Café Le Regard
Marie-Claude Miollan -
Lorsque je t’aperçus pour la première fois il y a maintenant longtemps sur cette place, tu n’étais qu’une jeune et très jolie adolescente. Sac sur le dos, visiblement pressée sur ta trottinette, tu devais être en retard à ton cours, à moins qu’un rendez-vous avec tes copains ne soit à l’origine de ta précipitation.
Moi j’étais installé à une table du café « Le Regard » attendant je ne sais quoi.
Je sirotais un coca me questionnant sur mon avenir une fois mon bac en poche.
Bac que j’étais venu réviser chez une tante dans cette ville du sud de la France, à la demande de mes parents, inquiets de me voir à quelques semaines de l’examen continuer à m’amuser.
Ton allure, tes cheveux attachés en queue de cheval se balançant dans ton dos, l’énergie que tu mettais à pousser sur ta trottinette m’amusèrent. Une expression me vint : « Quel tonus ». Un tonus dont je manquais pour me mettre à travailler, à réviser.
Durant ces quelques jours de révisions, j’eus plusieurs fois l’occasion de te croiser. Le café « Le Regard » était pour ta bande de copains et toi, je le compris vite, votre lieu de rencontre à la sortie du lycée. Je venais donc là m’installer pour travailler. J’eus le temps de te regarder, de t’admirer aussi, même si, te sentant observée, croisant mon regard, tu m’obligeais à détourner rapidement le mien. Au milieu de tes copains tu étais à l’aise, garçons comme filles sollicitaient fréquemment ton avis, toi calme, souriante, tu répondais d’un mot ou d’un sourire. Trop loin pour saisir les sujets de vos conversations, je t’observais et sans m’en rendre compte je devins très rapidement amoureux de toi.
Ayant repéré vos heures de présence, je m’arrangeais pour être là avant votre arrivée. Votre groupe avait un endroit qui lui était en quelque sorte réservé. Un jour venant plus tôt que d’habitude je t’y trouvais seule. J’eus envie de venir vers toi, de m’approcher de toi, de te parler. Mais je n’en eu pas le courage. Je pense que tu perçus mon hésitation. Je me souviens encore qu’à mon arrivée tu levas les yeux vers moi, mais rien dans ton regard ne m’incita à te rejoindre malgré une ébauche de sourire. Quelques instants après tes copains arrivaient et je pensais alors que j’avais bien fait de ne pas bouger malgré l’immense regret de n’avoir rien tenté à cet instant.
Quelques jours après je repartais. Je passais le bac et le réussis.
Et c’est aujourd’hui bien plus tard, alors que nous nous retrouvons dans cette fac de lettres que je peux te dire combien je fus et suis encore amoureux de toi.