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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut

11 décembre 2016

Confidences lapidaires

Bernadette Zygart -

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J’aime le matin cette lumière rasante : le soleil rougeoyant et un peu bas réveille la baigneuse placée à côté de moi. La pierre est magnifique à cette heure.  Moi-même suis envahie d’orgueil à l’idée de donner une telle image !

D’ailleurs je fus posée ici dans ce but, c’est évident.

Il y a bien longtemps, suite à un éboulis, la roche  que je suis jonchait le lit d’une rivière dominée par un paysage grandiose de collines rocheuses et boisées. Le clapotis si discret avait un effet relaxant, la vie coulait doucement ; beaucoup d’enfants s’attardaient en des jeux de cailloux qu’ils faisaient ricocher à la surface de l’eau.

Après de longues années de sécheresse, l’eau en amont ayant été détournée par l’envahisseur romain, le lit de la rivière devint voie de circulation….Finis les jeux d’enfants, place aux chars, aux belles dames vêtues de lin blanc se rendant le matin aux marchés environnants…

Au fil du temps il fallut entretenir, élargir et pire encore bitumer après cette invention de chars bruyants qui sentent si mauvais…Pour cela je fus déplacée, comme d’autres en même temps que moi, mais j’eus de la chance et ne restai pas trop longtemps à servir de couche de fond de route goudronnée. Ainsi je fus extraite, déposée dans une brouette –cela manquait de panache je le reconnais- et déchargée ici sans ménagement ; une ou deux roulades pour fignoler mon implantation et mon nouveau propriétaire –un riverain qui m’avait trouvée à son goût – fut comblé car j’embellissais vraiment ce coin de jardin !

Et j’aurais tort de me plaindre, J’ai      beaucoup de visites, j’entends de nombreuses réflexions admiratives. Je suis un promontoire pour chat en balade et sommet du plaisir, l’odeur de thym dont je suis environnée. Ajoutez à cela le coup d’œil fréquent vers ma voisine, superbe fille qui descend inlassablement vers une rivière imaginaire et me rappelle celles, bien réelles, qui venaient se mirer chaque matin avant que ne soit détourné le cour de Ma rivière. Mais cela, c’était il y a longtemps.

Ici, le lieu est paisible. Me parvient le clapotis d’une fontaine, en osmose avec cette odeur de thym, enivrante et dynamisante,  donnant l’illusion d’un bain parfumé

Est-ce ma dernière destination ? Je ne sais, mais tant que l’histoire me le permettra, au fil du passage des générations futures, je resterai gardienne de ces lieux.

 2009

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15 novembre 2016

Tous les maris de Sarah

 Liliane Fainsilber

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Je m’appelle moi aussi Sarah, mais je ne suis pas la femme d’Abraham, celle qui a attendu des années, plus de quatre vingt ans, pour avoir enfin un enfant. Non, je suis une autre Sarah, mais mon sort n’a pas été plus enviable. J’avais à peine quinze ans quand mes parents ont décidé de me marier avec un lointain cousin. Ils m’échangèrent contre trois brebis et un âne. Je n’avais jamais vu ce prétendant, mais il avait la réputation d’être courageux au travail et sobre. Les cérémonies du mariage furent grandioses, car j’étais fille unique et mes parents des fermiers aisés. Le jour de mes noces, au travers de  mes voiles, je pus apercevoir celui qui m’avait été promis. C’était un bel homme. Dans la soirée, les matrones m’emmenèrent dans la chambre nuptiale, là où le mariage aurait dû être consommé. Hélas, à peine était-il entré dans la chambre, que mon mari s’écroula par terre comme terrassé. Il n’avait même pas eu le temps de s’approcher de moi.

Tous les assistants de la noce commentèrent avec force détails  l’événement. Il fit en effet grand bruit et cela nuisit beaucoup à ma réputation. On racontait, de tente en  tente,  que j’avais  jeté un sort à mon mari et que j’étais une vraie sorcière. Mes beaux-parents me chassèrent de leur maison et je retournai vivre chez mes parents qui essayèrent plusieurs fois de me marier mais en vain.

On dit souvent que ce que raconte la Bible est parole d’évangile mais pas toujours. Selon elle j’ai eu en effet sept maris tous morts pendant notre nuit de noces. En fait c’est déjà assez terrible mais il n’y en a eu que trois.

Les prêtres et les devins consultés me disculpèrent car ils pensaient que c’était Asmodée, un démon, qui faisait ainsi mourir tous mes prétendants avant même qu’ils aient pu s’approcher de moi. Certes j’avais ma petite idée sur le responsable de tous ses meurtres, je pensais que c’était Absalon, un homme un peu simple que je connaissais depuis l’enfance et qui avait toujours été amoureux de moi. Je ne sais quel moyen efficace il avait trouvé pour les faire disparaître les uns après les autres, peut-être quelque poison ou breuvage.  Je restais ainsi vierge et sans enfant, bien que trois fois veuve, pendant plusieurs années jusqu’au jour où vint auprès de nous, pour prendre le risque de m’épouser, un homme valeureux, Tobias. 

Plus tard, au cours des veillées dans le désert quand nous gardions nos troupeaux, il me raconta comment il avait été accompagné dans cette démarche risquée, par un envoyé de Dieu, un ange, l’ange Raphaël. C’est en effet lui qui l’aida à triompher de celui qu’on avait rendu responsable de la mort de mes trois premiers maris.

 

Voici comment il me raconta petit à petit sa version de l’histoire. C’est son père qui avait décidé que Tobias m’épouserait parce que j’étais une femme de sa tribu. Il disait de plus que j’étais belle et sage. Ma mauvaise réputation n’était donc pas arrivée jusqu’à lui. Tobias, avant de venir pour me demander à mes parents, car c’était un grand voyage,  chercha un homme pour l’accompagner. Il se faisait appeler Azarias mais il était en fait,  sans que Tobias en sache rien, l’ange Raphaël. Ils se mirent en route et le soir venu campèrent sur les bords du Tigre. Tandis qu’ils se baignaient tous deux, un poisson s’élança du fleuve et voulut avaler Tobias. L’ange lui dit «  Attrape ce poisson. Ouvre le et prend le cœur, le foie et le fiel ».

Comme Tobias lui en demandait la raison, Raphaël lui expliqua qu’avec le cœur et le foie de ce poisson on pouvait se débarrasser d’un esprit méchant ou d’un démon. Il suffisait pour cela de les mettre à fumer devant l’homme ou la femme qui était  persécuté.

Au moment d’arriver près de notre village, Tobias avait pourtant grand peur de perdre la vie à son tour. Pourtant, avec ce précieux talisman, il mit sans peine  en fuite le démon qui me persécutait depuis des années.  Les mauvaises odeurs qui se dégageaient du cœur et du foie  de ce poisson, déposés sur un brûle-parfum dans la chambre des épousailles, firent leur oeuvre. Je ne sais si c’est pour cette raison, mais il est vrai que les noces purent être enfin célébrées. Nous nous étions engagés, pour respecter la tradition, à faire abstinence pendant trois jours durant, mais cela faisait si longtemps que j’attendais d’être enfin aimée que nous n’avons pas pu résister à la tentation. Cependant l’honneur était sauf puisque c’était  pour assurer à cette grande lignée de prophètes auquel appartenait Tobias,  une nombreuse descendance. Parmi nos descendants, viendrait en son temps, le plus célèbre d’entre eux, Jésus de Nazareth.

 

Je sais bien que les voies du seigneur sont impénétrables mais, avec le recul que procure les années,  je pense que ce n’était ni Asmodée, ni Absalon qui avaient fait disparaître mes trois premiers maris. J’ai bien peur que ce ne soit Dieu lui-même car il avait décidé que ce serait Tobias, le quatrième qui m’épouserait. Il n’avait pas ainsi hésité à transgresser le premier des dix commandements qu’il avait lui-même édictés « Tu ne tueras point ! »

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12 septembre 2016

Après la séance

Carotte_sauvage_3Liliane Fainsilber -

Quand elle sortait de sa séance, elle éprouvait souvent le besoin de s’arrêter,  au coin de la rue de Lille, dans la pâtisserie-boulangerie du quartier pour y acheter un sablé à la confiture. C’était toujours ce qu’elle choisissait mais elle ne savait trop pour quelle raison. Sans doute ce rond de confiture gélifiée, au cœur de ce losange de pâte sablée lui évoquait-il quelque souvenir d’enfance, peut-être un goûter improvisé à la sortie de l’école.  Peut-être se consolait-elle ainsi des chagrins et des  déceptions de l’enfance évoqués au cours de chacune de ces séances d’analyse. Peut-être  aussi avait-elle le sentiment d’avoir bien mérité cette récompense.

 

Mais un jour alors qu’elle longeait la rue de Lille pour rejoindre la station de métro, donc sur le chemin de sa pâtisserie, son attention fût attirée par un objet qui se trouvait exposé dans la vitrine d’un bijoutier. Sur un coussinet de velours noir, reposait une panthère en or blanc ou en platine dont les tâches étaient suggérées par une multitude de petits saphirs violets, tandis que ses yeux étaient composés de deux gros brillants jaunes. Ses crocs étaient très visibles et elle semblait prête à mordre. Ses pattes semblaient avoir été incurvées pour pouvoir enserrer le poignet d’une femme. C’était donc, pensait-elle, un bracelet richement serti de pierres précieuses. Plus par curiosité que par désir de l’acquérir, elle sonna à la porte de ce bijoutier, pour pouvoir admirer de près ce bijou qui lui paraissait si insolite. La jeune femme qui lui ouvrit lui montra très volontiers ce bracelet si précieux et lui expliqua qu’il avait en effet appartenu à la duchesse de Windsor, cette américaine qui avait tellement défrayée la chronique mondaine, dans les années 1930, Wallis Simpson, celle pour qui le roi Georges VI avait abdiqué du trône d’Angleterre.

Après avoir admiré le travail de précision du créateur,  elle n’osa même pas demander le prix de ce bijou et se préparait à quitter la boutique, lorsque son attention fut attirée par une magnifique broche, une sorte de constellation de tout petits brillants qui venaient tous converger vers un minuscule rubis de couleur sombre, presque grenat. Cette broche évoquait pour elle, comment en plein été, du fait de la sécheresse, seules de modestes carottes sauvages avaient le courage de pousser et de fleurir dans les champs d’oliviers de son enfance. Elles étaient si discrètes, que  seul un amoureux attentif de la nature pouvait admirer, au bout de leurs branches disposées comme des candélabres, leurs fleurs, des ombelles de délicates dentelles blanches, décorées en leur centre d’une délicate perle sombre. Elles étaient toutes modestes mais elles étaient pourtant, somptueuses dans leur discrétion même et leur préciosité.

Dès qu’elle vit cette broche, elle ne put résister au désir de la posséder. Elle pensait déjà au plaisir qu’elle aurait à la porter sur son joli caraco de velours vert émeraude.  La vendeuse lui confirma qu’elle datait des années 1930 et était de style art nouveau. Quel bonheur c’était pour elle de l’avoir ainsi découverte.  Elle était certes  un peu chère, mais pas autant que toutes les séances qu’elle avait payées et payait encore à son psychanalyste et surtout  elle la préférait de beaucoup à la  panthère d’or de la sulfureuse Wallis Simpson, même si ce n’était pas par un roi que ce bijou lui était offert.

 

Lui vint alors à l’idée cette chanson de son enfance «  Il y avait dix filles dans un pré, toutes les dix à marier ». Dans cette comptine, le fils du roi vint à passer et les a toutes saluées, il leur ensuite offert à toutes un cadeau, mais l’une d’entre elles est la préférée et donc la plus gâtée. Tandis que les autres n’ont qu’une simple bague, elle,  se voir offrir un diadème.

 Tout en fredonnant cette chanson et surtout en attendant l’hypothétique  diadème qui lui serait donné par le fils du roi, elle fut heureuse de s’être déjà offert cette broche,  cette brillante fleur de carotte sauvage, nichée, par les soins de la vendeuse,   dans un somptueux écrin de velours noir.

 

 

24 juillet 2016

La robe de Tamara

Liliane Fainsilber

 

 

robe de tamara

Rosa m'avait oubliée depuis de longs mois sur un cintre dans l'armoire de sa chambre. Je commençais à me demander en quoi, j'avais bien pu la fâcher. Je m'en inquiétais d'autant plus qu'elle me préférait depuis un vieux jean tout troué ainsi qu'un pauvre débardeur de couleur indéterminée à force d'avoir été porté et lavé. Je pensais qu'il devait se passer quelque chose de grave dans sa vie pour qu'elle me néglige ainsi, moi, sa robe préférée, la compagne de toutes ses sorties. J'avais eu beau essayer de saisir quelques bribes de conversation à travers les portes de l'armoire, je n'avais pas réussi à savoir ce qui se passait dans le monde extérieur, dans son monde à elle. Comme je ne pouvais pas parler, je ne pouvais donc pas le lui demander et j'en étais réduite à l'imaginer. Un jour par la porte justement entr'ouverte, je l'avais vu allongée sur son lit en train de pleurer, sans doute quelques chagrins d'amour étaient-ils la cause du désintérêt soudain qu'elle me portait. J'avais beau essayer de briller de toutes mes couleurs chatoyantes, aucun de mes charmes déployés ne pouvait attirer son attention sur moi.

 

Pourtant, un an avant, elle avait poussé la porte du Marché Saint Pierre, pour choisir le coupon de tissu dans lequel elle me taillerait et me coudrait. Elle a en effet des mains de fées. Elle avait choisi pour moi, un léger voile très coloré, un imprimé fleuri dans de beaux tons de bleus. Il avait quelque chose d'une toile de Chagall. Arrivée chez elle, elle avait disposé ce tissu sur la table de la salle à manger et armé de sa paire de ciseaux à couture avait commencé à me donner vie. Entre ses deux mains, piqué à la machine, voici que mon corsage avait pris forme. C'était un petit caraco, taillé très près du corps qui se prolongeait par une courte basque et qui, drapée sur ses hanches, exprimait sa féminité. Une jupe taillée en cercle me donnait beaucoup d'ampleur, ce qui me permettait de danser allègrement autour de ses jambes fuselées. Inutile de vous dire qu'en tant que sa nouvelle robe, je lui allais à ravir et que nous étions donc prêtes toutes les deux à aller danser.

 

Malgré ces débuts idylliques, j'étais donc maintenant abandonnée. Quelques temps après, la porte de l'armoire s'ouvrit et me poussant brutalement d'un cran, Rosa suspendit sur un cintre une nouvelle robe d'un rouge écarlate qui manifestement venait de la haute, de la haute couture. J'en éprouvais un grand chagrin mais aussi une intense jalousie. Ce n'était cependant que le début de mes épreuves. Bientôt je fus rangée dans un grand sac avec quelques autres habits dont elle ne voulait plus et déposée dans une benne. Étroitement serrée dans un ballot de vêtements dans une insupportable promiscuité et transportée ainsi, sans aucun égard, d'un continent à l'autre, je me retrouvais toute désemparée sur un marché d'Afrique. Quel dépaysement ! J'avais au moins échappé à deux autres destins encore plus terribles, celui de me retrouver transformée en chiffon à poussière ou en pâte à papier ! Sur l'étal d'une fripière, au milieu de chatoyants boubous africains, je me demandais, en toute modestie, qui voudrait bien de moi, avec mes discrètes fleurs bleues. Foulée par de nombreuses mains, j'ai d'abord été essayée par de somptueuses matrones qui, en raison de leur opulence ne pouvaient pas, de toute évidence, envisager de se parer de moi sauf au prix de faire craquer toutes mes coutures. Mais en fin de soirée, à la tombée du jour, je vis arriver une mince adolescente vêtue de haillons. J'ai su tout de suite que c'était elle que je voulais habiller, c'était elle que je voulais embellir. Mais est-ce qu'elle aurait assez d'argent pour m'acheter. M'ayant, elle aussi choisie, elle négocia longuement mon prix avec la marchande et m'acheta pour deux euros ! C'est ainsi que depuis au lieu de me nommer Robe de Rosa, je m'appelle désormais Robe de Tamara. Certes je ne serai pas lavée souvent, car dans notre village il n'y a pas beaucoup d'eau, mais au moins je ne serais plus enfermée dans une armoire, car je serai son unique robe. Avec elle, j'irai garder tous les jours ses quelques chèvres dans la savane. Avec elle, je vieillirai tout doucement.

 

12 juillet 2016

Laissés en héritage

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 Liliane Fainsilber -

 

 

 

 

Arrivés au moment de la retraite, Gabriel et Chloé étaient devenus des peintres du dimanche. Comme ils n'avaient plus touché un pinceau depuis les années de l'école maternelle, ils s'inscrivirent donc dans un atelier de peinture pour en apprendre les rudiments. Joséphine, celle qui leur donnait ces cours, était une très bonne pédagogue. Elle laissait ses élèves s'essayer à leur propres tentatives puis quand elle les sentait arrivés à leurs limites, elle leur proposait alors son aide. En hiver, elle préparait de savantes natures mortes en atelier, mais dès le printemps, ils choisissaient de peindre sur le sujet, les magnifiques paysages du Vexin, avec ses champs de blé et ses bosquets d'arbres à perte de vue ou encore les bords de Seine et les falaises blanches de Vétheuil qui avaient tellement inspirés les impressionnistes.

Ils avaient par la suite et au fil des années, fait de nombreuses toiles. Certes ce n'étaient pas toutes des chefs d’œuvres mais ils y avaient mis tout leur cœur et leur sensibilité devant un beau paysage ou une belle nature morte.

C'est ainsi que dans leur grenier, ils avaient accumulés un grand nombre de tableaux dont maintenant ils ne savaient plus que faire. Arrivés au bout de leur longue existence, ils se demandaient quels destins ils auraient après leur mort, leurs enfants et petits enfants ne témoignant pas d'un grand intérêt pour leurs productions.

C'est Julie, une de leurs amies, qui leur donna l'idée, de déposer sur le bord de la route, quelques uns de ces tableaux, pour qu'un passant qui les aurait aimé, puisse ainsi les recueillir. Gabriel n'avait aucune envie de se séparer d'eux par cette rude méthode, mais Chloé avait été séduite par ce projet de laisser ainsi leur chance et une vie d'aventure à ces peintures.

 

Elle choisit celui qui serait ainsi le premier à être abandonné aux lois du hasard : cette toile avait été peinte dans un champ d'oliviers proche du village et représentait un paysan monté sur un escabeau de bois très rustique et qui taillait ses oliviers. Des collines bleues étaient peintes en arrière-plan. En retrouvant ce tableau, elle se dit que l'escabeau devait être un peu retravaillé, il était à peine esquissé. Donc avant d'aller le déposer sur un petit muret en bordure de route, elle sortit ses pinceaux et sa palette pour remettre sur sa toile quelques petites touches de jaune et de gris pour donner à cet escabeau plus de présence.

Une question se posait à elle : est-ce qu'elle le signerait de son nom, avant de l'abandonner ainsi ? Elle hésitait entre le fait d'y inscrire juste ses initiales ou de se trouver un nom d'emprunt, un nom qui pourrait peut-être faire rêver celui qui trouverait ainsi ce tableau et déciderait de l'adopter. Cela la fit penser à ces peintres italiens qui prenaient le nom de leur ville, par exemple, celui qu'on nommait Francesco Parmigiano, le peintre de la ville de Parme. Se fabriquer un nom avec le nom de son village ne lui plaisant pas trop, elle mit momentanément cette question en suspens.

 

C'est ainsi qu'un petit matin de grand soleil, car elle ne voulait pas que son œuvre soit soumise aux intempéries, elle se décida à abandonner sur le bord de la route qui menait au village sa toile du paysan taillant ses oliviers. Elle le plaça avec soin sur un joli petit muret de pierres sèches, parmi quelques pieds de thym et de cistes. Il se trouvait donc en bonne compagnie. Il était même à l'ombre, car un chêne vert le protégeait de la chaleur du soleil. Non sans quelque appréhension, elle l'abandonna donc, se réservant la possibilité de revenir en fin de journée pour savoir s'il avait été adopté et donc peut-être aimé par un passant. De celui qui le trouverait elle ne pourrait rien savoir mais elle pourrait toujours l'imaginer.

 

Le premier qui aperçut ce tableau fut Benjamin qui se rendait à l'école à vélo. Très intrigué par le côté insolite de sa trouvaille, il n'osa pas tout d'abord se l'approprier, pensant qu'il avait été oublié ou perdu par le peintre qui l'avait réalisé. Mais il était tellement exposé à la vue, que cela constituait presque un appel à s'en saisir. Il le mit donc dans son cartable et arrivé à l'école, le montra à ses amis. Même la maîtresse s'intéressa à sa trouvaille et chercha la signature de ce tableau. Dans un petit coin, presque noyé dans le vert de l'herbe, elle devina plus qu'elle ne put le lire ces quelques lettres LILOU LELOUP. C'était un nom qui lui était inconnu mais elle se promit de faire une petite enquête, pour trouver qui était ce peintre qui abandonnait ainsi ses toiles.

 

Comme Benjamin n'était pas féru de peinture et ne savait pas trop quoi faire de ce tableau, il le donna à son amoureuse, la petite Marie, qui toute heureuse l'emporta chez elle et le montra à ses parents. Ils le trouvèrent, quoique un peu maladroit, de couleurs vives et son père proposa de faire un cadre pour pour pouvoir l'accrocher au mur de leur salon. C'est ainsi que le premier tableau de Chloé fut adopté en toute simplicité.

 

Quelques jours après, forte de cette première expérience, Chloé chercha dans son grenier, le second tableau qu'elle déciderait d'abandonner à nouveau sur le bord de la route. Elle choisit cette fois-ci un nature morte qu'elle aimait beaucoup. Deux citrons d'un jaune très vif étaient peints sur une assiette de porcelaine blanche à motifs bleus. Pour les mettre en valeur elle les avait peints sur un fond gris bleu foncé. Elle eu un peu mal au cœur d'abandonner ainsi cette toile mais elle trouvait en même temps que c'était la seule façon de lui donner quelque chance d'être appréciée à sa juste valeur, plutôt que d'être oubliée au fond de ce grenier et pour peut-être finir un jour à la décharge ou dans le camion d'un brocanteur.

 

Comme c'était l'une de ses toiles préférées, avant d'aller la poser sur le petit muret de pierre, elle demanda même à Gabriel de lui faire un cadre de bois qui pourtant très rustique le mettrait en valeur. Quelques heures après avoir été déposé, elle eut le plaisir de constater que son petit tableau avait déjà trouvé son nouveau propriétaire. Qui pouvait-il être ?

Elle aurait aimé, que cette fois-ci, cette nature morte soit trouvée par deux touristes anglais qui passeraient sur ce chemin et qu'ils l'emmènent un jour dans le nord de l'Angleterre, par exemple, dans cette cossue petite ville de Chester. Elle aimait bien l'idée qu'elle se trouverait ainsi douillettement installée au cœur de l'une de ces romantiques maisons victoriennes.

 

C'est ainsi que Chloé au fil des jours, se préoccupa du destin de chacune de ses toiles, leur offrant à chaque fois un destin romanesque parce que plein d'imprévus. Elle espérait même qu'un jour un de ceux qui étaient devenus ainsi les dépositaires de ces tableaux essayerait de savoir qui était cette Lilou Le loup, celle qui leur avait donné le jour. Ils apprendraient, en se renseignant auprès des anciens dans le village, qu'elle avait vécu, il y avait quelques années de cela, sur les collines de Flayosc, une petite maison entourée d'oliviers centenaires et que c'était en admirant ces magnifiques paysages qu'elle avait peint les plus beaux sujets. Cela serait en quelque sorte un petite reconnaissance posthume, certes modeste, de ses talents de peintre.

Mais plus que celle de Chloé, c'est davantage l'histoire de ces quelques tableaux laissés en héritage qui voulaient être un peu aimés et donc choisis par ceux qui les avaient trouvés. Dans leur maison, ils souhaitaient occuper une place d'honneur. C'est bien connu, les objets manquent totalement d'humilité et de modestie : tout leur est dû.

 

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16 mai 2016

Les petits bonheurs

DSCN0268Liliane Fainsilber -

La vieille armoire bretonne, que nous avons un jour acheté chez un antiquaire de Lannion ne nous a jamais plus quitté. Elle nous a suivi de maison en maison, trouvant toujours sa place le long d'un mur de notre chambre. Elle n'est pas très grande et plutôt trapue. Elle est toute simple et rustique. C'est elle qui nous a donné le goût des beaux vieux meubles anciens. Tous les matins en me réveillant et tout au long de ces nombreuses années, j'admire ses deux portes sculptées. D'une main maladroite, comme au couteau, l'artisan a tracé deux doubles volutes sur leur panneau central. Celui-ci est fait d'un bois un peu plus clair, ce qui donne à ce motif décoratif du relief. C'est la maladresse même du dessin de ce panneau sculpté, sa rusticité, qui est émouvante. On pense au paysan qui a peut-être coupé un de ses châtaigniers, l'a débité en planches qu'il a mis à sécher et qui a ainsi fabriqué ce meuble, le soir à la veillée, à la fin de sa journée de travail, pour meubler sa nouvelle modeste maison et s'y installer auprès de sa femme. Une ferronnerie métallique qui est incrustée sur le bord de ces deux portes donne à ce meuble, d'un trait de lumière vertical, à la fois de la distinction et de l'authenticité.

Cette armoire qui nous a accompagnée, comme une vieille amie tutélaire, est toujours pour nous, dès que nous la regardons, que nous l'admirons comme un bel objet, un moment précieux de bonheur, un petit bonheur.

 

Car il y a certes de grands bonheurs, celui de vivre avec l'homme qu'on aime, celui de mettre au monde des enfants. Pour ces bonheurs-là il faut avoir de la chance, comme l'évoque l'étymologie du mot lui-même. Tous les hommes et les femmes n'y ont pas droit ou tout au moins pas tout au long de leur vie. On peut ne pas avoir cette chance. Heureusement, à côté de ces grands bonheurs, il y a aussi plein, plein de petits bonheurs, ceux dont jamais personne ne pourra nous priver, malgré tous les aléas de la vie, car ils sont à la portée de tous : une nuit étoilée, un petit matin indécis dans la brume, l'odeur du pain chaud qui sort du four, celle du thym foulé sur un chemin de campagne ou encore celle des feuilles du figuier chauffées sous un soleil de plomb, le bruit de la mer lorsque les vagues viennent mourir sur la plage, un délicieux bœuf aux carottes longuement mitonné et surtout partagé avec deux ou trois de nos proches amis. Avec chacun de ces petits bonheurs, il faut savoir saisir sa chance : surtout ne pas les laisser s'échapper.

 Me vient alors le souvenir d'un très court poème de Paul Fort :

 "Le bonheur est dans le pré

Cours y vite, cours y vite.

Le bonheur est dans le pré,

Cours y vite, il va filer.

[…]

 

15 mai 2016

La conquête du bonheur

 

 Daniel Fainsilber -

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Le bonheur c'est de se réveiller le matin auprès de celle qu'on aime. Le bonheur c'est entendre et voir la petite Lucie, cinq ans, chanter au clair de la lune. Le bonheur c'est la proximité avec les siens. Le Bonheur c'est la contemplation d'un beau paysage, d'un bel arbre, d'une belle fleur.

 Le bonheur d'est d'avoir un jardin qui nous ressemble à la fois sauvage et fleuri.

 Le bonheur est un état de satisfaction, de joie, de paix intérieure.

 Il me semble que l'essentiel pour accéder au bonheur tient à la qualité de la relation de l'enfant avec ses parents dès les premières années de son enfance. Tout dépend de l'atmosphère familiale. S'il y règne harmonie et amour, les conditions primordiales de bonheur y prennent naissance. Si l'enfant est aimé, admiré, il se sent en sécurité et c'est la meilleure condition pour y accéder.

 Certes les parents, quelque soit leur bonne volonté, sont porteurs de l'histoire de la famille, avec ses drames, ses difficultés, les accidents, les guerres. Tout ce bagage inconscient peut remettre en question le bonheur de chacun. Pour y accéder il faut donc du courage et de la détermination, il faut pouvoir s'identifier à des modèles, à des personnages heureux. Pour surmonter ces obstacles, chacun doit donc construire son propre bonheur.

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6 mai 2016

Ma recette du bonheur

Bernadette Zygart -

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Pour trouver une partie de ma réponse, j’ai lu la définition dans la Petit Larousse.
Faut-il prendre le sujet au sérieux et y répondre de même ou peut-on assimiler le bonheur à un plat de résistance longuement élaboré dans lequel les ingrédients varient ou quelquefois par hasard selon l’inspiration ? Je choisirai personnellement cette deuxième modalité, le bonheur étant parfois chose inattendue, voire surgissante… Echo de notre inconscient à l’affût ?
Enchantement, bien-être, béatitude, c’est tout cela le bonheur, ce n’est pas rien ! Ressentir le bonheur c’est en quelque sorte une « aide » à être heureux, une lumière intérieure ou une petite musique, c’est selon que l’on soit romancier ou mélomane ;c’est ce qui me fait trouver merveilleux le sourire édenté d’un jeune bébé, un ciel pur, les oiseaux qui chantent de bon cœur le matin…
Aimer c’est, pour moi, la moitié du chemin vers le bonheur. Aimer qui ? Aimer Quoi ? Aimer ce que l’on est, ce que l’on fait, nos relations avec autrui, aimer la vie, même si parfois on se demande si  ELLE nous aime. Présentement mon bonheur c’est être consciente de mes limites – et les accepter – au regard de certains paramètres personnels (santé, soucis). Mais je ne leur en veux pas puisqu’elles me laissent aujourd’hui encore mener ma vie comme je l’entends…Qu’en serait-il dans le cas contraire ?
Pour moi, le bonheur est simple mais pas facile à conserver ! Il me fait penser à un beau paysage par temps ensoleillé et le même paysage par temps de pluie..Vous voyez la différence ? Le bonheur est toujours là mais qu’est-ce qui fait qu’il nous paraît gris ? Pourquoi le soleil ne brille-t-il pas aujourd’hui ?
Certains jours, accaparée par des pensées plus sombres, j’oublie ce bonheur que je possède en moi et bien sûr, plus rien ne va. Soudain, je « rentre » littéralement dans l’action que j’ai entreprise, éventuellement une recette de cuisine, que je « bâtis » ingrédient après ingrédient et la réussite aidant, le soleil se remet à briller !
En définitive, il faut peut-être prendre le bonheur au sérieux.. Trop regrettable de passer à côté sans le reconnaître. Il peut être un gage de confiance en soi.

3 mai 2016

Les lamentations

Renée Gauvenet -

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Il n’est plus temps de se lamenter sur le passé, et pourtant...
        Comment ne pas penser à ce qui fit notre joie :  l’enfance  dorlotée : les baisers reçus et donnés, les dizaines de cadeaux et de poupées, les copines, aimées ou détestées ?
        Comment oublier ceux  partis trop tôt et leur amour partagé ?
        Mais, plus simplement, comment, pour les choses habituelles et routinières de la vie, ne pas se dire que c’était mieux avant…
Ma Belle-mère dit un jour, sur un ton infiniment triste : « les oranges modernes n’ont plus de goût », phrase qui nous fit rire, et à laquelle nous pensons lorsque nous estimons que le passé était mieux que le présent..
C’était mieux avant :
Quand le pain était croustillant, que les croissants sentaient le beurre frais, alors qu’ils semblent fabriqués dans du papier sulfurisé,
Quant on se délectait d’un « jambon-beure » et qu’on se demande maintenant de quelle scierie provient ce qui entoure la garniture,
Quand nous choisissions un beau papier pour échanger de longues lettres, alors qu’il suffit d’un coup de téléphone, pour nous exprimer, ou pire, d’un simple texto, écrit dans une orthographe plus qu’approximative
Quand nous éprouvions un plaisir presque sensuel  à découper les pages d’un livre pour le découvrir peu à peu,
Quand nous acceptions de marcher un peu,  au lieu de nous entasser dans des wagons malodorants.
Quant le nom d’un métier  évoquait celui qui l’exerçait et l’endroit où il vivait (la forge, l‘atelier, la menuiserie) alors que nous craignons de le vexer en employant  des expressions barbares, comme techniciens de surface et autres insanités,
Quand ‘être aimé prenait son temps pour nous faire sa cour (ah, où sont les petits bouquets  de violettes  d’antan) ?, au  lieu d’un simple « on va chez toi ou chez moi »
        Mais n’idéalisons pas nos souvenirs ?
Ne risquons nous pas de nous ensevelir dans le passé ?
Oublions-nous les chercheurs qui peuvent maintenant sauver tant de vies humaines, nourrir des êtres menacés par la famine, apporter de l’eau à ceux qui ont soif et à la terre pour faire pousser des fruits et des légumes qui les nourriront ?
        Pourquoi  tout regretter alors que  le présent offre tant de possibilités et plus encore le futur qui nous permet de faire des projets d’avenir auxquels nous n’aurions même pas pensé
Alors, allons de l’avant.
Il y avait autrefois de bonnes choses et permettons à nos enfants de profiter de la vie actuelle
Grâce aux progrès incessants de l’humanité, une voie royale nous est ouverte.

2 mai 2016

D'un continent à l'autre

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Liliane Fainsilber -

Paloma est une jeune fille brésilienne, elle appartient à la tribu indienne des bororos. Petite, elle a d'abord vécu dans la réserve mais ses parents sont ensuite venus vivre dans les bidonvilles de Sao Paulo dans l'espoir d'y trouver du travail. Elle a eu beaucoup de chance, car elle a pu aller à l'école et apprendre à lire et à écrire dans une petite école de son quartier tenue par une ONG. Comme elle est passionnée par la lecture, elle a appris beaucoup de choses par elle-même, dans les bibliothèques. L'un de ses maîtres, s'étant aperçu de son intense désir de se cultiver, lui avait obtenu une bourse pour suivre des études à Londres. Elle souhaitait beaucoup devenir ethnographe, selon un vieux rêve de son enfance. En effet, petite fille, elle avait rencontré le grand Claude Lévi-Strauss, qui était encore, à cette époque, un jeune homme au début de sa carrière. Il s'intéressait, à cette période de sa vie, aux grands mythes de sa tribu. Au cours de l'un de ses voyages d'études, il l'avait même prise en photo auprès de sa mère et avait troqué, à la suite de longues discussions avec elle, le grand collier de graines qu'elle portait. En échange, il lui avait donné une jolie petite boite en bois sculpté que depuis elle avait toujours précieusement conservée. Devenue grande, Paloma, avait lu un de ses livres qui lui avait beaucoup plu, encore que très savant. Son titre l'avait attiré, c'était « La potière jalouse ».

 

C'est ainsi qu'à l'âge de vingt ans, ses premiers diplômes en poche, elle avait pris l'avion et s'était retrouvée toute seule et certes un peu perdue, dans la grande métropole londonienne. A l'université, on s'était occupé d'elle et elle avait donc trouvé à se loger en colocation, dans un appartement en plein centre de Londres, où logeaient déjà deux brésiliens. Ainsi elle se sentirait déjà moins seule et moins dépaysée. Elle s'installa dans sa toute petite chambre et se risqua à explorer le reste de l'appartement. Dans le salon qui était commun à tous les colocataires, elle rencontra un jeune homme très svelte, encore plus basané qu'elle-même, qui dégustait son thé. Il s'appelait Idriss. Lui aussi était indien, mais il venait des Indes. Il parlait anglais, une langue que Paloma ne maîtrisait pas encore beaucoup, mais qu'elle pouvait au moins comprendre. Ils éprouvèrent d'emblée de la sympathie l'un pour l'autre et eurent envie de faire plus ample connaissance. Il l'invita à aller manger dans un petit restaurant indien au coin de la rue. Il lui fit goûter à de délicieuses galettes de farine de pois-chiches et à du poulet tandori. Idriss faisait des études en sciences économiques et venait d'une des plus belles régions de l'Inde, le Radjastan. Il était né dans la magnifique ville ancienne de Jeisalmer et était le fils de l'un des derniers Maharadjahs de l'Inde. Il lui raconta que pour pouvoir continuer à entretenir son palais, son père l'avait transformé en hôtel de luxe. Cela fit rêver cette petite indienne venue des faubourgs de Sao Paulo. Comme le monde était vaste et plein de belles choses à découvrir !

 

Ils étaient attirés l'un par l'autre et Idriss trouvait Paloma très belle mais il était encore bien trop tôt pour savoir ce que deviendrait la rencontre surprenante de ces deux indiens dans la ville de Londres. Bien trop tôt pour deviner si cette petite indienne d'Amérique du sud serait jugée digne de devenir une des dernières marahanis du Radajastan. Idriss était en effet de nature précautionneuse et mesurait longuement tous les risques encourus du simple fait de tomber amoureux. Il y pensa si longuement qu'il laissa passer sa chance.

 

Entre temps, Paloma avait rencontré, sur les bancs de l'université, Donald, un écossais. Elle le trouvait très séduisant, portant dignement kilt et hautes chaussettes blanches. Il jouait merveilleusement bien de la cornemuse. Il l'invita en Ecosse dans le château de ses ancêtres, un château qui était, selon la légende, hanté par l'ancienne châtelaine qui, jalouse, venait réoccuper les lieux par les nuits de clair de lune. Mais il en fallait bien plus pour effrayer Paloma, cette petite indienne bororo née dans la forêt amazonienne. Ce n'était pas ce pauvre fantôme venu du fond des âges qui pourrait la faire renoncer à son nouvel amour. Elle l'attendrait de pied ferme bien résolue à la chasser à jamais. Ses ancêtres lui avaient en effet transmis de bien précieuses incantations pour chasser tous les mauvais esprits. Mais seraient-elles efficaces dans ce sombre château d'Ecosse ?

On peut quand même se poser la question de savoir si, dans sa petite chambre d'étudiante, à Londres, imaginant ce fabuleux palais du Marahadjah aux Indes et ce manoir écossais hanté, Paloma n'avait pas ainsi bâti quelques châteaux en Espagne, bien loin de la modeste hutte de son village natal, dans la réserve indienne.

 

 

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