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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
18 février 2016

Comme Perrette et son pot au lait

 Liliane Fainsilber -

pot-lait-aluminium-181b

Quand nous étions petites, mes sœurs et moi, nous habitions sur les hauteurs de Nice, sur l'une des collines qui entourent la ville. Le soir en m'endormant, je voyais de ma fenêtre, se dessiner à l'horizon, se découpant dans le ciel rougeoyant, de longues frises de pins parasols. Je les comparais, volontiers à une caravane de chameaux se déplaçant dans le désert.

 Notre immeuble avait été construit avec l'aide de la loi Loucheur, loi qui permettait à des gens modestes d'accéder à la propriété. Il était encore entouré de champs d'oliviers et surtout des serres dans lesquelles poussaient les célèbres oeillets de Nice. Ils poussaient avec une telle abondance qu'ils étaient vendus sur le marché du vieux Nice par bottes de cinq douzaines. Dans ce quartier de Las Planas c'était donc encore un peu la campagne. Je me souviens que le lundi de Pâques nous allions en famille faire un grand pique-nique près d'un lieu que nous appelions La source. Maman, à cette occasion, préparait un énorme pain bagnat. Elle ouvrait en deux un grand pain, trempait d'abord ses deux moitiés dans une sauce vinaigrette faite avec une huile d'olive très fruitée, puis elle garnissait ce pain de rondelles de tomates, d'oignons, et d'oeufs. Elle y rajoutait des anchois et des olives, le tout faisant un délicieux mélange au goût et peut-être encore plus au parfum inimitables.

 

Une petite route, parmi les oliviers, devait conduire à cet immeuble peut-être était-elle à peine goudronnée, et encore peu fréquentée. Ma sœur et moi, encore petites, cinq et sept ans, nous étions chargées d'aller chercher du lait dans un pot à lait en fer blanc, sans doute identique à celui de la fable de La Fontaine, celle de Perrette et du pot au lait. Ce n'était sans doute pas à la ferme mais plutôt à l'épicerie du coin, car dans cet arrière pays niçois, je ne vois pas trop comment un troupeau de vaches aurait pu y trouver subsistance.

Une fois rempli de lait, peut-être trouvions-nous qu'il était trop lourd, aussi à chaque fois, ma sœur et moi nous nous disputions pour savoir qui le porterait. Comme nous n'arrivions pas à nous mettre d'accord, je le déposais à ce moment-là au milieu de la route et nous avancions toutes les deux, en l'abandonnant, prenant le risque qu'une voiture arrive et le renverse. Dans son souvenir, ma sœur prétend que c'était toujours elle qui cédait et allait rechercher le pot. Quant à moi, je garde le souvenir d'une délicieuse inquiétude, le plaisir de braver le sort. A l'époque, il ne devait pas y avoir beaucoup de circulation sur cette petite route et je ne prenais donc pas de gros risques en abandonnant ainsi ce pot au lait aux lois du hasard.

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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