Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
24 février 2016

En bord de Seine

Liliane Fainsilber -

 

corot

Il existe encore, autour de la cathédrale, un des plus vieux quartiers de Mantes la jolie. Ses ruelles étroites descendent du haut de son promontoire vers les bords de Seine. C'est là que les visiteurs peuvent admirer une très belle maison de style classique. Ses fenêtres ainsi qu'un long balcon qui orne toute sa façade sont orientés vers le fleuve et les allées et venues incessantes des péniches. De l'autre côté du fleuve, ces mêmes visiteurs peuvent admirer le célèbre pont de Limay ainsi que la maison du passeur peints par Corot. La rue encore pavée de pierres luisantes est bordée de quelques marronniers. Plus loin, à l'horizon se profile un rideau de peupliers avec, en arrière-plan, quelques cheminées d'usines maintenant abandonnées et qui ont donc cessé de cracher leurs grands panaches de fumée. La façade arrière de la demeure donne dans la rue Saint Bonaventure. Un petit jardin minuscule y a été aménagé entre des murs moussus. D'un vieux banc de bois entouré de lilas, les propriétaires des lieux pouvaient admirer la silhouette impressionnante de la Cathédrale qui surplombe l'ensemble de ces vieilles maisons. Ce lieu incite à la rêverie, on le devine chargé d'histoire. C'est un havre de paix et de verdure situé au coeur-même de la ville. Nous avions un moment rêvé d'acheter cette maison en raison de son charme et de sa situation dans ce quartier si paisible. Nous l'avions visitée avec beaucoup de plaisir car elle était pleine de fantaisie dans sa conception architecturale, malgré sa rigueur et sa beauté de maison ancienne. Nous avions exploré chacune de ses chambres et de ses petits cabinets de toilette, admiré la cuisine ancienne mais surtout le grand salon, la pièce de réception toute lambrissée de chêne et tapissée d'un tissu à fleur damassé d'un très beau bleu porcelaine. En poussant la porte de ce salon j'aurais volontiers imaginé rencontrer cette famille posant devant le peintre Edouard Degas dans les années 1850. Deux petites filles, presque adolescentes, sans doute extrêmement sages et obéissantes, se tiennent debout, vêtues chacune d'une robe noire et d'un éblouissant tablier blanc d'écolière que l'on devine bordé de dentelles. Elles portent des bottines vernies assorties à la couleur de leurs robes. La mère

sio3_degas_001f

d'aspect rigide, pour tout dire peu avenante, s'appuie de sa main droite sur une petite table ancienne tandis qu'elle entoure de son bras gauche, d'un geste protecteur et peut-être autoritaire, l'une de ses filles. Seul, le père est assis dans un confortable fauteuil. Il tourne presque le dos au peintre, car il est devant son bureau. Une pendule richement ornée décore la cheminée, un chandelier surmonté d'une bougie complète la scène.

Mais peut-être pouvons-nous imaginer aussi que, quelques siècles plus tôt, cette maison a été occupée par les moines d'un monastère comme le suggère le nom de la rue «  Quai des cordeliers ». Même si on peut en effet penser que sur ce quai des ouvriers fabriquaient de solides cordes pour y amarrer les bateaux, il est plus vraisemblable que ce nom de rue était attaché à cet ordre des cordeliers, appelés ainsi à cause de la corde que ces religieux portait à la taille et qui traînait jusqu'au sol, corde avec de nombreux nœuds.

 

Quand nous habitions encore à Mantes la jolie, nous avions abandonné, un peu à regret, cette maison à son riche passé, car elle avait été mise en vente à un prix au dessus de nos moyens et que nous en aurions eu, de toute façon, pour des années, à lui rendre sa splendeur passée. Nous avons appris depuis qu'elle avait été finalement rachetée par la mairie et qu'elle abrite maintenant quelques fonctionnaires sans nul doute besogneux. Elle est peut-être désormais, recrépie, modernisée, encombrée de vieux dossiers et d'ordinateurs. Nous ne nous risquerons pas à gâcher le beau souvenir que nous avons d'elle, en retournant voir ce qu'elle est devenue. Si jamais nous repassons par Mantes la jolie, nous irons plutôt revoir un peu plus loin en bord de Seine, Vétheuil, La Roche-Guyon ou Giverny, ces villages si souvent peints par les impressionnistes : ils ont en effet résisté au temps et sont restés très beaux.

Publicité
Publicité
Commentaires
Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité