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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
29 octobre 2015

Le marché de Flayosc

img_1343Renée Gauvenet -

 

Elle traversa la place pour aller au marché, comme tous les lundis, s'arrêta devant l'étalage de fleurs et en commanda, pour les reprendre à son retour.

La terrasse du café du commerce était occupée par les touristes et les habitués. Elle l'évita pour ne pas être conviée à prendre un verre, passa devant la superette et entra au pressing pour déposer la robe portée la veille et déjà tachée.

 Le café de Paris était plein aussi. Un petit geste de la main, en passant, lui évita de s'arrêter, et la panier dansant à son bras, continua son chemin parmi les étalages de primeurs et de fripes, vers la boulangerie et remonta disant quelques mots aimables par ci par là.

 En voyant l'enseigne du coiffeur, elle se rappela qu'elle avait bien besoin d'un brushing mais entra chez le traiteur où elle trouvait toujours une réponse à sa gourmandise, passa devant le brocanteur.

 Partout, qui lui faisait une bise, qui s'enquerrait de sa santé. Elle répondait, toujours le sourire aux lèvres, mais n'avait pas fini ses achats et fit une petite halte au café du midi, pour embrasser quelques amis.

 Lorsqu'elle atteignit la poste, un touriste lui demanda où était la pharmacie. Juste en face, lui répondit-elle. C'était un monsieur d'un certain âge, bien habillé, Elle eut un sursaut croyant l'avoir déjà vu. Il la regarda avec insistance, mais elle passa.

Elle le retrouva chez l'autre brocanteur et la lumière se fit. Elle venait de retrouver un des étudiants de la fac. L'émotion les gagna, ils s'embrassèrent comme des amis qui ne s'étaient pas revus depuis de longues années. Ils allèrent fêter leurs retrouvailles à la terrasse du Pichet Mignon.

 Comme quoi on trouve tout au marché de Flayosc, un lundi, au soleil.

 

 

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24 octobre 2015

Je suis un arbre...

cyprès 3

Zabeth Stépan-

 

Regarde-moi, admire-moi, je suis fier, droit.

Tel une flamme vert sombre je m’élance vers le ciel bleu de Provence.

Qui suis-je ? Tu me connais bien, je dirais même que tu ne connais que moi. C’est moi, le cyprès, mais pas n’importe quel cyprès. 

On m’appelle « Florentin », sûrement parce que mes origines sont toscanes. Mes congénères, là-bas, sont nombreux, ils décorent avec grâce le paysage si doux du centre de l’Italie. Je ne sais quand on nous a ramenés ici en Provence, à l’époque bénie de la Renaissance sans doute… Je ne sais pas non plus qui, dans ses bagages, nous a importés et installés chez vous comme l’a été l’art du Quattrocento. 

Force est de reconnaître que nous nous plaisons dans cette contrée hospitalière. Maintenant, nous y sommes nombreux et d’aucuns pensent que c’est notre terre d’origine.

Et moi, alors ? Je ne suis pas seul évidemment, nous sommes des frères, plantés il y a longtemps déjà, trois frères, comme c’est l’habitude par chez nous. 


cyprès 2
Notre trio se dresse près de la maison. Je suis le plus haut, le plus beau peut-être, le plus modeste sûrement pas.

Je me plais énormément ici. J’aime les oiseaux qui me visitent, même les pies, ces jacasseuses qui se perchent bruyamment à ma cime. J’aime la brise d’été qui me balance gracieusement et me rafraîchit. Je crains le mistral violent quand il se déchaîne, emportant les nuages, nettoyant le ciel ; heureusement que je ne suis pas comme le chêne de ce cher Jean de La Fontaine, je résiste…

Il faut dire en ma défaveur que je ne suis pas très utile, vu que je ne suis pas capable de  proposer une ombre réconfortante à mes hôtes. Nonobstant, je crois qu’ils aiment l’image que je leur offre, sinon, pourquoi m’auraient-ils choisi ?

Je les entends quelquefois au printemps se plaindre de moi. Toute cette poudre jaune que je rejette les agace un peu ; tout de même, il faut bien que mon pollen se répande. D’accord, j’en conviens, par moments, c’est comme un  nuage rabattu par le vent qui se dépose partout et qu’il faut nettoyer. Heureusement cela ne dure pas longtemps et par chance, dans cette famille, ils ne sont pas allergiques ! Sinon, pauvre de moi, ils me couperaient, m’arracheraient, me détruiraient, ce serait un drame horrible.

J’en serais fort marri, moi qui ai été le témoin muet de toute leur vie familiale.

Quand je suis arrivé, la maison était déjà là. J’ai aimé écouter leurs discussions pour le choix de mon emplacement alors que j’attendais en compagnie de mes frères. Ensuite, j’ai apprécié le soin avec lequel ils m’ont planté, l’attention avec laquelle ils ont guidé ma croissance.

Avec le temps, j’ai regardé grandir leurs enfants, assisté à leurs repas en été sous la tonnelle, fait connaissance avec leurs amis, regretté leurs disputes pour être ensuite heureux de leurs réconciliations. Que de souvenirs j’ai emmagasinés  au cours de toutes ces années !

Maintenant, ils ont vieilli, je le vois bien, moi aussi en effet, mais nous restons proches.

Qui de nous terminera sa vie le premier ? Moi, je me sens solide encore, sûrement plus qu’eux, notre mère nature est beaucoup plus indulgente avec nous les arbres. Il faut dire que je serai fort malheureux lorsqu’ils me quitteront.

Je réfléchis à tout cela et je sais que d’autres viendront, il faudra simplement que je m’habitue à ces nouveaux compagnons.

Mais ce moment n’est pas encore là. Profitons du soleil bienfaiteur, du souffle léger du vent, des rires, des chants, de tous ces moments de bonheur.

Le temps n’est pas venu de se désoler.

22 octobre 2015

La fille du chef des voleurs

 

Captain-Fracasse-2300 Liliane Fainsilber - 

 

Hélène laissa tomber le livre qu'elle lisait, le dernier prix Goncourt, et se mit à rêver avec nostalgie à d'autres romans, les romans qu'elle lisait avec passion au temps de son enfance et de son adolescence. Ainsi elle avait beaucoup aimé, pour leurs atmosphères poétiques et oniriques, la Vouivre de Marcel Aimé que le Sarn de Marie Web. Mais celui qui avait sans nul doute marqué son adolescence était ce beau roman de Théophile Gauthier, au titre conquérant mais en même temps un peu ridicule «  Le Capitaine Fracasse ».

 Longtemps après, devenue adulte, comme elle s'était demandé pourquoi les personnages de ce roman avait exercé une telle fascination sur elle, elle avait eu envie de le relire. Elle avait retrouvé avec grand plaisir chacun de ses héros, dont bien sûr ce pauvre baron de Sigognac que l'on découvrait au début du roman, dans son château en ruine. Il avait suivi, de son pays de naissance, la Gascogne, une troupe de comédiens jusqu'à Paris. Pour les nécessités de l'intrigue, c'était lui qui était monté sur les planches, après la mort de celui qui jouait le rôle du Matamore, pour le remplacer sous le rôle du Capitaine Fracasse.

Bien sûr, comme l'exigeait la trame du roman, il était tombé amoureux de l'ingénue, Isabelle, qui était à la fois, comme il se doit, belle et vertueuse. Telle que se présentait l'intrigue, leur amour était de l'ordre de l'impossible puisqu'une comédienne ne pouvait épouser un noble, les bergères n'épousant jamais les princes, mais l'auteur du roman avait veillé au destin des deux amoureux. Grâce à une précieuse améthyste qu'elle portait à son doigt, le duc de Valombreuse, put reconnaître en elle, la fille qu'il avait eu avec une comédienne. Tout s'arrangeait donc, elle était donc elle aussi de noble naissance. Ils purent se marier et eurent beaucoup d'enfants.

Mais cette Isabelle était en tant que femme assez peu intéressante, plutôt terne, c'était un autre personnage qui avait beaucoup plus attiré l'attention d'Hélène, celle à qui elle s'était identifiée, c'était Conchita, une fillette, à la lisière de l'enfance et de l'adolescence, maigre et sale, habillée de haillons et qui vivait en compagnie d'un voleur de grands chemins. Un jour qu'ils avaient attaqué la troupe des comédiens, au coin d'un bois, pour les détrousser, Isabelle lui avait offert son faux collier de perles. Eblouie par ce cadeau grandiose, Conchita en avait conçu une grande reconnaissance envers elle et lui était restée très attachée. Dès qu'Isabelle était en grand danger, et cela lui arrivait souvent, Conchita intervenait toujours à point nommé pour lui porter secours.

 Devenue adulte, Hélène s'était certes posée la question de savoir pourquoi elle n'avait pas choisi au moins Isabelle comme modèle, même si un autre personnage de femme, prétentieuse et orgueilleuse, Diane de Foix, n'avait pas suscité sa sympathie. Quel avait été pour elle, adolescente, l'attrait de cette pauvre Conchita, était-ce son apparente liberté, en tant qu'elle échappait ainsi à toutes les contraintes morales de la société ? Cela n'était pas impossible mais n'était peut-être pas une cause suffisante.

D'autres motivations inconscientes avait été pour elle mises en jeu. Comme elle l'avait appris de ce grand inventeur de la psychanalyse que fut Sigmund Freud, les poètes et les romanciers sont ceux qui savent transcrire dans leurs œuvres les rêves d'amour et de gloire de tous les êtres humains, ceux des hommes comme ceux des femmes. Mais ces rêves sont cependant gardés secrets y compris le plus souvent de nous-mêmes. Quand nous les découvrons dans les romans nous sommes émus et satisfaits que ces poètes aient pu les formuler, les exprimer à notre place.

C'est ce qui était arrivé à Hélène avec cette histoire de la petite Conchita. Le père d'Hélène n'était pas originaire de la Gascogne mais de la Catalogne. Il portait un beau nom, nom qu'il avait donné à sa fille. Quand on le prononçait en français il était tout fait ordinaire et raisonnable, mais en catalan, il prenait du lustre et aussi une double signification. Il pouvait s'appeler soit André du « Champ de l'aire », ce qui donnait d'emblée, à ce nom une dimension agreste, voire agricole. Mais il pouvait aussi devenir André « chef des voleurs », « chef des larrons », « cap dei laïre » ce qui faisait donc de ce père, un bandit de grand chemin. C'est ainsi qu'Hélène était comme la petite Conchita, la fille du chef des voleurs, elle vivait elle aussi, sans foi ni loi, au milieu de ces bandits tandis qu'ils attaquaient les diligences.

Heureusement Hélène n'avait pas entièrement calqué son destin sur celui de cette héroïne souffreteuse et plutôt victime, entre temps elle avait été sensible à d'autres influences. Malgré le nom qu'elle portait, elle n'avait jamais rien volé de sa vie, en tant que fille d'un bandit de grand chemin, sauf peut-être quelques cierges ou vieux chapelets dans des églises, mais c'était plutôt par provocation et pour rendre à César, tous ces César que rêvent d'être les hommes, ce qui avait été injustement donné à Dieu.

 

 

21 octobre 2015

Le caillou enchanté

                 
     Renée Gauvenet                          

 

enfant picasso

Une pluie de météorites s’abattit sur la terre, phénomène très rare qui passionna les savants du monde entier.
        Léon ne fut pas le dernier. Depuis qu’il avait repris ses fonctions à l’Institut, il avait travaillé d’arrache-pied, mais dans une ambiance plus décontractée. Or, il fit un jour, à partir d’un petit morceau de pierre, une découverte très importante qui devrait  apporter un grand bienfait à l’humanité.
        Dès qu’elle fut publiée,  il fut félicité, honoré et les journalistes se précipitèrent pour l’interwiever,  parlant même de lui comme du futur prix Nobel alors qu’il n’avait pas la quarantaine ;
        Mais Léon, qui se serait autrefois attribué tous les mérites de cette invention, déclara à la presse qu’il la devait autant à son travail qu’à celui de ses assistants, et leur offrit le champagne
        Cette modestie lui attira la sympathie  et l’estime de tous.
        Pour se décontracter, il décida d’aller se promener dans les Jardins du Luxembourg.
        Il se dirigea tout de suite vers la Fontaine Médicis, endroit romantique s’il en fut, , magnifiquement sculptée, dont le bassin miroitant est bordé de platanes . qui  lui  rappelait sa jeunesse estudiantine. Il s’assit, contemplant Galatée dans les bras d’Acis, qui semblaient toujours s’aimer  autant.
Autour de lui, on aurait dit, le même spectacle : des étudiants révisant (ou en  ayant l’air) leurs polycopiés, une dame âgée avec son livre de poèmes qu’elle se récitait en silence.  Léon se sentait rajeunir, surtout lorsqu’on vit de loin une espèce d’oiseau  noir battant des ailes qui se dirigeait vers eux, c’était une femme au nez pointu, au menton poilu, aux doigts crochus qui venait réclamer son dû, la chaisière, en un mot.  Les étudiants  comme  moineaux d’égayèrent, poursuivis  d’invectives.
Léon lui donna sa piécette, et poursuivit sa promenade ; il passa devant le grand bassin où des enfants faisaient flotter des bateaux plus où moins grands. Il y avait même un gamin qui au bout d’une perche, essayait de maintenir un pauvre bateau en papier qui menaçait de couler .
En continuant, il aperçut dans les gravillons un petit caillou aux reflets  bleutés qu’il ramassa machinalement et mit dans sa poche.
Léon arriva près d’une petite baraque qui abritait le Théâtre de Guignol ( ce n’était pas encore la scène moderne) Guignol, Gnafron et Madelon  se disputant avec force coups de bâton, les enfants s assis sur des bancs, criant, riant, sautant en l’air. Les parents, debout derrière, attendant patiemment la fin .
Léon remarqua qu’au premier rang, une fillette  d’environ quatre ans, en robe à smocks, aux belles boucles brunes, regardait, impassible les marionnettes, sans qu’un sourire vint égayer son ravissant visage.
  Enfin le spectacle se termina. Les enfants, en se bousculant, rejoignirent leurs parents. La petite fille se dirigea vers une jeune femme élégante.
 Lorsque Léon croisa son regard, ils se reconnurent immédiatement. C’était la jeune fille qu’il avait tant aimée mais sacrifiée à sa carrière.
Elle lui raconta qu’elle s’était mariée, venait de perdre son mari, et que depuis, sa fille ne souriait plus, parlait et mangeait à peine
Léon acheta un beau ballon  qu’il  donna à  la fillette en lui disant qu’en le regardant flotter vers le ciel elle  verrait le soleil qui lui apporterait de la joie. Elle le gratifia d’un « merci Monsieur »  très poli, mais toujours sans sourire
Mû par une impulsion, il sortit de sa poche le caillou  qu’il avait trouvé, et le mit dans sa main. Il  lui assura que chaque fois qu’elle aurait de la peine, en serrant fort  cette petite pierre bleue, elle serait rassérénée. Cette fois, l’enfant lui sauta au cou, et ils partirent  tous les trois vers un avenir qui ne saurait être que radieux ;
Merci, Guignol, pensa Léon.               

 

 -

18 octobre 2015

Une héroïne au temps des plantations

scarlett

Zabeth Stépan -

SCARLETT O’HARA

 

La drôle de petite bonne femme que voici. Un personnage mutin, parfois adorable, parfois exaspérant.

Tout est là, énervant. Un monde de frivolité, un babil incessant de coquette, des exigences capricieuses.

Tout se remarque, éblouissant. Une légèreté dansante dans ses mouvements, un teint de lis et de roses, des sourires ensorcelants à damner un saint.

Sa beauté éclatante resplendit, elle rayonne dans les pièces meublées sombrement de Tara et les illumine. D’ailleurs elle en est consciente et à chaque réception dans les demeures des riches planteurs de Virginie, une cour de jeunes gens l’entoure et lui permet de briller. Quel bonheur d’être la plus belle, la plus courtisée !

Joueuse et sûre de son chafrivolerme, elle sait se montrer câline, enjôleuse et s’en sert habilement pour arriver à ses fins.

Taratata ! Taratata ! C’est ainsi qu’avec son caractère explosif, elle ponctue énergiquement toutes les affirmations qu’elle profère, les désirs qu’elle manifeste et qui ne sauraient lui être refusés.

Egoïste, sûrement, égocentrique plutôt, elle se sent importante, forte et ne pourrait admettre de ne pas occuper le devant de la scène, au détriment des autres dont fait partie la douce Mélanie. 

Je l’ai découverte dans le roman « Autant en emporte le vent » puis dans le film tiré de cette œuvre de Margaret Mitchell. Au début, j’ai été  attirée, séduite par cette magnifique demoiselle, puis d’autres sentiments se sont faits jour.

De l’amusement et de l’ironie d’abord. Petite écervelée qui ne pense qu’à elle, qui, imbue de sa personne se montre assez ridicule dans son acharnement à conquérir celui qui ne la veut pas. Ah ! Ashley, si pâle, si fade qu’elle n’aurait aucun mal à le dominer, mais qui doit avoir certainement peur de cette fougue, de ce tempérament violemment exubérant…Tant pis pour lui s’il lui préfère Mélanie. Quant à Scarlett, elle ne se résigne pas et jalouse, pour se venger, épouse un quelconque benêt. Celui-ci aura l’élégance de ne survivre que peu de temps pendant la guerre de Sécession.

De l’agacement ensuite. Capricieuse, elle ne sait voir, comprendre et apprécier le flambeur qui lui ressemble et en ferait la reine de La Nouvelle Orléans. C’est elle qui ne veut pas se l’avouer et doit craindre Reth, l’homme viril et fort dont elle ne pourrait se rendre maîtresse. Aveuglement et sottise  lui cachent les sentiments passionnés qu’il éprouve pour elle.

Plus tard, de l’admiration. Sa vaillance, son énergie pour retrouver son cher domaine, sauver ses gens. 

reth

Dure, âpre, elle n’a pas peur de la guerre, des dangers, des soldats errants. Dans l’adversité, elle sait se montrer la plus forte, celle qui sait pour un moment oublier les frivolités et les caprices pour aller à l’essentiel.

Au fil des pages, malgré la belle vie qui est la sienne, en moi je sens poindre la tristesse. Les chagrins de la vie l’atteignent, la bouleversent. Malgré tout, les mêmes sentiments, les mêmes comportements surgissent toujours. Elle n’avancera donc jamais vers la clairvoyance et la sérénité ?

Er pour finir, la déception et l’inquiétude me gagnent. Petite coquette finalement assagie, enfin peut-être assagie, pourra-t-elle devenir lucide et raisonnable ?

Hélas ! Trop tard ! Le happy end ne sera pas pour toi, Scarlett, te voici seule dans ton cher Tara. Cependant, de plus, même dans cette circonstance, tu ne changes pas. Les larmes qui inondent ton beau visage sont plus de rage que de chagrin. Echec final…

Je referme le livre, les lumières se rallument. Et j’avoue ressentir tout de même de la tendresse pour cette femme, affranchie et libre, si féminine et si féministe…

 

illustrations : photos du film de Victor Fleming (1939)

 

  

 

 

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18 octobre 2015

La dame aux renards blancs

 Liliane Fainsilber -

 

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 Un matin Isadora reçut par la poste un manuscrit. Une tasse de  thé en main et confortablement installée, elle se prépara à  le lire. Elle travaillait en effet dans une petite maison d’édition spécialisée dans les sciences humaines et était membre du comité de lecture. 

 D’emblée dès qu’elle entra dans la lecture de cet ouvrage elle éprouva un sentiment d’étrange familiarité. Son titre même l’avait intriguée : « La dame aux renards blancs ». Elle avait tout de suite imaginé la silhouette élégante d’une femme des années 1920, 1930, emmitouflée dans des fourrures, mais en se plongeant dans le manuscrit, elle ne trouva rien de tout cela. L’auteur y relatait sous une forme romancée les enfances d’une petite fille phobique, sa phobie ayant débuté à l’âge de quatre ans, à la suite d’un cauchemar. Une nuit elle se réveilla en criant alors qu’elle voyait dans son rêve quatre ou cinq  renards blancs, sur deux arbres perchés, la regardant fixement. Elle se réveilla dans un très grand état d’angoisse car elle avait eu peur que ces renards ne l’égorgent comme les poules de leurs voisins et ne la dévorent.

 C’est alors qu’Isidora prêta attention à celle qui  était l’auteur de ce manuscrit. Elle découvrit que son nom lui était familier.  Elle s'appelait en effet Gisèle Couturier et elle  avait été sa psychanalyste.  Elle s'étonna alors d'avoir oublié à ce point ce rêve des renards blancs qu'elle avait si souvent fait dans son enfance et qu'elle avait longuement analysé pendant ses presque dix années d'analyse.

Dans les brumes de l’enfance, elle se souvenait aussi combien elle avait beaucoup aimé les histoires que lui racontait sa mère avec toutes les astuces et les subterfuges de celui qu’on appelait Maître Renard. Elle se souvenait notamment qu’il avait incité le loup à pécher des anguilles avec sa queue dans un étang gelé et que ce pauvre loup l’avait perdu. Elle savait donc qu’il avait plus d’un tour dans son sac.

C'est ainsi que longtemps après, devenue adulte et en analyse,  elle avait attribué ces dons à sa psychanalyste, au moins pour un temps, car après un long travail, elle l’avait dépouillée de ces pouvoirs.

Plus tard encore, elle s'était plongé dans l'une des cinq psychanalyses de Freud, celle de l'Homme aux loups et elle avait découvert à quel point leurs deux histoires étaient proches, l'un avait en effet la phobie des loups et l'autre la phobie du renard, l'un était un homme et elle était une femme.

 

Désormais, elle savait que c’était elle cette belle dame aux renards blancs, enveloppée dans ses fourrures qui exaltaient sa féminité.  Elle était l’héroïne de ce roman inventée mais à peine par son psychanalyste. Sans doute  en tant qu'analysante l'aurait-elle inventée d'une toute autre façon en l'écrivant à la première personne mais elle serait d'accord pour éditer le premier roman de sa psychanalyste.

15 octobre 2015

Oui, les arbres nous parlent

Daniel Fainsilber -

 

2015-10-17 05

 

 

 

Enfants, nous aimions nous promener dans la forêt voisine. J'admirais beaucoup une allée étroite bordée de part et d'autres de deux rangées de hêtres majestueux aux troncs lisses et réguliers que ma mère comparait à la nef d'une cathédrale et à ses piliers. Elle était peintre et les avait souvent représentés dans ses tableaux.

Ces arbres multicentenaires était donc un lien entre les générations. De même les oliviers que j'ai planté cet hiver donneront des olives, je l'espère, à mes enfants, mes petits enfants et arrière-petits enfants qui se souviendront peut-être de l'aïeul qui les a planté.

L'arbre même s'il ne parle pas évoque en nous des sentiments et des émotions particulières à chacun : c'est ainsi que le hêtre par son port altier, son tronc régulier, son feuillage si délicat surtout au printemps quand le soleil joue entre ses feuilles, évoque la distinction, l'élégance, l'aristocratie. Le chêne l'image de la force, de la puissance, la virilité, avec ses branches trapues, dures comme les mains de travailleurs de la terre. Le bouleau illumine la forêt surtout en hiver par son écorce argentée, sa silhouette gracile, fine, ses brindilles dessinant un fine résille autour de son tronc. Les pins, par leur nombre, la rapidité de leur croissance, donnent une sensation d'invasion, de colonisation sauvage au détriment des champs d'oliviers. Les cyprès marquent une ponctuation verticale et sombre dans le paysage. Que dire aussi des couleurs dorées, cuivrées, étincelantes de l'automne ou des couleurs vaporeuses des arbres en fleurs au printemps. Oui les arbres nous parlent, ils sont des symboles de vie et presque d'éternité.

 

Daniel Fainsilber

10 octobre 2015

Epuisée, elle se laissait couler

 

 Liliane Fainsilber -  

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Ils avaient embarqués sur la côte libyenne. Il y avait maintenant deux jours et deux nuits. Au cours de cette dernière nuit, un autre bateau les avait rejoints et les passeurs, qui jusqu'alors avaient tenu la barre, les abandonnèrent à leur sort, sans eau, sans nourriture et sans essence. Ils étaient en vue de la côte sicilienne, elle ne leur semblait pas si loin, mais désormais ils n'avaient plus aucun moyen de la rejoindre, faute de pouvoir gouverner la bateau qui était devenu la proie des vagues et des vents. En ce mois de Juillet, il faisait chaud et la soif se faisait terrible. Nour nourrissait encore sa petite fille âgée de deux mois, mais, sous le coup de toutes ses épreuves, elle n'avait plus de lait. L'enfant gémissait plus qu'il ne pleurait et c'était pitié que de l'entendre. A côté d'elle, son fils aîné, le petit Ibrahim, âgé d'à peine sept ans, restait prostré. Au moment du départ, son mari et elle avaient été séparés. Il avait du monter sur un autre bateau et elle se demandait comment ils pourraient se retrouver si toutefois ils arrivaient un jour à bon port.

Après un grand moment de désarroi, parmi ceux qui se trouvaient sur le bateau, un homme pris la direction des opérations. Il proposa d'essayer de se rapprocher le plus possible des côtes pour pouvoir avoir quelque chance d'être secouru. Il demanda d'abord quels étaient ceux des passagers qui savaient nager. Il y en avait, heureusement quelques-uns. Ceux-là eurent pour mission de se mettre à l'eau par groupe de quatre pour pousser le bateau en nageant. Parmi ceux qui restaient à bord, il désigna quelqu'un pour tenir fermement la barre. Avec quelques chemises il tenta même de constituer des voiles qui auraient pu prendre le vent, mais ce qui manquait c'était la possibilité de faire des mâts efficaces pour ces voiles improvisées.

 

Petit à petit, ils se rapprochèrent de la terre, mais ils échouèrent sur un haut fond et le bateau lourdement chargé ne résista pas au choc. Il prenait l'eau et il fallait maintenant rejoindre la côte à la nage. Un des hommes prit soin d'Ibrahim et Nour se lança à l'eau en tenant dans ses bras son bébé. Elle était embarrassée par ses vêtements qui imbibés d'eau étaient devenus très lourds et l'entraînaient vers le fond. Elle s'accrocha à une planche, ce qui lui permit au moins un temps de rester à flot. Son bébé pleurait car il commençait à avoir froid. Epuisée, elle allait se laissa couler quand soudain une main robuste la rattrapa et une voix amicale la réconforta. C'est ainsi que pour la première fois, elle entendit celle qui deviendrait sa nouvelle langue, la langue de sa nouvelle vie, l'italien.

 

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3 octobre 2015

La préférée

 Liliane Fainsilber

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Je ne suis pas venue à ta rencontre lorsque ta silhouette s'est dessinée au seuil de notre porte tandis que mes trois sœurs se précipitaient vers toi pour t'accueillir. D'emblée, je t'avais reconnu mais soudain très intimidée je me réfugiais dans ma chambre. Depuis ma petite enfance j'avais été amoureuse de toi mais tu ne m'avais jamais regardée. C'était ma sœur aînée Suzanne, de trois ans plus âgée que moi, qui attirait toujours ton regard et c'est avec elle que tu aimais jouer et discuter. Quant à moi, comme disait ma mère, lorsqu'elle cousait mes robes, je ressemblais à une sauterelle, longue et maigre, tout en bras et en jambe. Je n'avais donc aucune chance que tu t'intéresses à moi et cela me rendait très triste.

 

Quand tu revins au village passer des vacances chez tes grands parents, tu avais quinze ans et je venais d'en avoir quatorze, l'âge de Roméo et de Juliette. Je pensais, en me regardant longuement dans la glace, que j'étais devenue une assez belle jeune fille même si je me trouvais encore beaucoup de défauts. J'étais très brune surtout pendant les mois d'été où nous courrions la campagne en plein soleil. Ma sœur avait un teint qu'on disait de pêche, elle était très grande et svelte, j'étais petite et un peu dodue. Je ne savais toujours pas si tu pourrais un jour t'intéresser à moi et surtout me préférer à ma sœur. Incapable d'affronter ce qui était pour moi un terrible enjeu, je me fis discrète et invisible tandis que tu reprenais tes habitudes dans la maison où tu étais accueilli comme un voisin et ami de longue date et même comme le fils que mes parents n'avaient pas eu.

 

Tous les étés, à la Saint Laurent, un grand bal était organisé. Toutes les jeunes filles du village s'y préparaient fiévreusement. Maman nous avait fait à chacune de nous une jolie robe de bal. La mienne était de couleur vert émeraude, la couleur de mes yeux, et avait de grands volants qui lui donnait beaucoup d'ampleur. Je pensais qu'elle ferait merveille au rythme entraînant des valses et plus encore des pasos dobles.

 

Le soir du bal, j'appréhendais certes de te rencontrer et de savoir si tu m'accorderais un peu de ton attention, mais un événement inattendu survint et j'oubliais totalement ta présence. Ce fut un vrai jeune homme qui s'avança à ma rencontre pour m'inviter à danser. Il devait avoir dix huit ans. C'était un grand. Légère comme une plume, je m'envolais dans ses bras et les violons de l'orchestre ne jouaient plus que pour nous deux.

 

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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