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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
25 février 2020

SAVOIR-VIVRE !!!!!

Bernadette Zygart

 

repasseuse

Secrétaire de Direction dans un établissement privé accueillant des enfants et adolescents placés par décision judiciaire ou administrative, j’étais amenée, chaque année, à ébaucher la préparation des vacances estivales en lien avec l’équipe éducative, au moyen des divers documents reçus des organismes ou associations type UFCV ou ADP.

Pour m’aider dans ces préparatifs et la suite qui en découlait, c’était la période où les lycées envoyaient des stagiaires dans les entreprises. J’ai toujours eu la chance d’avoir des éléments motivés.

 

Et cette année-là, encore, j’avais bien sympathisé avec Karine qui, peu à peu, m’avait confié ses conditions de vie avec sa mère. Elles étaient donc deux au foyer, s’entendant très bien. Elle s’apprêtait à emménager dans un autre appartement et était à la recherche de mobilier et autres articles utiles à son installation. De mon côté, à la suite du décès de mon père, la maison familiale comportait bien des objets devenus inutiles. Je pus donc donner à Karine l’ensemble d’une chambre à coucher ayant servi à mes deux sœurs, quelques objets de la vie courante dont…un fer à repasser « Calor » rangé dans sa boîte d’origine, presque intacte, si bien que je ne songeai nullement à l’inspecter plus en détail.

Eh bien, mal m’en a pris, car la donzelle sortit le fer de sa boite, le retourna et, force me fut de constater que la semelle du fer était toute noircie, sans doute brulée d’avoir trop servi ! et, hasard ou pas, l’engin lui échappa des mains et rencontra brutalement le carrelage……rideau.

 

Comme je lui présentai mes excuses pour le fer, elle se transforma alors en protestataire-furie, me reprochant ce que j’étais (du genre bourgeoise sans doute…) que tout ce que je faisais était pour l’humilier, tout comme mon invitation, un midi, à manger chez moi – en l’absence de mon mari parti en voyage, pour ne pas être seule !!! - enfin toute une litanie de reproches transformée en pluies acides !!!

Et soudain, je ne sais ce qui me prit à cet éclat injuste, je me mis à frapper Karine, la frapper et la frapper avec bien sûr le fer à repasser…..j’avais envie de lui faire mal, de lui faire ravaler ses paroles ; et j’eus, juxtaposée, l’image d’une violence se transformant en règlement d’un compte qui n’était pas celui-ci, mais un autre laissé en suspens dans le temps.

Je n’étais plus le personnage habituel, sans être tout à fait un autre.

Je n’étais plus du tout moi-même dans cette violence émergeante mais, dans le même temps, « quelque-chose » de l’ordre du..bien-être m’envahit. Je cessai de frapper mais pour Karine il était trop tard hélas ! Elle gisait dans son sang et son râle me renseigna sur l’issue de mon acharnement.

Attiré par nos cris, un attroupement se fit autour de nous ; je me sentis vengée, certes mais contrainte maintenant de répondre de cet acte que je regrettais déjà à plus d’un titre…

 

BREF EPILOGUE

 

Apaisée et les menottes aux poignets, je suivis ces messieurs en uniforme appelés pour m’appréhender. Je sentis quand même ma raison vaciller quelque peu réalisant, cette fois à froid, que le corps de ma stagiaire l’était tout autant.. Quoi, c’était moi cela ? Mais non, c’était un rêve ! ou plutôt un cauchemar, dont j’allais me réveiller…

Quelle raison à mon attitude extrême ? Un fusible qui a sauté, mon inconscient ayant fait resurgir une situation du passé non résolue et c’est lui qui a armé mon bras, je l’ai bien senti pendant que je frappais.

Lors de mon interrogatoire c’est ce que je dirai, en ajoutant :

«  Certes, toute cette histoire n’est pas catholique, mais l’expérience dans cette structure m’a transformée en personne laïque et cette situation est pour moi jubilatoire, prouvant que cet établissement est moteur de violence comme je l’ai toujours affirmé : la relation entre adultes est destructrice ici.

Maintenant, je ne sais plus où j’en suis, j’ai ma vie entre deux rives….

Aurai-je des circonstances atténuantes ?

Et sachez que dans la plaidoirie, mes arguments plaideront en ma faveur…

Enfin, c’est ce que j’espère…

Accepteriez-vous d’être juré à mon procès ?

 

Version 2 BREF EPILOGUE

Certes, mon geste est impardonnable…quand j’y repense comme je le regrette ! Pour une réaction d’orgueil que je suis déjà en train de payer…Mais aussi, pourquoi m’a-t-elle accusée de vouloir l’humilier, c’est absurde !

J’ai tout au plus commis une maladresse. Ah ! Si cela pouvait ne pas avoir eu lieu…A cette évocation, soudain, la vie et la lumière percent les nuages si bas. Je ne me sens pas faite pour l’atmosphère, la rigueur des tribunaux ; encore moins faire la une de la presse locale.

Seule, abandonnée, repliée sur moi-même, incapable de m’exprimer ; cela doit être affreux, une salle d’audience…avec la Cour, la présence des Juges, des avocats, et moi réduite au silence par ceux qui parleront à ma place. Mais je suis la seule à savoir défendre ma cause, enfin !!!!!

Aurai-je des circonstances atténuantes ?

Accepteriez-vous d’être juré à mon procès ?

 

 

***

N.-B. Et toute cette histoire pour une animatrice d’atelier d’écriture devenue complètement obsédée par l’odeur du sang….

 

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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