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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
22 septembre 2015

Le bassin de l'Oeuf

 Daniel Fainsilber -

bonnardetngwash

Jeanne Léocard habitait le seul mazet que l'on voyait depuis notre terrasse et qui émergeait du champ d'oliviers. Jeanne était du pays et elle aimait nous parler du temps de sa jeunesse, dans les années 20. Elle s'exprimait très bien et nous l'écoutions avec beaucoup de plaisir, elle était très intelligente et surtout généreuse. A cette époque, sur toute la colline, il n'y avait que son mazet et le nôtre, tous deux alimentés par un puits que personne n'avait jamais vu à sec ; et des champs d'oliviers à perte de vue. Ils étaient régulièrement entretenus, piochés à la main et taillés chaque année. C'est ainsi que l'on voyait venir avec son âne notre voisine. A plus de quatre vingt ans, elle piochait encore plusieurs heures de suite.

Dans le village, il y avait encore quatre ou cinq chevaux de traits qui étaient loués pour les gros travaux. Chacun faisait son jardin, irrigué un jour par semaine. Les gens vivaient très simplement, avec les produits locaux, quelques volailles et un cochon. Jeanne nous disait qu'elle avait grand plaisir à chasser et elle nous racontait comment elle participait après la matinée de chasse à un grand festin au bassin de l'Oeuf. Ce bassin faisait partie d'un patek sur la route des Plans, trois ou quatre maisons accolées l'une à l'autre avec une vaste cour commune. Une grande table était dressée sous les arbres.Le repas bien arrosé était rythmé par des chants et des danses.

 

Elle nous parlait avec tellement de plaisir et de nostalgie de ces souvenirs que nous avons cherché à découvrir cet endroit. A l'époque, dans les années soixante, les maisons étaient abandonnées en partie en ruines, mais encore entourées de champs de vignes et de pêchers. Il restait des meubles dans la plus grande de ces maisons et dans le cellier, des jarres pour l'huile d'olive et des tonneaux pour le vin.

 Mais ce qui donnait le plus de charme à cet endroit c'était ce très beau bassin ovoïde avec une eau très claire, des plantes aquatiques et de grands arbres qui se reflétaient dans l'eau. Une fontaine donnait de la vie à ce lieu paisible. Le bassin alimentait plusieurs canaux d'irrigation qui arrosait en contrebas trois ou quatre jardins potagers.

Au bout de cet espace commun, régnait un chêne multicentenaire majestueux, royal. L'une de ces maisons était à vendre, nous l'avons achetée pour la restaurer, mais le propriétaire du champ de pêchers, a comblé la canalisation qui emmenait l'eau de la source jusqu'au bassin.

Vidé, il avait perdu tout son charme. A notre tour, nous l'avons abandonné.

Depuis, en passant sur la route, nous avons pu voir de loin que les maisons ont été restaurées mais nous n'avons jamais eu le courage d'aller voir si le bassin de l'oeuf avait été remis en eau. Nous préférons continuer à espérer que quelqu'un lui a redonné vie.

 

 

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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