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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
12 décembre 2015

Blandine : Quelle histoire !

 Marie-Claude Miollan -

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Elle y pensait depuis longtemps. Aujourd’hui elle était là accompagnée de sa petite Blandine, si jolie, si douce. Ce n’est pas sans hésitation, qu’elle était entrée dans ce centre de consultations tout à l’heure malgré la décision qu’elle avait prise il y a très longtemps déjà. Elle avait conscience qu’une fois qu’elle aurait dit ce qu’elle avait à dire, il lui faudrait sans doute partir de chez elle, d’un chez elle qui est celui de ses parents où elle vivait dans une chambre qu’elle partageait avec sa fille. Quand elle s’était découverte enceinte, ils avaient voulu savoir qui était le père. Mais elle n’avait rien dit, pas souhaité, pas voulu répondre à toutes leurs questions. Même lui l’avait questionné.

Elle ne se souvenait plus très bien comment tout avait commencé, ni à quel âge Elle repensa à la dépression de sa mère, à sa longue absence, quand après une hospitalisation et un long séjour en Centre de convalescence, elle ne rentrait à la maison qu’épisodiquement.

C’était alors elle qui avait pris en charge la maison. Elle, qui tout en allant au collège faisait la cuisine, le ménage et qui avait fini par prendre la place de sa mère dans le lit parental.

Quand sa mère était revenue, l’habitude était prise. De toutes façons ses parents ne s’entendaient plus, ils avaient chacun leur chambre.

Cela lui était donc facile de venir la nuit la retrouver.

Elle en avait voulu à sa mère de ne s’être doutée de rien. Ou peut-être avait-elle fait semblant de ne rien voir.

Elle, par contre se sentait coupable, mais comment dire « non ». Puis il y avait eu la grossesse. Elle avait bien pensé à l’IVG, mais elle n’avait pas osé en parler à l’infirmière du collège, elle aurait posé des questions, demandé qui était le père, et puis elle savait bien que ce qu’ils faisaient était interdit. Elle ne voulait pas qu’il aille en prison.

Mais maintenant qu’elle avait sa fille, tout était différent. Elle savait qu’un jour elle aurait à répondre à ses questions : Qui est mon Papa ? Comment il s’appelle ? Où habite-t-il ?

Ce sont toutes ces interrogations qui l’amènent à être dans cette salle d’attente aujourd’hui. Elle souhaite ne pas trop attendre de peur d’avoir envie de repartir. Mais non , elle reste là silencieuse. Blandine blottie dans ses bras, regarde la pièce, détaille les personnes présentes.

Une porte s’ouvre, une femme l’invite à entrer dans un bureau, son regard est doux. Elle sent qu’elle peut, qu’elle doit lui parler, qu’elle pourra la comprendre.

Elle s’assied sur le bord de la chaise. Avec Blandine dans les bras, elle se sent protégée. Par un geste accompagné d’un sourire la femme l’invite à parler, à raconter.

Après quelques secondes d’hésitation, elle commence et tout devient alors facile. Etonnée elle-même d’y arriver, de trouver les mots pour dire, de ne plus avoir peur d’être jugée de pouvoir faire confiance. Elle commence à parler de sa fille, de sa grossesse, de sa souffrance lors de l’accouchement, du soin qu’elle avait pris d’aller déclarer sa fille à la mairie avant son accouchement.

A ce moment du récit le regard interrogatif de la femme l’amène à révéler ce pourquoi elle est venue, la relation incestueuse.

Une fois la chose nommée, un soulagement étrange mêlé à de l’émotion l’étreint. Elle se laisse alors aller à pleurer. Blandine, qui jusque là était restée immobile sur ses genoux, se blottie dans ses bas comme pour la consoler. Après un long silence où toutes trois réalisent l’importance de ce qui vient de se dire, la femme s’adresse à Blandine « Voilà, maintenant tu sais qui est ton papa. C’est à la fois ton papa et ton grand père. Ce que ton grand père et ta maman ont fait est interdit par la loi des hommes. Mais tu avais envie de vivre et ta maman t’aime ».

Elle, ébranlée par ce qu’elle vient d’entendre, ce rappel de la loi, se demande si elle veut, si elle peut porter plainte. N'est elle pas aussi coupable que lui ?

C’était quand même lui l’adulte, il aurait du savoir.

La question d’un dépôt de plainte fut soulevée en fin d’entretien sans qu’une décision ferme fût prise.

Elles reprirent rendez-vous pour la semaine suivante.

 

 

 

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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