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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut

8 décembre 2015

le noyer

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Je suis un arbre (RenéStepan)

Je suis un noyer. Je vis dans le Vercors, à Noyers d’ailleurs. L’homme qui garde des bêtes près du ruisseau a dû me planter il y a bien longtemps. C’est peut-être son père qui l’a fait, ou son grand-père. Cet homme vient souvent profiter de l’ombre de mon feuillage, réputée froide et dangereuse. Il s’y allonge après son repas fait de figues sèches est de pain. Ses repas, il les arrose avec de l’eau du puits.

Le but de mon existence est de servir à quelque chose : je suis là pour ça.

Outre le fait d’être un bel arbre majestueux, je suis célèbre dans la contrée car mes noix sont réputées. Elles fournissent de l’huile, et agrémentent aussi les salades.

Les rats et les loirs se gavent de mes fruits et l’on trouve souvent des coquilles vides à mes pieds.

Mon feuillage, de  grandes feuilles vertes sert à décorer le fond des paniers où la femme du berger met ses œufs et ses fromages, des Saint-marcellin, le fromage local.

Mes rameaux pendent dans le vide. J’ ai bien peur que l’homme ne les coupe.

Je sers aussi à héberger des oiseaux de toutes sortes. La force de mes branches permet aux gros passereaux de s’y reposer. Je crains les chasseurs qui les tirent.

Je suis heureux dans mon champ. Je me sens utile…

Aujourd’hui, l’homme et sa femme se sont étendus dans mon ombre. Qu’allez-vous penser ?  Ils pique-niquent.

Mais soudain, l’homme, après son repas s’approche avec une tronçonneuse bruyante et me mutile ; Aïe !!!...

Un engin arrive, me charge brutalement sur un gros camion, et me voilà parti en voyage.

Arrivé à un endroit empli de bruit, je suis débité en planches. Les meilleures et les plus belles termineront assemblées.

Que vont-ils faire de moi ? Un lit, une armoire ? Non ! on me met des pieds assez longs. Je mesure maintenant deux mètres de planches. Je suis assez beau, lavé, nettoyé, brossé etregardé tous les jours . Transporté dans une maison, des gens posent sur moi des victuailles, des verres, et sourient, tout en discutant. J’écoute leurs paroles…

 J’aurais pu finir ma vie dans leur cheminée pour les réchauffer.

Je sers de nouveau à quelque chose et continue à être heureux…

J’espère être un jour le témoin d’épousailles avec autour de moi des gens heureux, puis, pourquoi pas, d’héberger ensuite des bambins, égayant de leurs rires et de leurs jeux mes beaux jours retrouvés.

Mon avenir est assuré……

 

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6 décembre 2015

La Corse, pays de nos ancêtres

 Liliane Fainsilber -

 

 

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Venant de Paris, nous avions pris le bateau à Marseille, en février, en pleine période des équinoxes, nous avons ainsi essuyé une terrible tempête. Dans notre cabine, un parapluie accroché à une patère nous transmettait les oscillations du bateau. Il parcourait à chaque nouvelle vague un angle de 180 degrés. Il rythmait ainsi le temps de la traversée au travers de l'épreuve physique du mal de mer mais une fois arrivés à Ajaccio, sous le soleil, tout fut oublié. C'est ainsi que nous découvrîmes notre nouveau logement qui avait été aménagé dans un ancien hôtel de la grande époque, des années 1900, l'hôtel Cyrnos. C'était un grand bâtiment blanc de style rococo qui avait gardé les traces de sa splendeur passée. C'était certes un appartement atypique mais plein de charme, deux immenses salles avec de multiples fenêtres étaient devenues salon et cuisine, les chambres étant de tailles beaucoup plus modestes. Le jardin totalement à l'abandon depuis plusieurs années était redevenu quasiment sauvage mais avait gardé les essences précieuses de ses arbres. Des citronniers croulaient sous ses fruits jaunes des quatre saisons, des palmiers donnaient des dattes qui arrivaient presque à maturité et il y avait surtout au pied de la véranda, aussi désuète que le jardin, un magnifique datura, avec ses longues fleurs blanches comme des trompettes que l'on disait vénéneuses. Jusqu'à la fenêtre de ma chambre arrivait tout un immense bouquet de Seringa. C'est donc là que nous avons découvert les charmes de cette petite ville de province avec ces hivers si doux et si ensoleillés. Mon père y avait été nommé inspecteur des postes.

Avec l'arrivée du printemps et de l'été, ce furent ensuite des balades à bicyclette sur la route des Sanguinaires et des baignades dans les petites criques au sable blanc avec une eau verte transparente. Nous étions cinq sœurs, dont les aînées déjà adolescentes. Nous pédalions toutes avec entrain et comme ma mère n'avait que dix neuf ans quand elle m'avait mise au monde, c'était elle qui, encore très jeune, parmi nous attirait tous les regards, celle que nous pensions être la plus belle, ce qu'elle ne contestait nullement.

 

Tandis que nous profitions de la mer et du soleil, au coeur des rudes montagnes corses, dans le vieux village de Casanova de Venaco, une maison quasiment abandonnée nous attendait patiemment. C'était la maison de nos ancêtres maintenue en indivision. Elle attendait qu'on vienne à nouveau l'habiter et qu'on lui redonne vie. Au village, vivaient encore les quatre sœurs de mon grand-père, Liline, Laure, Marie-Françoise et Joséphine. Casanova_(Venaco)Elles avaient un jardin potager, quelques arpents de vigne et quelques châtaigniers sur les pentes arides du Monte Cardo. Aux alentours du village, des cabanes de pierre grossièrement construites enfermaient leurs cochons nourris de glands et de châtaignes. Nous les aimions bien, ces femmes toutes de noir vêtues, mais elles appartenaient déjà au passé. Nous fîmes quelques séjours dans ce village qui était celui où ma mère, dans son enfance, venait passer ses vacances mais la vraie vie était ailleurs et nous l'avons quitté pour toujours.

 

5 décembre 2015

une vieille connaissance par René Stepan

Dans le wagon 4 du train, elle aperçoit un homme qu’elle connaît très bien. Elle hésite, leur histoire lui revient. Ira-t-elle lui parler ?

UNE VIEILLE CONNAISSANCE

C’est les vacances. Début août ; chaleur abominable sur la Côte d’ Azur. Seuls la plage, les soirées et quelques hôtels climatisés apportent un peu de fraîcheur.

Ce soir-là, ils étaient tous deux au festival de jazz de Juan les Pins sous la pinède bien connue des amateurs de jazz et située au centre de la ville.

L’un près de l’autre, ils ont vibré au son du saxo de Sydney Bechet, lorsqu’il jouait « Petite fleur ». Ils s’étaient souri et leur rencontre s’était arrêtée là.

Quelque temps plus tard, affalés au soleil sur un matelas de plage, après un bain rafraîchissant, ils se sont souvenus de ce moment musical .Il s’appelait Paul et elle Virginie. Lui, grand brun aux yeux clairs et elle,  petite , mignonne ,  formaient un couple assez particulier. Ils étaient vêtus tous deux d’un bermuda, d’un tee-shirt clair et chaussés de tongues de plage.

Après une douche rapide prise dans l’établissement, il lui proposa d’aller déjeuner au restaurant de la plage. Elle accepta. Durant le déjeuner, une salade composée et un sorbet – leurs régimes respectifs ne permettant aucun écart- les plaisanteries allaient bon train de part et d’autre. Ils semblaient s’apprécier….

A la fin du repas, le plus simplement du monde, il lui proposa de monter prendre un verre commandé dans sa chambre d’hôtel et là, le plus simplement du monde, elle accepta.

La qualité de la noble assemblée ici présente m’empêchant d’aller plus loin, je passe sur les détails constituant la suite des évènements.

Ce que je peux dire, c’est que leur liaison qui dura tout le mois de vacances, emplie de festivals de musique, Cimiez,  Cavalaire,  Antibes  fut sans lendemain. Une fois rentrés à Paris, ils ne se sont plus revus, juste quelques coups de fil polis au début….

Lorsque, aujourd’hui, dans l’allée du wagon du train l’amenant pour affaire professionnelle de Paris à Lyon, quelle ne fut pas sa surprise de voir un homme, dix ans  de plus qu’au moment de leur aventure, faire les cent pas dans la travée, un téléphone portable collé à l’oreille et qui parlait fort.

Elle reconnut sa voix.

S’approchant de l’individu, elle murmura : »Paul, c’est toi ? »

Lui, la regardant, stupéfait, interrompit sa conversation téléphonique en s’excusant auprès de son interlocuteur, et répondit : « Virginie, c’est toi ! »

Elle était prête à fondre en larmes et tomber dans ses bras, lorsque, sortie du compartiment voyageur, une femme, la trentaine, encore jolie, quoique un peu enveloppée, deux enfants en bas âge au x bras, l’invectiva sèchement : « Paul, les enfants ont besoin que tu leur changes le couches ! »

Paul, ne sachant que faire, répondit : »Oui, ma chérie, j’arrive ! »

Voilà, le charme d’il y a dix ans était interrompu. Cet homme, qu’elle avait apprécié pour sa beauté, sa fougue, sa jeunesse était maintenant un parâtre lourd et soumis. Elle avait toujours rêvé de le revoir, parler musique et, pourquoi pas, nouer maintenant une relation durable. Etait-elle amoureuse de lui ou de la Côte d’Azur ?

Paul, à l’allure d’un homme d’affaires empêtré, prisonnier dans ses couches et dans son costume trois  pièces de PDG très occupé était devenu à ses yeux un homme tout à fait ordinaire.…

rencontre

5 décembre 2015

la feuille de thé

texte par Zabeth STEPAN

Il était à Darjeeling, une colline pentue avec ses lignes

lignes régulières de plantes

arjeeling

lignes ondulantes

lignes dans la brume humide de l’Himalaya.

Il était une feuille au bout d’une tige

feuille aromatique

feuille cueillie délicatement par de douces mains brunes

feuille mise à sécher, hachée

feuille emballée avec ses sœurs, bien tassées.

Il était une boîte noire dans une boutique chic

boîte rangée sur une étagère parmi ses semblables

boîte que l’on ouvre avec curiosité

boîte qui offre son parfum pénétrant.

Il était une théière anglaise

théière ventrue et cosy pour y baigner la feuille

dans une eau pure et frémissante

afin d’y exhaler son arôme envoûtant.

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 Il était une tasse de fine porcelaine translucide

 Tasse, réceptacle qui marie avec tendresse

la couleur chaude à la robe nuptiale d’un nuage de lait.

Il était un five o’clock avec cakes, muffins et mille autres pâtisseries

moment de plaisir et de gourmandise

moment de dégustation et de douceur.

Il était une feuille de thé

universelle, rituelle, indispensable…

 

 

 

 

3 décembre 2015

Dépôt de plainte

Marie-Claude Miollan -

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19 h, il ne va pas tarder à rentrer. Elle écoute le bruit de l’ascenseur qui monte et ne s’arrête pas à leur étage. Elle est là aux aguets. Que dira-t-il ? Mais surtout que fera-t-il quand il saura ? Elle appréhende sa réaction. Malgré son inquiétude, n’imaginant pas clairement ce que son acte peut avoir comme conséquence, elle repense à l’homme qui, quarante ans plus tôt, était venu la chercher a Pondichéry, dans sa famille, et l’avait amenée très peu de temps après leur mariage, très loin de l’Inde dans ce pays dont elle ne parlait pas la langue et ne connaissait pas les usages. Elle n’avait pas su s’adapter à ce pays, elle n’en maitrisait toujours pas la langue. Pourtant elle réalisait soudain qu’elle avait su aller au commissariat, expliquer ce qui lui arrivait si souvent, et qu’elle ne voulait plus que cela recommence. Que l’homme qui l’avait reçu l’avait écouté attentivement, l’avait aussi aidée par ses questions à expliquer comment cela se passait à la maison, les cris de son mari, les gifles qu’il donnait souvent pour rien, par exemple lorsque la vaisselle n’était pas rangée comme il le souhaitait dans le lave vaisselle. Et aussi le mépris qu’il lui manifestait fréquemment. Elle se demandait maintenant comment elle avait eu le courage d’aller parler de ce qui se passait dans l’intimité de leur foyer .On ne fait pas cela surtout en Inde. Mais tout d’un coup, elle se sentit presque fière de son acte, elle avait retrouvé une dignité et tant pis pour les conséquences dont elle pressentait bien qu’elles seraient sans doute graves. Elle se souvenait qu’elle y avait déjà songé, un jour ou la gifle et le mépris avaient été plus violents. Un après midi ou comme très souvent elle était seule, elle avait vu a la télé une émission sur les violences faites aux femmes et comment avec de l’aide certaines arrivaient à s’en sortir. On donnait un numéro de téléphone à appeler mais aussi comment faire pour déposer plainte dans un commissariat. Elle n’avait pas tout compris, mais il lui semblait avoir saisi l’essentiel. Et puis elle avait attendu, espérant que les conflits s’apaisent. Elle avait tenté de parler avec lui mais rien ne changeait. Elle sentait bien qu’elle se fermait de plus en plus. Elle ne le supportait plus, il lui arrivait même maintenant de faire le contraire de ce qu’il voulait ou demandait. Elle ne disait rien mais ses mots à lui étaient durs, blessants et puis il y avait ses gifles et ses coups. Elle n’avait personne à qui se confier, sa famille était loin, et puis on ne raconte pas ce genre de choses au téléphone, et de toute façon il était là présent lorsqu’elle parlait avec les siens. Il n arrivait toujours pas. Elle s’inquiétait. Elle n’avait pas bien compris ce que le policier lui avait expliqué après qu’elle ait fait sa déposition. On le convoquerait au commissariat par courrier ou par téléphone, elle avait donné son numéro de portable. Peut être alors était il déjà au commissariat pour répondre à la convocation. Et après ? Elle ne savait plus que penser. Le policier avait parlé de « garde a vue », on allait le garder au commissariat et puis après il ne pourrait plus rentrer à la maison, peut être même qu’il irait en prison. Mais ce n’était pas cela qu’elle voulait. Elle souhaitait juste qu’on lui fasse la leçon comme il la lui faisait à elle pour tout et pour rien, comme si elle était bête et ne comprenait rien, comme si elle était une enfant.

20h, il n’est toujours pas là. La peur la saisit. Mais que vais-je faire toute seule sans lui dans cette maison ? C’est lui qui sait, qui a toujours tout géré, qui fait les courses et gagne l’argent. Que vais-je devenir ? Se dit-elle dans un sanglot. Mais très vite elle se ressaisit en repensant à cet instant où, tout à l’heure, elle s’était sentie fière de ce qu’elle avait fait. Rien ne serait facile, elle le savait mais elle voulait se séparer de cet homme. Elle commença alors à réfléchir aux démarches qu’il lui faudrait entreprendre pour y arriver.





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30 novembre 2015

La terrible vengeance de Victoire

Liliane Fainsilber -

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Vladimir et sa femme Victoire travaillaient tous deux au grand cirque Pinder. Vladimir était dompteur et Victoire sur son trapèze, tout en haut du chapiteau, se lâchant des deux mains, impressionnait par ses prises de risques tous les spectateurs.

Ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre quand ils étaient très jeunes, mais les années avaient passé et Vladimir s'intéressait beaucoup désormais à une écuyère qui faisait son numéro en sautant d'un cheval à l'autre tandis qu'elle faisait ses tours de pistes.

Victoire était d'origine corse et avait un tempérament de feu. Il y avait de plus dans sa famille un long passé de vendetta. Un de ses frères avait exterminé toute une famille voisine, dans son village, en raison d'un regard jugé trop insistant à l'égard de sa soeur. Extrêmement jalouse de sa rivale, Victoire décida un jour de se venger des deux amants, mais comme elle souhaitait que cette vengeance soit cruelle, elle mit de longs jours avant de savoir comment elle procéderait.

Elle avait pensé un temps pouvoir les empoisonner en leur offrant un délicieux breuvage de sa confection, mais elle eut beaucoup de mal à convaincre le droguiste de lui vendre la mort aux rats qu'elle comptait y verser dedans.

Elle contacta de même un pharmacien de ses amis pour tacher d'obtenir une drogue suffisamment puissante pour pouvoir les endormir à jamais, quitte à souffrir terriblement de les savoir endormis l'un à côté de l'autre. Mais le pharmacien refusa également de lui rendre ce service.

 

C'est alors que Victoire commença à envisager une autre solution, solution qui exigerait d'elle beaucoup plus de patience pour arriver à ses fins.

Elle entreprit donc, comme première étape de sa machination, de séduire de ses charmes le responsable du spectacle celui qui avec le directeur organisait et surtout choisissait les numéros du cirque. Cela lui prit quand même un certain temps mais quand elle fut arrivée à ses fins, quand elle eut suffisamment d'influence sur lui, elle réussit à le convaincre de faire participer la jeune équilibriste au numéro que faisait le dompteur avec ses tigres et ses lions. Selon elle, ce serait en effet un magnifique numéro qui plairait beaucoup au public si au lieu de sauter d'un cheval à un autre lancés au galop, elle sautait sur le dos de ces fauves. Elle usa tellement de ses charmes qu'elle réussit à convaincre le manager de l'intérêt de ces prouesses jusque là inédites.

 

Poursuivant avec méthode son entreprise mortifère, elle demanda alors à son apothicaire des comprimés d'amphétamine, car elle devait, disait-elle, préparer des examens et devait absolument se tenir éveillée pour pouvoir étudier. Comme elle ne put obtenir de lui qu'une seule boite elle se trouva contrainte de renouveler l'expérience plusieurs fois auprès de tous les pharmaciens de la ville et des environs. Lorsqu'elle en eu, selon elle, une quantité suffisante, elle pensa qu'il était temps de passer à l'action.

Alors qu'à grands sons de trompettes, passant par toute la ville, les responsables du cirque annonçaient ce grand numéro, Victoire se glissa près de la cage des fauves et leur fit avaler dans un bout de viande qu'elle avait gardé de son dîner, tous les comprimés d'amphétamine qu'elle avait extorqué à tous les pharmaciens de la région. Au bout de dix minutes, les lions et les tigres commencèrent à s'exciter dans leur cage et ils était donc à même de réaliser la vengeance soigneusement concoctée de Victoire.

 

C'est ainsi qu'au milieu de la piste eut lieu un vrai carnage. Les lions et les tigres ne firent de ce pauvre Vladimir et de sa nouvelle compagne qu'une seule bouchée. Victoire était bien vengée.

 

Lorsque Hélène avait relu sa nouvelle et trouvé son titre, elle se demanda si ce qu'elle avait écrit était plausible. Ce qu'elle mettait le plus en doute c'est le fait que cette charmante écuyère ait pu ainsi chevaucher des tigres et des lions pour réaliser son numéro, mais, comme de toute façon on a beau souhaiter la mort de tous ses rivaux, il est rare de voir ces souhaits se réaliser, elle s'était dit que plausible ou pas, elle s'était bien amusée en écrivant cette nouvelle.

 

Elle croyait ainsi en avoir fini avec ce travail d'écriture mais il se trouva que pendant la nuit, elle fit un rêve : Elle assistait à une sorte de banquet ou de réunion de famille. L'atmosphère était joyeuse et détendue. Son mari à côté d'elle se mit soudain à écraser du poivre dans son cou, plus exactement dans le creux des clavicules qu'on appelle, quand les gens sont trop maigres, des salières. Elle lui demanda ce qu'il faisait mais sans attendre sa réponse, elle se réveilla.

Elle n'eut pas à chercher bien loin, la cause de son rêve. Il était un écho à la nouvelle qu'elle avait écrite la veille. Si son mari l'avait « assaisonnée » de sel et de poivre, c'était pour la manger toute crue. Dans son rêve, les rôles s'étaient donc inversés, c'était elle qui l'avait trompé mais de cette infidélité conjugale, il ne restait qu'une trace : le fait que son mari voulait se venger d'elle et menaçait de la dévorer comme les tigres et les lions de sa nouvelle.

Nul n'étant maître de ses rêves, s'il peut l'être de ses actes, elle décida de se pardonner cette rêveuse infidélité et surtout de la garder secrète. Elle demanda alors à son mari s'il avait bien dormi. Oui, lui répondit-il !

 

 

 

 

 

 

26 novembre 2015

Le père Camille

 Daniel Fainsilber -

 

Paysan-Vosgien

Dès la petite enfance, vers cinq ou six ans, j'ai toujours aimé le jardinage et je descendais au jardin pour travailler avec le Père Camille. Cet homme approchait de ses quatre vingts ans, ce qui à l'époque était un exploit. Il avait des gestes lents mais harmonieux, la parole rare mais amicale. Il me montrait le travail de la nature, j'écoutais ses paroles avec grande attention . Il m'expliquait quel soin il fallait apporter aux plantations, à quel moment semer, désherber et aussi démarier les carottes et les radis, à quoi on reconnaissait la maturité et quand on pouvait récolter. Je me souviens qu'il m'avait réservé un carré de jardin et confié un semis de radis. Il avait été tout étonné de mon goût pour le jardinage.

Il entremêlait volontiers le français et le patois du nord : « Min Tchiot », mon petit, « Em Fieu », mon fils, « Pousse El Berrouette », « t'occupe nin du capio del gamine tire el carette ».

il y avait aussi d'autres mots qui me plaisaient bien tel « el bistouille » qui était un café arrosé de calvados. J'admirais beaucoup ses vêtements en velours côtelé de couleur bronze. Une chaîne en argent ondulait sur son gilet et maintenait une grosse montre ronde dans la pochette à portée de main. Il portait une casquette elle aussi en velours côtelé. Il avait de belles moustaches, des sourcils très fournis et une peau ridée.

Ce personnage contrastait avec mon père qui lui, était toujours en costume de ville avec gilet, veston et col de chemise amidonné. Le jardinage lui était étranger et il avait bien du mal à planter un poireau.

 Très souvent ma mère me confiait la préparation de la soupe de légumes. J'avais plaisir à aller avec un panier et un couteau choisir des feuilles de chou, de betteraves, de salade , déterrer des poireaux et des carottes. J'étais d'autant plus content que mon frère craignait toujours de se salir les mains, alors que de mon côté j'aimais bien toucher la terre.

 

Il y avait au milieu du jardin une butte de terre au sommet de laquelle trônait un vieux frêne pleureur. Mon père y avait fixé deux balançoires et avec mon frère c'était à celui qui se projetterait le plus haut. C'était joyeux, nous étions des enfants heureux ! Je garde comme image de bonheur le souvenir d'un merle qui chantait, posé sur le faîte du toit, bien droit sur ses pattes. Le ciel était bleu, l'air doux du printemps. Mon frère et moi sur les balançoires et ce merle qui chantait à tue-tête, il criait sa joie et son bonheur de vivre.

 

 

 

 

25 novembre 2015

Eloge du Cycle

     Renée Gauvenet -
      3331214060_cb16eb67c5  Les réveillons de Noël se passaient toujours chez le frère de sa Maman qui avait épousé  une  femme adorable.
        Et, joie suprême, la petite fille avait le droit d’y passer la nuit pour recevoir le lendemain ses cadeaux.
        Elle aimait tant  cet appartement  un peu bohème empli d’objets art-déco, de tables basses, de tapis luxuriants et de coussins moelleux, qui contrastait avec celui de ses parents,  confortable, certes mais beaucoup plus classique
        Inutile de dire qu’elle y régnait en souveraine, dormant sur ces amas de coussins, et se précipitant dès le réveil dans le grand lit.
        Sa  tante y jouait de la mandoline pour accompagner les airs d’opérette qu’elle connaissait par cœur, et son oncle les régalait de merveilleux croissants et brioches. Et ce n’étaient que câlins et bisous échangés jusqu’au moment  de découvrir enfin ce que contenaient les paquets multicolores.
        Cette année là ( la  fillette avait environ trois ans) avait demandé une trottinette  avec une pédale, dont elle rêvait depuis longtemps.
         Dans cet immeuble moderne ou il n’y avait pas de cheminée, mais  le chauffage central,  c’était devant un radiateur qu’on déposait les cadeaux….
        Elle découvrit une petite patinette en bois, sans pédale, verte et rouge  fut un peu déçue mais qui lui fit néanmoins grand plaisir. Pas un moment elle ne se demanda  comment elle avait pu passer par les éléments du radiateur (il est évident que le tout puissant Père Noël  savait tout faire)
        Empotée qu’elle était, elle savait à peine s’en servir, et lorsqu’elle demanda un tricycle, il n’en fut pas question.
        Mais la bicyclette, quelle merveilleuse invention !!
        Et plus tard l’enfant fut mise en demeure d’apprendre à utiliser cet instrument bizarre qui n’avait même pas de roues  arrières. Il est vrai qu’elle avait des antécédents, car son arrière-arrière grand-père maternel collectionnait des draisiennes et autres cycles (de jolies dames aussi, mais c’est une autre histoire).             draisienne-1818
Un jour , on jucha cette minuscule enfant sur un instrument appartenant à une
cousine  qui  mesurait au moins un mètre quatre vingt !
        Elle réussit à monter en danseuse, mais dès que son postérieur rencontrait la selle, patatras, tout s’écroulait.
        Inutile de raconter les chutes, les bleus, les écorchures et les larmes.
        On finit par se rendre compte qu’elle n’était absolument pas douée et on cessa de la torturer ; Elle retourna bien vite à ses poupées et aux bras consolants des adultes ;
        Elle grandit au point qu’elle devint monitrice dans une colonie de vacances, et qu’on la chargea d’aller chercher le lait quotidien, avec un vélo auquel était attachée une petite remorque, qui contenait deux gros bidons. Les petites se battaient pour être celle qui pourrait se joindre à l’expédition.
        Bien entendu, elle n ’osa  jamais avouer son incompétence.
        Elle quittait en danseuse, la  colonie, avec les bidons et deux petites filles dans la remorque. Hors de vue, elle continuait le reste du voyage à pied, en tenant le guidon, jusqu’à la ferme voisine, en chantant à tue-tête et parfaitement faux, avec ses deux acolytes, et revenait de même .
        Jamais aucune des fillettes ne la trahit. C’était pour elles,  une merveilleuse promenade, qui les changeait des bâtiments austères dans les quels elles logeaient.
        On se demande comment des religieuses confiaient avec une inconscience totale, des enfants de cinq ou six ans à une jeune fille tout aussi inconsciente !
        Il n’y eut, Dieu merci, ni lait renversé, ni surtout de chutes.
        La jeune fille, devenue grand-mère, ne sait toujours pas monter à bicyclette...

 


      

23 novembre 2015

Le Mont Blanc

Marie-Claude Miollan -



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Tous les ans en hiver, je passe une semaine à Chamonix. Tous les ans je demande la même chambre avec vue sur le Mont Blanc à l’Hôtel « Les Crêtes Blanches ». C’est un hôtel trois étoiles. Depuis le temps que j’y viens les hôteliers sont très aimables avec moi, la nourriture y est variée et savoureuse. La chambre est grande, claire et confortable. De la terrasse je peux admirer la vallée Blanche, le téléphérique qui monte et descend empli de skieurs pressés de rejoindre le sommet, des enfants dévalant à toute allure sur leur  luge des pistes raides et des marcheurs qui apparaissent et disparaissent à travers les sapins. Surplombant des toits qui fument, j’imagine les feux de bois se consumant dans les cheminées des maisons.
Dans l’incapacité de me déplacer, je passe de longs après-midis seul face à la montagne sans me lasser.
Une jeune femme vient vers 17 h me servir un thé et me tient un moment compagnie. Nous contemplons et admirons tous deux la montagne. C’est un moment très agréable. Puis elle repart et je reste de nouveau seul.
Vous allez être étonnés, mais je ne sais toujours pas pourquoi je vous raconte cela, car je ne suis jamais allé à Chamonix et n’ai jamais vu le MONT BLANC autrement qu’en carte postale.

22 novembre 2015

L'orage par René Stepan

L’ORAGE

C’est ma voisine ; Elle se nomme Emma, Emma Bovary. Elle me semble très rêveuse, romanesque et semble s’ennuyer. Toujours un bouquin à la main, elle se promène souvent dan s le parc bien entretenu de la résidence que nous occupons, en Normandie. Son mari  s’absente souvent pour son travail.

Je ne sais comment l’avouer, cette femme m’attire. Est-ce sa beauté, sa nonchalance ? Je ne puis le dire…

Lorsque je l’observe de mon balcon, je ne peux m’empêcher de la désirer comme je n’ai jamais désiré d’autre femme. Mais je l’aime en secret, ma timidité naturelle et bien connue m’empêchent de lui déclarer ma flamme, même de lui parler…J’aurais bien envie de lui tenir compagnie pendant ses instants de solitude.

Un jour d’orage, vautré sur la canapé du salon, à feuilleter un de ces quotidiens sportifs résumant les résultats et les prouesses de la veille, j’entendis un gros coup de tonnerre précédé d’un éclair qui zébrait le ciel…

L’incroyable :

Et puis, surprise, on frappe à ma porte… toc ! toc ! toc ! c’est ma voisine Emma.

Et là, je ne peux que laisser raconter cette histoire par Georges Brassens :

 

Le plus bel amour qui me fut donné sur terre

Je le dois au mauvais temps

Je le dois à Jupiter.

 

Il me tomba d’un ciel d’orage :

Bondissant de sa couche en costume de nuit

Ma voisine affolée vint frapper à mon huis

En réclamant mes bons offices

 

« Je suis seule et j’ai peur ouvrez-moi par pitié

Mon vient de partir faire son dur métier »

Pauvre malheureux mercenaire !

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Contraint de coucher dehors quand il fait mauvais temps

Pour la bonne raison qu’il est représentant

D’une maison de paratonnerres.


Toi qui vends des paratonnerres à foisonAdresse au mari :

Que n’en as-tu planté sur ta propre maison

Erreur on ne peut plus funeste.

Ah ! L’amour

En bénissant le nom de Benjamin Franklin,

Je l’ai mise en lieu sûr entre mes bras câlins

Et puis l’amour a fait le reste…

Mais elle n’est pas revenue !

Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs,

La belle rentra dans ses foyers

Et me fixa rendez-vous au prochain orage !

Mais elle n’est pas revenue !

En attente…

A partir de ce jour j’ai consacré mon temps

A observer les cieux,

A guetter le mauvais temps

Mais plus aucune nouvelle !

L’explication :

Son mari a vendu ce soir-là

Tant de p’tits bouts de fer

Qu’il est devenu millionnaire.

Ils habitent maintenant sous des cieux toujours bleus,

Des pays imbéciles où jamais il ne pleut….où l’on ne sait rien du tonnerre !

 

 

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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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