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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
2 mai 2016

D'un continent à l'autre

india3_01

Liliane Fainsilber -

Paloma est une jeune fille brésilienne, elle appartient à la tribu indienne des bororos. Petite, elle a d'abord vécu dans la réserve mais ses parents sont ensuite venus vivre dans les bidonvilles de Sao Paulo dans l'espoir d'y trouver du travail. Elle a eu beaucoup de chance, car elle a pu aller à l'école et apprendre à lire et à écrire dans une petite école de son quartier tenue par une ONG. Comme elle est passionnée par la lecture, elle a appris beaucoup de choses par elle-même, dans les bibliothèques. L'un de ses maîtres, s'étant aperçu de son intense désir de se cultiver, lui avait obtenu une bourse pour suivre des études à Londres. Elle souhaitait beaucoup devenir ethnographe, selon un vieux rêve de son enfance. En effet, petite fille, elle avait rencontré le grand Claude Lévi-Strauss, qui était encore, à cette époque, un jeune homme au début de sa carrière. Il s'intéressait, à cette période de sa vie, aux grands mythes de sa tribu. Au cours de l'un de ses voyages d'études, il l'avait même prise en photo auprès de sa mère et avait troqué, à la suite de longues discussions avec elle, le grand collier de graines qu'elle portait. En échange, il lui avait donné une jolie petite boite en bois sculpté que depuis elle avait toujours précieusement conservée. Devenue grande, Paloma, avait lu un de ses livres qui lui avait beaucoup plu, encore que très savant. Son titre l'avait attiré, c'était « La potière jalouse ».

 

C'est ainsi qu'à l'âge de vingt ans, ses premiers diplômes en poche, elle avait pris l'avion et s'était retrouvée toute seule et certes un peu perdue, dans la grande métropole londonienne. A l'université, on s'était occupé d'elle et elle avait donc trouvé à se loger en colocation, dans un appartement en plein centre de Londres, où logeaient déjà deux brésiliens. Ainsi elle se sentirait déjà moins seule et moins dépaysée. Elle s'installa dans sa toute petite chambre et se risqua à explorer le reste de l'appartement. Dans le salon qui était commun à tous les colocataires, elle rencontra un jeune homme très svelte, encore plus basané qu'elle-même, qui dégustait son thé. Il s'appelait Idriss. Lui aussi était indien, mais il venait des Indes. Il parlait anglais, une langue que Paloma ne maîtrisait pas encore beaucoup, mais qu'elle pouvait au moins comprendre. Ils éprouvèrent d'emblée de la sympathie l'un pour l'autre et eurent envie de faire plus ample connaissance. Il l'invita à aller manger dans un petit restaurant indien au coin de la rue. Il lui fit goûter à de délicieuses galettes de farine de pois-chiches et à du poulet tandori. Idriss faisait des études en sciences économiques et venait d'une des plus belles régions de l'Inde, le Radjastan. Il était né dans la magnifique ville ancienne de Jeisalmer et était le fils de l'un des derniers Maharadjahs de l'Inde. Il lui raconta que pour pouvoir continuer à entretenir son palais, son père l'avait transformé en hôtel de luxe. Cela fit rêver cette petite indienne venue des faubourgs de Sao Paulo. Comme le monde était vaste et plein de belles choses à découvrir !

 

Ils étaient attirés l'un par l'autre et Idriss trouvait Paloma très belle mais il était encore bien trop tôt pour savoir ce que deviendrait la rencontre surprenante de ces deux indiens dans la ville de Londres. Bien trop tôt pour deviner si cette petite indienne d'Amérique du sud serait jugée digne de devenir une des dernières marahanis du Radajastan. Idriss était en effet de nature précautionneuse et mesurait longuement tous les risques encourus du simple fait de tomber amoureux. Il y pensa si longuement qu'il laissa passer sa chance.

 

Entre temps, Paloma avait rencontré, sur les bancs de l'université, Donald, un écossais. Elle le trouvait très séduisant, portant dignement kilt et hautes chaussettes blanches. Il jouait merveilleusement bien de la cornemuse. Il l'invita en Ecosse dans le château de ses ancêtres, un château qui était, selon la légende, hanté par l'ancienne châtelaine qui, jalouse, venait réoccuper les lieux par les nuits de clair de lune. Mais il en fallait bien plus pour effrayer Paloma, cette petite indienne bororo née dans la forêt amazonienne. Ce n'était pas ce pauvre fantôme venu du fond des âges qui pourrait la faire renoncer à son nouvel amour. Elle l'attendrait de pied ferme bien résolue à la chasser à jamais. Ses ancêtres lui avaient en effet transmis de bien précieuses incantations pour chasser tous les mauvais esprits. Mais seraient-elles efficaces dans ce sombre château d'Ecosse ?

On peut quand même se poser la question de savoir si, dans sa petite chambre d'étudiante, à Londres, imaginant ce fabuleux palais du Marahadjah aux Indes et ce manoir écossais hanté, Paloma n'avait pas ainsi bâti quelques châteaux en Espagne, bien loin de la modeste hutte de son village natal, dans la réserve indienne.

 

 

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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