur de crevettes à Cancale, toujours épris ‘opéra. Je chante toujours à tue-tête mes airs préférés sur ma barque en tirant mes filets, et j’ai même enrichi mon répertoire en écoutant dernièrement à la TV Roberto Alagna, suivi de Carme, aux Chorégies d’Orange.

Mon rêve secret est toujours d’aller voir les grands spectacles de l’Opéra Garnier de Paris et… pourquoi pas… de la Scala de Milan pour y écouter la Diva dans la Tosca.

C’est pour cela qu’il y a quelques semaines, encouragé par mon épouse, mes enfants et mes collègues de la criée aux poissons de Cancale, j’ai décidé, pour gagner plus d’argent et augmenter mon pécule, comme ils me disaient tous, de laisser tomber la vente des crevettes pour ne vendre que du poisson.

Les filets sont  adaptés. Mon épouse, la Paimpolaise, les a modifiées pour cela. C’est vrai que je gagne mieux ma vie, mais toujours pas assez pour réaliser mon rêve.

Or, voici qu’un jour, toujours chantant à tue-tête sur ma barque plate, un gros bateau s’approche qans bruit, hélicoptère, jolies femmes, table avec champagne et celui que je pense être le propriétaire, m’interpelle et me dit :

« Bravo pour votre voix monsieur. Puis-je mieux vous connaître ? Voulez-vous monter sur ma modeste embarcation et prendre une coupe de champagne avec nous ? »

La conversation s’engageant, j’appris qu’il était imprésario dans le monde du spectacle et il me proposa de passer de nouvelles auditions dans son studio aménagé à Paris, afin d(entendre de nouveau ma voix que j’ignorais aussi belle et attrayante.

J’acceptais, bien sûr. C’était la chance de ma vire… Nous prîmes rendez-vous, les essais furent faits et un amateur d’opéra de ses amis fut  impressionné par le timbre de ma voix de ténor interprétant un extrait de Carmen, dans le rôle de Don José ? Je fus donc engagé et une nouvelle vie commença pour moi.

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Tournées, costumes, habits de soirées, hôtels luxueux, d’abord en France puis en Europe, puis dans le monde : New-York et Broadway, Tokyo, l’opéra Garnier à Paris, l’opéra Bastille, Londres et même la Scala de Milan où j’ai eu l’honneur d’occuper la loge de Caruso avant de chanter la Tosca.

Je suis maintenant une célébrité. Lorsque je retourne à Cancale, je fais un tour sur le port saluer mes amis et ne manque pas d’aller déjeuner avec d’autres gens connus chez mon ami le restaurateur chez qui je livrais les crevettes il y a quelque temps.

Mais pour autant, suis-je aussi heureux qu’avant ?

 

René STEPAN.

23 septembre 2015

Poésie au bord de l'eau

par Zabeth STEPAN 

PRETEXTE

Dans la rue, des enfants, des femmes

A de beaux nuages pareils

S’assemblaient pour chercher leurs âmes

Et passaient de l’ombre au soleil.

 

 

turner

Je pouvais admirer ces dames                                                                             

Contempler leurs sourires vermeils,                                                                       

Alanguies, agitant des rames

Dans l’eau claire striée de soleil.

Elles entouraient dans un grand calme                                                    

Des enfants aux yeux pleins d’éveil

Qui hissaient tels des oriflammes

Des rubans aux couleurs de ciel.

Chacun à voix haute déclame,

rivière

 

Ainsi qu’on le fait au réveil,

Quelques histoires ou mélodrames

Entrevus pendant leur sommeil.

Près de l’eau, des enfants, des femmes

Réunis comme en un conseil,

S’adressaient des regards de flammes

Des sourires à nuls autres pareils.                                                                         

Je pouvais admirer ces dames,

Ces enfants aux sourires vermeils,

Assemblés, nous montrant leurs âmes

Brillant aux rayons du soleil.

 

illustrations :

Turner : Canal de Chichester

Radimski : Osiers sur la rivière

 

                                                                                                                                                       

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23 septembre 2015

"Une maison en Provence"

 Liliane Fainsilber -

maison en provence

Gabrielle était ce qu'on a coutume d'appeler un peintre du dimanche. Elle ne prétendait pas avoir du talent mais ces modestes expériences picturales lui permettaient en quelque sorte de participer au moins en imagination à la création des tableaux qu'elle aimait contempler dans les musées. Cela la rendait sensible à la prouesse technique qu'ils exigeaient.

C'est ainsi que dans un de ces vieux musées poussiéreux de province, aux murs non seulement sales mais surchargés de tableaux, presque vide à ces heures chaudes de la journée, elle s'était mise à rêver devant un tableau qui avait attiré son attention. Il avait pour nom «Une maison en Provence ». Elle aurait aimé l'avoir peint. Cette maison ressemblait à leur beau cabanon qui se dressait sur le haut d'une colline parmi les oliviers et Gabrielle, sous le charme, était devenue, comme par magie, et au moins pour un moment, celui qui l'avait peint, Paul Cézanne :

« La veille j'avais cloué sur un châssis de bois, une bonne toile de solide coton, j'avais aussi préparé mes meilleurs pinceaux et choisi avec soin les pigments nécessaires à la composition de ma palette, avec selon mes goûts, une grande variété de verts et de bleus.

Levé de bon matin, lourdement chargé de mon chevalet, je partis jusqu'au pied de la Sainte Victoire, selon mon habitude, et cherchais du regard un nouveau sujet. Au détour d'un chemin de terre, un peu avant le hameau de Fontroussière, je trouvais une vieille maison qui s'inscrivait à merveille dans le paysage. A l'arrière-plan on voyait en effet les barres longitudinales de la montagne Sainte Victoire. Elles étaient d'un gris bleu délicat. La bâtisse était entourée de pins faisant des taches sombres dans le tableau. Mais la maison elle-même était très belle de proportions. Un escalier sur le côté donnait accès au premier étage. Elle semblait au premier abord inhabité, mais soudain un vieille paysanne se pencha à sa fenêtre pour savoir quel était ce visiteur venu jusque dans ces lieux reculés. Quelques instants après, elle vint me proposer tandis que je m'installais, un peu de l'eau fraîche de son puits ainsi que quelques pêches de vigne. Elles auraient pu devenir avec le pichet qui contenait l'eau et le verre à pied dans lequel elle la servit, une très belle nature morte. Mais je commençais cependant à mettre en place la composition de mon tableau et ébauchais le dessin de la maison. Elle me semblait devoir occuper le centre tandis que l'arrière-plan de la Sainte Victoire lui servait de décor. Je laissais un peu d'espace devant cette vieille bâtisse pour peindre le jardin avec ses vieux amandiers qui en cette saison étaient dépouillés de leurs feuilles du fait de la sécheresse. Il aurait fallu que je vienne au printemps pour pouvoir les peindre avec leurs nuages d'un blanc rosé créés par la présence des fleurs. Mais sous le mistral, je pouvais au moins dessiner leur silhouettes un peu squelettiques encore qu'harmonieuses. Je passais toute une matinée, absent de moi-même, à peindre ce paysage. Je repris soudain conscience, fatigué par l'effort fourni, celui de cette communion, de cette fusion avec la beauté du paysage et la difficulté de l'exprimer avec ces simples touches de couleurs. Le bruit des cigales était maintenant assourdissant, à cette heure de midi, et la chaleur était elle aussi intense. Il était grand temps de rentrer au mas si bien abrité du soleil par mes grands platanes. Je terminerai mon tableau dans la fraîcheur de l'atelier".

 

22 septembre 2015

Le bassin de l'Oeuf

 Daniel Fainsilber -

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Jeanne Léocard habitait le seul mazet que l'on voyait depuis notre terrasse et qui émergeait du champ d'oliviers. Jeanne était du pays et elle aimait nous parler du temps de sa jeunesse, dans les années 20. Elle s'exprimait très bien et nous l'écoutions avec beaucoup de plaisir, elle était très intelligente et surtout généreuse. A cette époque, sur toute la colline, il n'y avait que son mazet et le nôtre, tous deux alimentés par un puits que personne n'avait jamais vu à sec ; et des champs d'oliviers à perte de vue. Ils étaient régulièrement entretenus, piochés à la main et taillés chaque année. C'est ainsi que l'on voyait venir avec son âne notre voisine. A plus de quatre vingt ans, elle piochait encore plusieurs heures de suite.

Dans le village, il y avait encore quatre ou cinq chevaux de traits qui étaient loués pour les gros travaux. Chacun faisait son jardin, irrigué un jour par semaine. Les gens vivaient très simplement, avec les produits locaux, quelques volailles et un cochon. Jeanne nous disait qu'elle avait grand plaisir à chasser et elle nous racontait comment elle participait après la matinée de chasse à un grand festin au bassin de l'Oeuf. Ce bassin faisait partie d'un patek sur la route des Plans, trois ou quatre maisons accolées l'une à l'autre avec une vaste cour commune. Une grande table était dressée sous les arbres.Le repas bien arrosé était rythmé par des chants et des danses.

 

Elle nous parlait avec tellement de plaisir et de nostalgie de ces souvenirs que nous avons cherché à découvrir cet endroit. A l'époque, dans les années soixante, les maisons étaient abandonnées en partie en ruines, mais encore entourées de champs de vignes et de pêchers. Il restait des meubles dans la plus grande de ces maisons et dans le cellier, des jarres pour l'huile d'olive et des tonneaux pour le vin.

 Mais ce qui donnait le plus de charme à cet endroit c'était ce très beau bassin ovoïde avec une eau très claire, des plantes aquatiques et de grands arbres qui se reflétaient dans l'eau. Une fontaine donnait de la vie à ce lieu paisible. Le bassin alimentait plusieurs canaux d'irrigation qui arrosait en contrebas trois ou quatre jardins potagers.

Au bout de cet espace commun, régnait un chêne multicentenaire majestueux, royal. L'une de ces maisons était à vendre, nous l'avons achetée pour la restaurer, mais le propriétaire du champ de pêchers, a comblé la canalisation qui emmenait l'eau de la source jusqu'au bassin.

Vidé, il avait perdu tout son charme. A notre tour, nous l'avons abandonné.

Depuis, en passant sur la route, nous avons pu voir de loin que les maisons ont été restaurées mais nous n'avons jamais eu le courage d'aller voir si le bassin de l'oeuf avait été remis en eau. Nous préférons continuer à espérer que quelqu'un lui a redonné vie.

 

 

21 septembre 2015

Préambule

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L'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut.

Dans cet atelier de l'écoute-s'il-pleut, animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, sous la forme de prétextes et de  lectures d'auteurs reconnus et appréciés qu'elle nous propose. Ce sont eux qui alimentent nos textes. Dans ce blog, nous les offrons maintenant à la lecture, modestement. Peut-être même pourrions-nous l'ouvrir à quelques amis qui s'adonnent eux aussi à l'écriture avec plaisir. Chacun signera ses textes de son nom.

 

Liliane Fainsilber est responsable de ce blog. Vous pouvez lui écrire à cette adresse : liliane.fainsilber@orange.fr

 

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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
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