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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
8 décembre 2015

Les tribulations des gens du cirque

 

Les conséquences de l'adultère par Zabeth Stépan

 

le clown

Je me présente, je suis le clown Papalino, je fais partie de la troupe du Cirque des Etoiles. Petit cirque, certes, qui ne peut se mesurer aux grands tels Bouglione, Amar, Gruss ou même le Cirque du Soleil. 

Cependant, nous sommes une joyeuse équipe qui arpente les routes, installe son chapiteau sur les places des villages et des gros bourgs. Ces déplacements ont lieu en été bien sûr, l’hiver, nous répétons nos numéros, soignons les animaux et préparons le nouveau spectacle.

La ménagerie n’est pas très importante mais nous pouvons exhiber quelques fauves, trois lions de l’Atlas, un majestueux tigre de Birmanie et une magnifique panthère des neiges.

DompteurCelui qui les a dressés, s’en occupe et les fait admirer au public, c’est notre dompteur, Roméo Cavalleri. Son  numéro si risqué soulève toujours l’enthousiasme des spectateurs.

Il vit en couple avec Violetta, la charmante écuyère, qui virevolte gracieusement sur ses chevaux lancés au galop autour de la piste.

Notre équipe compte encore le M. Loyal de service qui annonce les numéros dans la musique tonitruante de la fanfare, un couple de jongleurs, un antipodiste d’une élasticité exceptionnelle, un dresseur de chiens et même une chèvre savante. Et je ne parle pas de moi, qui amuse petits et grands.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, l’ambiance était chaleureuse, les relations fraternelles, bref, le bonheur ! Jusqu’au jour où…

M. Loyal pour étoffer le spectacle a engagé une superbe jeune femme, Valentine Plumeti, trapéziste confirmée. Elle était douée, légère, aérienne, étincelante dans son maillot pailleté qui mettait en valeur sa magnifique plastique.

la-trapeziste

Evidemment, elle attirait les regards et tout de même assez aguicheuse, elle ne tarda pas à séduire notre brave dompteur. Celui-ci ne put résister aux charmes de la ravissante demoiselle et ce qui devait arriver, arriva : Roméo devint l’amant de Valentine. Naïf, il pensait être suffisamment prudent pour ne pas se faire prendre, mais c’était sans compter avec la perspicacité de son épouse.

Violetta avait bien un peu des doutes, mais faisait confiance à son Roméo. Malheureusement, un soir, à la fin de la représentation, elle les surprit, enlacés derrière la cage des fauves !

Abasourdie, son premier mouvement a été de laisser éclater sa colère. Par bonheur, je l’avais suivie. Sachant ce qu’elle allait découvrir, j’en avais beaucoup de chagrin pour elle ; je dois confesser que de mon côté, j’éprouvais de doux sentiments pour Violetta. C’était mon secret. Je l’ai rejointe et ai essayé maladroitement  de la consoler. Elle sanglotait, hoquetait, c’était pour elle une vraie catastrophe, un affront, tout s’écroulait.

Finalement, elle s’est calmée, un peu grâce à moi ; par chance, les deux autres, tout à leur affaire, ne l’avaient pas entendue… Ensemble, nous avons cherché un moyen de se venger. Moi, j’avais bien une idée, lui rendre la monnaie de sa pièce, je me sentais disponible pour cette éventualité, mais je n’osais la proposer… Après mûre réflexion, une idée s’est fait jour.

Le but était de ridiculiser le traître sans toutefois qu’il y ait danger pour lui. Elle ne voulait pas qu’il risque sa vie, mais il lui fallait bien une leçon. Et nous avons trouvé, la solution était de saboter son numéro pour le rendre ridicule. Comment ?

Violetta, un peu machiavélique, savait que dans leur caravane, Roméo gardait une pharmacopée spécifique pour ses fauves. Parmi tous ces produits, se trouvaient des sédatifs nécessaires pour calmer ces animaux sauvages si le besoin s’en faisait sentir.

 

l'écuyère

Elle a proposé de faire absorber  le lendemain une forte dose de somnifères aux animaux. Ce fut possible, avec mon aide, en cachette, avant le spectacle du soir, les lions, tigre et panthère les ont avalés mélangés à la viande dont on les nourrissait avant la représentation.

Lorsque M. Loyal a annoncé le numéro, les fauves sont entrés, avançant lentement, baillant, traînant la patte. Roméo les regardait, stupéfait, faisait claquer son fouet, les invectivait. Rien à faire ! Les lions se couchaient, le tigre s’allongeait paresseusement, la panthère s’était endormie et ronflait paisiblement.

Les spectateurs qui attendaient le frisson de la peur, d’abord déçus, ensuite se sont mis à rire, se sont esclaffés à grand bruit. Sifflets et quolibets ont fusé sous le chapiteau, parmi le public qui hurlait sur l’air des lampions : « Remboursez ! Remboursez ! »

Confus et honteux, conscient du ridicule de la situation, Roméo a quitté la piste ; on a eu beaucoup de mal à évacuer les bêtes devenues trop pacifiques, le spectacle a été gâché.

Le soir, la troupe s’est réunie, les comptes ont été réglés, certains en ont pris pour leur grade…

En conclusion, l’histoire ne dit pas quel sera l’avenir des protagonistes de cette aventure. Pas facile d’effacer l’ardoise.

Est-ce que Violetta et Roméo sortiront indemnes de cette histoire ? Valentine pourra-t-elle demeurer dans l’équipe ? Quant à M. Loyal il lui sera difficile de leur pardonner cette soirée ratée. Et moi, alors ? Je garderai mon amour caché, impossible de me dévoiler, il ne faut pas  causer de troubles dans notre groupe.

Sans commentaires.

 

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8 décembre 2015

Une vie de fourmi !

 

Quelle vie de fourmi ! par Zabeth STEPAN

fourmis 2

Je m’éveille, étire mes membres et pousse un profond soupir. Bizarre ! Il fait bien sombre, j’ai beau écarquiller les yeux, je ne vois rien. Une impression curieuse m’envahit, je ne perçois rien de familier, nul bruit, nulle odeur, même la consistance de l’air n’est pas celle que je connais. Où suis-je ? Par quel truchement ai-je été transportée dans cet endroit ?

Lentement ma conscience devient précise, je sens autour de moi des mouvements rapides, incessants, mais aucune rumeur, pas le moindre chuchotement. On me frôle, me tâte du bout de quelque chose qui n’est pas une main et je n’aime pas ça du tout. Une odeur inconnue se répand. Tiens, à présent elle me devient familière, elle m’enveloppe, m’entraîne, me bouscule et à cause d’elle, il faut que je m’insère dans cette file qui s’agite, gigote, se déplace sans arrêt.

Euréka ! Je comprends ! Je me trouve dans une fourmilière, je suis une fourmi, une parmi des flopées d’autres, exactement semblable à elles, sans la moindre individualité. Peste ! C’est dérangeant.

Juste moi qui ai ces minuscules bestioles en horreur, qui les ai toujours détestées, traquées, neutralisées sans pitié. Quand je pense que je ne suis même pas arrivée à terminer l’énorme pavé qu’est le livre de Bernard Werber  sur les fourmis ! Qu’est-ce que je fais là ? Obligée d’avancer, de suivre mes soi-disant congénères, de chercher, de porter, de travailler, quoi ! C’est épouvantable !

Tout de même, une question me taraude l’esprit. Comment se fait-il que je soie là ? Il me semble m’être endormie dans mon lit bien douillet ; puis des bribes de souvenirs me reviennent : je n’étais pas couchée, pas encore certes, il n’était que quatre heures de l’après-midi. Je lisais dans le jardin, sous l’acacia quand un choc violent à la tête m’a étourdie. Et voilà le résultat.

Y a-t-il une solution ? Immobile, je réfléchis à toute vitesse mais rien ne me vient à l’esprit pour l’instant. Tant pis, je n’ai d’autre choix que de suivre la troupe…

Après déambulations le long de ces galeries étroites où je croise d’autres fourmis qui rentrent lourdement chargées, j’émerge enfin à la lumière.

Avec soulagement, je reconnais bien mon environnement habituel, les rosiers où les pucerons nourriciers attendent les ouvrières, les pétunias colorés et l’herbe verte sur laquelle ma chaise longue et mon livre me tendent les bras. Est-il possible que personne ne me cherche, ne s’inquiète de ma disparition ?

Tout en trottant menu, je continue à réfléchir, il faut que je m’évade, je ne peux pas rester là, perdue, condamnée à cette petite vie que je trouve inintéressante et inutile. De plus, je cours de graves dangers, je suis exposée à de gros risques : l’écrasement par une chaussure agacée, l’empoisonnement par quelque gaz toxique, celui-là même que j’utilisais d’abondance. Ce doit être une vengeance, vengeance de la gent fourmilistique.

Malheureusement, je n’ai pas le droit de m’arrêter, les phéromones produites par mes nouvelles compagnes me poussent en avant, m’imposent de poursuivre la route en multiples allers et retours.

Quand je pense que dans sa fable ce brave homme de La Fontaine montait en épingle la valeur de la fourmi par rapport à la cigale… Pour mon compte personnel, en toute honnêteté, j’aurais préféré chanter dans l’arbre plutôt que trimer dans le noir. Me voilà bien triste.

fourmis 1

Au bout d’un long moment, en observant la cité souterraine, je réalise que toutes ces petites bêtes dont je fais partie malgré moi, jouent un rôle important de nettoyeur.  Et quelle organisation ! Pour un peu, je les admirerais. J’ai même entrevu, d’un peu loin je dois dire, celle qui est notre reine et notre mère à toutes. Comparaison assez drôle, si avant de me retrouver ici, j’avais eu comme elle une progéniture aussi nombreuse ! Quelle horreur !

Toute à mes élucubrations désolantes que je ne peux partager avec les autres, d’ailleurs ces autres, pensent-elles ? Je disais donc, toute à mes élucubrations, je me hâte vers l’entrée de la fourmilière remorquant péniblement une énorme miette de pain, lorsque soudain, une violente trombe d’eau me déstabilise, m’entraîne, m’étouffe, me noie.

Au secours ! Aidez-moi ! Je ne veux pas mourir. Hélas ! Personne n’entend mon appel, la vie m’abandonne. Tout est fini.

 Mais non, brusquement, je m’ébroue, je ne suis pas morte, j’ouvre les yeux et miracle ! Je repose de nouveau sur ma chaise longue. A côté, git, ouvert et renversé le bouquin que je feuilletais, en l’occurrence, « la vie des fourmis » de Maeterlinck. Tout s’explique.

Je me tâte, m’assure que tout est normal, bouge les bras, les jambes et crie de bonheur. Que s’est-il passé ?

Je baisse les yeux, près de moi, dans l’herbe, une curieuse pierre attire mon regard, je la prends, l’examine attentivement.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! »

comme aurait dit l’inspecteur Bourrel, c’est elle qui m’a assommée. D’où est-elle tombée ? Mystère… Je saurai plus tard que c’était un morceau de météorite… Bizarre, vous avez dit bizarre ?

En tous cas, quelle drôle d’expérience ! Et, baissant les yeux vers le gazon, j’ai contemplé avec indulgence, quelques petites fourmis qui se hâtaient vers leur maison. Petites, c’est une chance, et si une fourmi de dix-huit mètres existait ? Ah ! Non, monsieur Desnos, ce serait terrible !

En y réfléchissant, peut-être que dorénavant, je leur accorderai des circonstances atténuantes à ces minuscules créatures besogneuses… sauf si c’est dans la maison, parce que là, elles me « antent » !

 

8 décembre 2015

le noyer

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Je suis un arbre (RenéStepan)

Je suis un noyer. Je vis dans le Vercors, à Noyers d’ailleurs. L’homme qui garde des bêtes près du ruisseau a dû me planter il y a bien longtemps. C’est peut-être son père qui l’a fait, ou son grand-père. Cet homme vient souvent profiter de l’ombre de mon feuillage, réputée froide et dangereuse. Il s’y allonge après son repas fait de figues sèches est de pain. Ses repas, il les arrose avec de l’eau du puits.

Le but de mon existence est de servir à quelque chose : je suis là pour ça.

Outre le fait d’être un bel arbre majestueux, je suis célèbre dans la contrée car mes noix sont réputées. Elles fournissent de l’huile, et agrémentent aussi les salades.

Les rats et les loirs se gavent de mes fruits et l’on trouve souvent des coquilles vides à mes pieds.

Mon feuillage, de  grandes feuilles vertes sert à décorer le fond des paniers où la femme du berger met ses œufs et ses fromages, des Saint-marcellin, le fromage local.

Mes rameaux pendent dans le vide. J’ ai bien peur que l’homme ne les coupe.

Je sers aussi à héberger des oiseaux de toutes sortes. La force de mes branches permet aux gros passereaux de s’y reposer. Je crains les chasseurs qui les tirent.

Je suis heureux dans mon champ. Je me sens utile…

Aujourd’hui, l’homme et sa femme se sont étendus dans mon ombre. Qu’allez-vous penser ?  Ils pique-niquent.

Mais soudain, l’homme, après son repas s’approche avec une tronçonneuse bruyante et me mutile ; Aïe !!!...

Un engin arrive, me charge brutalement sur un gros camion, et me voilà parti en voyage.

Arrivé à un endroit empli de bruit, je suis débité en planches. Les meilleures et les plus belles termineront assemblées.

Que vont-ils faire de moi ? Un lit, une armoire ? Non ! on me met des pieds assez longs. Je mesure maintenant deux mètres de planches. Je suis assez beau, lavé, nettoyé, brossé etregardé tous les jours . Transporté dans une maison, des gens posent sur moi des victuailles, des verres, et sourient, tout en discutant. J’écoute leurs paroles…

 J’aurais pu finir ma vie dans leur cheminée pour les réchauffer.

Je sers de nouveau à quelque chose et continue à être heureux…

J’espère être un jour le témoin d’épousailles avec autour de moi des gens heureux, puis, pourquoi pas, d’héberger ensuite des bambins, égayant de leurs rires et de leurs jeux mes beaux jours retrouvés.

Mon avenir est assuré……

 

6 décembre 2015

La Corse, pays de nos ancêtres

 Liliane Fainsilber -

 

 

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Venant de Paris, nous avions pris le bateau à Marseille, en février, en pleine période des équinoxes, nous avons ainsi essuyé une terrible tempête. Dans notre cabine, un parapluie accroché à une patère nous transmettait les oscillations du bateau. Il parcourait à chaque nouvelle vague un angle de 180 degrés. Il rythmait ainsi le temps de la traversée au travers de l'épreuve physique du mal de mer mais une fois arrivés à Ajaccio, sous le soleil, tout fut oublié. C'est ainsi que nous découvrîmes notre nouveau logement qui avait été aménagé dans un ancien hôtel de la grande époque, des années 1900, l'hôtel Cyrnos. C'était un grand bâtiment blanc de style rococo qui avait gardé les traces de sa splendeur passée. C'était certes un appartement atypique mais plein de charme, deux immenses salles avec de multiples fenêtres étaient devenues salon et cuisine, les chambres étant de tailles beaucoup plus modestes. Le jardin totalement à l'abandon depuis plusieurs années était redevenu quasiment sauvage mais avait gardé les essences précieuses de ses arbres. Des citronniers croulaient sous ses fruits jaunes des quatre saisons, des palmiers donnaient des dattes qui arrivaient presque à maturité et il y avait surtout au pied de la véranda, aussi désuète que le jardin, un magnifique datura, avec ses longues fleurs blanches comme des trompettes que l'on disait vénéneuses. Jusqu'à la fenêtre de ma chambre arrivait tout un immense bouquet de Seringa. C'est donc là que nous avons découvert les charmes de cette petite ville de province avec ces hivers si doux et si ensoleillés. Mon père y avait été nommé inspecteur des postes.

Avec l'arrivée du printemps et de l'été, ce furent ensuite des balades à bicyclette sur la route des Sanguinaires et des baignades dans les petites criques au sable blanc avec une eau verte transparente. Nous étions cinq sœurs, dont les aînées déjà adolescentes. Nous pédalions toutes avec entrain et comme ma mère n'avait que dix neuf ans quand elle m'avait mise au monde, c'était elle qui, encore très jeune, parmi nous attirait tous les regards, celle que nous pensions être la plus belle, ce qu'elle ne contestait nullement.

 

Tandis que nous profitions de la mer et du soleil, au coeur des rudes montagnes corses, dans le vieux village de Casanova de Venaco, une maison quasiment abandonnée nous attendait patiemment. C'était la maison de nos ancêtres maintenue en indivision. Elle attendait qu'on vienne à nouveau l'habiter et qu'on lui redonne vie. Au village, vivaient encore les quatre sœurs de mon grand-père, Liline, Laure, Marie-Françoise et Joséphine. Casanova_(Venaco)Elles avaient un jardin potager, quelques arpents de vigne et quelques châtaigniers sur les pentes arides du Monte Cardo. Aux alentours du village, des cabanes de pierre grossièrement construites enfermaient leurs cochons nourris de glands et de châtaignes. Nous les aimions bien, ces femmes toutes de noir vêtues, mais elles appartenaient déjà au passé. Nous fîmes quelques séjours dans ce village qui était celui où ma mère, dans son enfance, venait passer ses vacances mais la vraie vie était ailleurs et nous l'avons quitté pour toujours.

 

5 décembre 2015

une vieille connaissance par René Stepan

Dans le wagon 4 du train, elle aperçoit un homme qu’elle connaît très bien. Elle hésite, leur histoire lui revient. Ira-t-elle lui parler ?

UNE VIEILLE CONNAISSANCE

C’est les vacances. Début août ; chaleur abominable sur la Côte d’ Azur. Seuls la plage, les soirées et quelques hôtels climatisés apportent un peu de fraîcheur.

Ce soir-là, ils étaient tous deux au festival de jazz de Juan les Pins sous la pinède bien connue des amateurs de jazz et située au centre de la ville.

L’un près de l’autre, ils ont vibré au son du saxo de Sydney Bechet, lorsqu’il jouait « Petite fleur ». Ils s’étaient souri et leur rencontre s’était arrêtée là.

Quelque temps plus tard, affalés au soleil sur un matelas de plage, après un bain rafraîchissant, ils se sont souvenus de ce moment musical .Il s’appelait Paul et elle Virginie. Lui, grand brun aux yeux clairs et elle,  petite , mignonne ,  formaient un couple assez particulier. Ils étaient vêtus tous deux d’un bermuda, d’un tee-shirt clair et chaussés de tongues de plage.

Après une douche rapide prise dans l’établissement, il lui proposa d’aller déjeuner au restaurant de la plage. Elle accepta. Durant le déjeuner, une salade composée et un sorbet – leurs régimes respectifs ne permettant aucun écart- les plaisanteries allaient bon train de part et d’autre. Ils semblaient s’apprécier….

A la fin du repas, le plus simplement du monde, il lui proposa de monter prendre un verre commandé dans sa chambre d’hôtel et là, le plus simplement du monde, elle accepta.

La qualité de la noble assemblée ici présente m’empêchant d’aller plus loin, je passe sur les détails constituant la suite des évènements.

Ce que je peux dire, c’est que leur liaison qui dura tout le mois de vacances, emplie de festivals de musique, Cimiez,  Cavalaire,  Antibes  fut sans lendemain. Une fois rentrés à Paris, ils ne se sont plus revus, juste quelques coups de fil polis au début….

Lorsque, aujourd’hui, dans l’allée du wagon du train l’amenant pour affaire professionnelle de Paris à Lyon, quelle ne fut pas sa surprise de voir un homme, dix ans  de plus qu’au moment de leur aventure, faire les cent pas dans la travée, un téléphone portable collé à l’oreille et qui parlait fort.

Elle reconnut sa voix.

S’approchant de l’individu, elle murmura : »Paul, c’est toi ? »

Lui, la regardant, stupéfait, interrompit sa conversation téléphonique en s’excusant auprès de son interlocuteur, et répondit : « Virginie, c’est toi ! »

Elle était prête à fondre en larmes et tomber dans ses bras, lorsque, sortie du compartiment voyageur, une femme, la trentaine, encore jolie, quoique un peu enveloppée, deux enfants en bas âge au x bras, l’invectiva sèchement : « Paul, les enfants ont besoin que tu leur changes le couches ! »

Paul, ne sachant que faire, répondit : »Oui, ma chérie, j’arrive ! »

Voilà, le charme d’il y a dix ans était interrompu. Cet homme, qu’elle avait apprécié pour sa beauté, sa fougue, sa jeunesse était maintenant un parâtre lourd et soumis. Elle avait toujours rêvé de le revoir, parler musique et, pourquoi pas, nouer maintenant une relation durable. Etait-elle amoureuse de lui ou de la Côte d’Azur ?

Paul, à l’allure d’un homme d’affaires empêtré, prisonnier dans ses couches et dans son costume trois  pièces de PDG très occupé était devenu à ses yeux un homme tout à fait ordinaire.…

rencontre

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5 décembre 2015

la feuille de thé

texte par Zabeth STEPAN

Il était à Darjeeling, une colline pentue avec ses lignes

lignes régulières de plantes

arjeeling

lignes ondulantes

lignes dans la brume humide de l’Himalaya.

Il était une feuille au bout d’une tige

feuille aromatique

feuille cueillie délicatement par de douces mains brunes

feuille mise à sécher, hachée

feuille emballée avec ses sœurs, bien tassées.

Il était une boîte noire dans une boutique chic

boîte rangée sur une étagère parmi ses semblables

boîte que l’on ouvre avec curiosité

boîte qui offre son parfum pénétrant.

Il était une théière anglaise

théière ventrue et cosy pour y baigner la feuille

dans une eau pure et frémissante

afin d’y exhaler son arôme envoûtant.

tea_leave

 Il était une tasse de fine porcelaine translucide

 Tasse, réceptacle qui marie avec tendresse

la couleur chaude à la robe nuptiale d’un nuage de lait.

Il était un five o’clock avec cakes, muffins et mille autres pâtisseries

moment de plaisir et de gourmandise

moment de dégustation et de douceur.

Il était une feuille de thé

universelle, rituelle, indispensable…

 

 

 

 

3 décembre 2015

Dépôt de plainte

Marie-Claude Miollan -

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19 h, il ne va pas tarder à rentrer. Elle écoute le bruit de l’ascenseur qui monte et ne s’arrête pas à leur étage. Elle est là aux aguets. Que dira-t-il ? Mais surtout que fera-t-il quand il saura ? Elle appréhende sa réaction. Malgré son inquiétude, n’imaginant pas clairement ce que son acte peut avoir comme conséquence, elle repense à l’homme qui, quarante ans plus tôt, était venu la chercher a Pondichéry, dans sa famille, et l’avait amenée très peu de temps après leur mariage, très loin de l’Inde dans ce pays dont elle ne parlait pas la langue et ne connaissait pas les usages. Elle n’avait pas su s’adapter à ce pays, elle n’en maitrisait toujours pas la langue. Pourtant elle réalisait soudain qu’elle avait su aller au commissariat, expliquer ce qui lui arrivait si souvent, et qu’elle ne voulait plus que cela recommence. Que l’homme qui l’avait reçu l’avait écouté attentivement, l’avait aussi aidée par ses questions à expliquer comment cela se passait à la maison, les cris de son mari, les gifles qu’il donnait souvent pour rien, par exemple lorsque la vaisselle n’était pas rangée comme il le souhaitait dans le lave vaisselle. Et aussi le mépris qu’il lui manifestait fréquemment. Elle se demandait maintenant comment elle avait eu le courage d’aller parler de ce qui se passait dans l’intimité de leur foyer .On ne fait pas cela surtout en Inde. Mais tout d’un coup, elle se sentit presque fière de son acte, elle avait retrouvé une dignité et tant pis pour les conséquences dont elle pressentait bien qu’elles seraient sans doute graves. Elle se souvenait qu’elle y avait déjà songé, un jour ou la gifle et le mépris avaient été plus violents. Un après midi ou comme très souvent elle était seule, elle avait vu a la télé une émission sur les violences faites aux femmes et comment avec de l’aide certaines arrivaient à s’en sortir. On donnait un numéro de téléphone à appeler mais aussi comment faire pour déposer plainte dans un commissariat. Elle n’avait pas tout compris, mais il lui semblait avoir saisi l’essentiel. Et puis elle avait attendu, espérant que les conflits s’apaisent. Elle avait tenté de parler avec lui mais rien ne changeait. Elle sentait bien qu’elle se fermait de plus en plus. Elle ne le supportait plus, il lui arrivait même maintenant de faire le contraire de ce qu’il voulait ou demandait. Elle ne disait rien mais ses mots à lui étaient durs, blessants et puis il y avait ses gifles et ses coups. Elle n’avait personne à qui se confier, sa famille était loin, et puis on ne raconte pas ce genre de choses au téléphone, et de toute façon il était là présent lorsqu’elle parlait avec les siens. Il n arrivait toujours pas. Elle s’inquiétait. Elle n’avait pas bien compris ce que le policier lui avait expliqué après qu’elle ait fait sa déposition. On le convoquerait au commissariat par courrier ou par téléphone, elle avait donné son numéro de portable. Peut être alors était il déjà au commissariat pour répondre à la convocation. Et après ? Elle ne savait plus que penser. Le policier avait parlé de « garde a vue », on allait le garder au commissariat et puis après il ne pourrait plus rentrer à la maison, peut être même qu’il irait en prison. Mais ce n’était pas cela qu’elle voulait. Elle souhaitait juste qu’on lui fasse la leçon comme il la lui faisait à elle pour tout et pour rien, comme si elle était bête et ne comprenait rien, comme si elle était une enfant.

20h, il n’est toujours pas là. La peur la saisit. Mais que vais-je faire toute seule sans lui dans cette maison ? C’est lui qui sait, qui a toujours tout géré, qui fait les courses et gagne l’argent. Que vais-je devenir ? Se dit-elle dans un sanglot. Mais très vite elle se ressaisit en repensant à cet instant où, tout à l’heure, elle s’était sentie fière de ce qu’elle avait fait. Rien ne serait facile, elle le savait mais elle voulait se séparer de cet homme. Elle commença alors à réfléchir aux démarches qu’il lui faudrait entreprendre pour y arriver.





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