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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
26 septembre 2015

L'histoire farfelue du chapeau de Léon

Renée Gauvenet  -

magritte

Léon, Sosthène Delafon, astrophysicien reconnu dont les écrits avaient suscité d’élogieux commentaires, rentrait chez lui, lorsque son chapeau tomba.

Il courut maladroitement pour le rattraper, empêtré qu’il était avec son journal, son parapluie, sa serviette et un petit paquet noué d’une faveur rose, contenant une tartelette. Il se tordit le pied, et laissa échapper le délicat paquet.

Un gamin qui passait par là, ramassa le chapeau et le lui rendit en l’aidant à se relever. Léon le remercia, et remit son couvre chef, mais celui retomba. Comme tous les savants, il chercha une explication et en déduisit qu’il y avait du vent, alors que pas la moindre bise ne soufflait.

Il eut beau faire, le chapeau ne voulait pas tenir sur sa tête. Il pensa qu’on lui en avait rapporté un qui ne lui appartenait pas, mais les initiales gravées sur le cuir « LSD » prouvaient que c’était bien le sien.

Léon décida donc de rentrer chez lui toujours encombré de son parapluie, du journal, de la serviette et en plus du chapeau qu’il tenait maintenant à la main. Une fois arrivé, il constata que la gardienne était de mauvaise humeur, l’ascenseur en panne et grimpa péniblement en claudiquant ses sept étages. se maudissant d’avoir acheté un appartement si élevé, mais compensé par la vue magnifique qu’il avait sur la Seine, et les principaux monuments de Paris . .

Essoufflé, il se regarda dans la glace et constata que sa tête avait considérablement enflé d’où la mauvaise volonté du chapeau à tenir sur sa tête.

Pour réfléchir à ce problème ; il se versa un verre du vieux Bas-Armagnac qu’il avait toujours en réserve, et s’assit dans un fauteuil confortable….L’alcool aidant, ses idées devinrent plus claires car il avait rempli son verre avec la modération recommandée par le Gouvernement et un certain sire Evin (nom bien mal porté pour un Monsieur qui voulait qu’on ne boive que de l’eau)

Il décida d’aller voir son chapelier afin d’acheter un nouveau chapeau. Le brave homme sursauta à la vue du crâne, dégarni, certes, mais très enflé, de son client. N’ayant rien à sa taille, il lui conseilla d’aller consulter un médecin.

Il entra dans un hôpital , où un interne craignant une tumeur, lui fit passer un scanner du cerveau. Celui-ci se révélant négatif, on appela le chef de service qui hochant la tête, lui dit qu’il avait attrapé le melon (qui est également un chapeau). Devant l’étonnement du pauvre savant, on lui expliqua que c’était un nouveau mot qui venait d’entrer dans le dictionnaire et qui concernait les gens trop imbus d’eux-mêmes et de leur savoir.

Ah bon dit Léon, je croyais que c’étaient les chevilles qui .enflaient dans ce cas là .. Mais c’est dépassé, mon pauvre Monsieur, lui dit le médecin. Le ministre de l’éducation nationale l’a supprimé, car cheville vient du latin cavicula, et comme elle ne sait pas le latin, elle exclut du dictionnaire tous les termes dont l’étymologie est latine ou grecque.

Le seul remède est de recourir à la plus profonde humilité, et votre tête désenflera.

Léon, revint chez lui, la tête basse, se resservit un verre et décida de fuir tout ce qui pouvait lui rappeler sa vie passée et son orgueil démesuré.

Il remplit un sac du strict nécessaire pour un voyage, passa à la Banque clôturer son compte et retirer toutes ses liquidités, car l’humilité n’implique pas qu’on doive mourir de faim.

Il trouva tout de suite une voiture dont le chauffeur, un jeune homme très bien habillé et très aimable, lui dit qu’il s’appelait UBER POP ( sans -doute un musicien, pensa Léon)et le conduisit rapidement à l’aéroport.

Arrivé là, il regarda les diverses destinations proposées ( son chauffeur lui avait bien parlé d’ « ashram , mais il ne savait pas exactement ce cela voulait dire) et se dirigea vers le comptoir d’AIR INDIA, où une charmante hôtesse le renseigna et lui expliqua qu’en Inde, il existait des endroits secrets, où l’on pouvait abandonner ses soucis, se ressourcer et même guérir de toutes les maladies. Cela s’appelait bien un ashram.

La décision de Léon fut prise immédiatement. Il acheta les billets, fit les réservations nécessaires, et se trouva rapidement à bord d’un avion, où, confortablement installé, il s’endormit instantanément.

Il ne se réveilla qu’à destination. Un petit bonhomme tout rond et tout jaune, claudiquant comme lui, s’empara de son sac, lui indiqua une sorte de voiture branlante et le conduisit dans un endroit où étaient disséminées de petites masures fort peu engageantes.

Dans un langage à peu près incompréhensible on l’installa dans l’une d’elles, qui se révéla propre et claire, bien que sommairement meublée d’un mince matelas à même le sol, de deux récipients emplis d’eau ,dont on lui fit comprendre que l’un servait pour la toilette, et l’autre pour boire. Après s’être incliné respectueusement, son compagnon se retira.

Léon se sentait dépassé, lorsqu’entra un homme grand, le visage avenant, souligné d’une barbichette grise, le salua en s’inclinant à plusieurs reprises, lui expliqua dans un français parfait, qu’il était son hôte , et lui proposa de faire une prière.

Ils s’agenouillèrent sur une natte et l’homme psalmodia en dodelinant d’avant en arrière des incantations incompréhensibles. Léon, pour ne pas le vexer, dodelina aussi. Au bout d’un moment, Il se retrouva seul, et fut surpris de ressentir un certain apaisement.

Le petit homme jaune revint, avec dans la main une écuelle emplie de riz, d’une sauce brunâtre peu engageante, mais Léon ayant faim, mangea et but. Ces cérémonies se déroulèrent deux fois dans la journée. Lorsque revint le soir, Léon s’allongea sur la paillasse, Il pleuvait de petites gouttes régulières, qui loin de l’énerver, le berçaient et son sommeil fut réparateur.

Le lendemain, à son réveil, il faisait beau, le soleil levant, magnifique. Léon s’étira. Et la journée recommença comme la veille, avec les mêmes rites. Le soir, la lune était pleine ; Léon la regarda avec admiration, sans penser à la disséquer, comme il aurait fait auparavant ;

Ce régime dura une huitaine de jours, et lorsque Léon fut sur le départ, après maintes salutations de son hôte, ce fut un tout autre homme qui reprit l’avion. Il se sentait comme lavé, purifié, bien que ne croyant pas que ce fut l’effet des prières dont il n’avait compris un traître mot .

Les hôtesses souriantes lui offrirent du champagne qu’il but avec plaisir.

A l’atterrissage, il eu la surprise de retrouver le jeune Pop qui l’attendait, le félicita sur sa bonne mine, et le conduisit chez lui.

A son grand étonnement, la gardienne lui fit un beau sourire, l’ascenseur fonctionnait, le ménage fait, et un joli bouquet de fleurs égayait son bureau sur lequel était posé un petit paquet noué d’une faveur rose, qui lui rappela celui qu’il avait perdu en tombant. Il se pencha à la fenêtre et vit le gamin qui agitait la main en signe de bienvenue.

Il se regarda dans la glace vit que son crâne était redevenu normal, et s’aperçut qu’il ne boitait plus.

Le téléphone sonna. C’était le chapelier lui annonçant qu’il avait confectionné un nouveau chapeau à ses mesures. Léon lui répondit qu’il n’avait plus désormais besoin de chapeau.

Le lendemain il se rendit à son bureau, sans chapeau, sans parapluie, sans ses documents et sans penser à acheter le journal.

Sa secrétaire en lui apportant son café traditionnel, lui sourit en disant : vous nous avez manqué Monsieur le professeur.

Merci , lui rétorqua-t-il, mais appelez moi donc Léon.

 

 

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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