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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
28 mars 2020

Visite à l'abbaye de Cluny

Zabeth Stépan

clunyViste

Ce 24 juillet 2019, me voici à Cluny devant le site de cette abbaye bénédictine fondée il y a plusieurs siècles. Il est imposant bien qu’il n’en reste qu’une moindre partie, souvenirs émouvants de la majesté d’une construction qui date du XIème siècle.

Devant mon regard se dressent encore des vestiges, entre autres, le clocher de l’Eau Bénite, les bras sud des grands et petits transepts, les tours des Barabans qui encadraient le portail ou encore la Tour des Fromages. Vestiges qui ne représentent que trop peu l’ensemble des bâtiments qui faisaient de cette abbatiale l’une des plus grandes de la chrétienté du haut Moyen-âge.

Une maquette autour de laquelle les visiteurs s’agglutinent me permet d’imaginer et de comprendre l’importance de l’abbaye et de ses dépendances monastiques. Alors, je m’assieds, je ferme les paupières et petit à petit, me voici plongée dans un autrefois envoutant.

J’entends sur les dalle lisses glisser les pas lents des moines silencieux qui, les yeux baissés, les mains croisées sous le scapulaire, arpentent les allées du cloître bordées de chapiteaux aux sculptures typiques de l’art roman. Ils quittent dès la fin des vigiles leurs cellules austères, je les suis en catimini et les accompagne vers l’église à la nef déserte pour les matines, la première prière, celle qui illumine le chœur. Là, leurs voix graves et profondes entonnent à cappella un chant majestueux qui s’élève vers le ciel. Aucune musique ne les soutient et ce latin auquel je ne comprends pas grand chose m’émeut cependant au plus haut point.

Dure règle, sévère, qui contraint, mais à laquelle aucun des moines ne semble vouloir se soustraire. Au contraire, je ressens cette sérénité si évidente que j’en deviens moi-même tranquille et paisible. Un sentiment de bien-être m’envahit et m’entraîne à suivre les coules, ces robes de laine brune uniformes qui effacent toutes les différences.

A leur suite, je m’assieds dans le réfectoire, au bout d’une longue table rustique et je partage avec tous les convives un frugal déjeuner. Le silence règne ; un des moines, debout devant un lutrin, tourne les pages d’un lourd volume à la tranche dorée. Une fois son choix fixé, il lit à voix haute, certes sur un ton assez monocorde, un passage de la Bible, prétexte à la méditation.

Puis la journée avance, point de repos, point d’inactivité, point de bruit incongru, (me reviennent cependant les rires déplacés et dangereux entendus dans le Nom de la Rose) mais ici rien de tel !

Comme tout un chacun, j’œuvre. Mon choix se porte vers l’écriture, je pousse avec quelques moines de chœur la porte du scriptorium, m’installe devant un emplacement libre et commence à écrire avec un calame ou une plume d’oie. Recopier les textes anciens, dessiner des enluminures, que voilà une tâche utile qui passera à la postérité ! Je regarde à la dérobée mes voisins, qui travaillent et s’appliquent sans être le moins du monde distraits. Quant à moi, je sais que des manuscrits vieux de neuf cents ans ont été retrouvés et font partie de collections de la BNF. Eux, ne s’en doutent pas et cela ne peut pas les intéresser, pas le moins du monde.

Le temps passe, calme, rythmé par la prière, la lecture, le travail, le silence. Je suis dans un monde surprenant, une époque presque oubliée. Je suis loin, comme hors du temps, étrangement, même cette règle d’obéissance ne me perturbe pas. Tout me semble normal.

En compagnie des frères jardiniers, en promenade méditative autour des parterres du cloître où ils cultivent les simples, je m’incline respectueusement devant l’abbé, le prieur qui nous dirige, celui qui est notre père spirituel.

Enfin, lorsque le soleil se couche et que la nuit tombe, les complies, la dernière prière, ferme la porte de cellules et ne règne plus alors qu’un silence parfait et ô combien réparateur !

Soudain, qu’est-ce que j’entends ? Quel est ce bruit insistant, saugrenu et strident qui vient de rompre le silence et me déranger ? Il me tire brusquement de mon état de contemplation et m’oblige à ouvrir les yeux. Je me réveille et me vois dans le hall d’accueil… entourée d’une foule de visiteurs qui s’agitent, parlent à voix haute et photographient à tout va avec leurs téléphones portables. Et comment dire ? C’est bien un de ces téléphones qui, intempestivement m’a ramenée à notre époque. J’éprouve quelque regret un peu fugace à me retrouver dans notre temps, celui que ma rêverie m’avait fait quitter.

 Prétexte : Racontez-nous, mettez en écriture ce que vous sentez, voyez, dans ce lieu que vous avez choisi. Commencez ce texte par : en 2019…

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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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