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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut

15 mars 2020

Sur la route de Washington

Zabeth Stépan

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Le soleil aveuglant fait danser le paysage nu. Une troupe de Cherokees a quitté depuis quelques lunes Echota leur capitale. Comme eux, Aponi, une jeune indienne chevauche sur la route de Washington. Tous emportent dans leurs sacoches des panneaux de cuir sur lesquels ils ont exprimé leurs revendications par des signes et des symboles qu’ils se sont appliqués à dessiner.

Washington est le but de leur équipée, c’est là qu’a pris naissance le berceau du complot dont ils sont les victimes. Ils ont été informés officiellement par les autorités qu’ils vont être chassés de leur réserve dans les Smoky Mountains. Ce territoire dont le sous-sol sera exploité par des sociétés minières assoiffées de profits, impossible de le quitter.

Cela les révolte, il leur avait été garanti que jamais cela se produirait. Et cependant, une nouvelle loi édictée par ces odieux gouvernants les a condamnés à le faire.

Alors, ils avancent, fermement déterminés à aller porter leurs réclamations devant les représentants de la nation américaine, nation dont ils pensaient faire partie pour en avoir les mêmes droits.

Pourront-ils obtenir justice ? Ce sera nécessaire pour guérir ce bleu à l’âme qui les désole.

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6 mars 2020

Cap sur mon rêve…

Nicole Borel

 

 

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Aujourd’hui encore, je me demande comment j’ai pu en cette année 1991, prendre cette décision qui allait transformer radicalement ma vie et celle de ma famille. Etait-ce bien moi ?

Ou était-ce le bicentenaire de la Révolution célébré deux ans plus tôt qui avait réveillé mon besoin de liberté ou une prise de conscience soudaine que moi seule me posais mes propres limites dans une vie où je me sentais de plus en plus contrainte et bloquée par une réalité qui me retenait.

L’idée a germé à mon insu, probablement tapie dans un coin de ma mémoire, guettant le moment propice. J’avais toujours rêvé de devenir institutrice, ce rêve refaisait surface l’année de mes 32 ans, refoulé jusque-là, mis à mal par ma volonté de ne pas décevoir mes parents qui avaient choisi une autre voie pour moi.

La vague du changement s’est formée sous les vents dominants d’une détermination que je ne me soupçonnais pas, elle a tout balayé pour satisfaire un besoin vital à cette période de ma vie, qu’importe si j’étais mariée, mère de trois enfants, un travail, une maison, une vie rangée en somme, un confort tranquille dans lequel je m’étais oubliée.

Ma réussite au concours, auquel j’avais décidé de m’inscrire cette année-là, a été la septième vague, celle qui a tout emporté, a fait face aux vents contraires en chamboulant toute ma vie, m’éloignant des miens, de ma région car admise non pas en Bretagne où j’avais toujours vécu mais à Versailles, curieuse coïncidence. C’est l’instant où tout aurait pu basculer n’étant pas préparée à ce dilemme …

Notre vie, cette année-là, a pris une autre destination.

Implacablement, j’ai mené mon projet à son terme, tel un bateau à bon port, contre vents et marées : flux, reflux, secousses, tournoiements, grêles et pluies ont fait ma force et ont été le moteur de mon changement de vie.

 

 

 

 

 

 

 

Nicole Borel (Février 2020)

4 mars 2020

Et dans le chemin…

Zabeth Stépan

 

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Moi aussi je le connais bien ce « chemin », mais à moi, il ne fait pas peur du tout. Au contraire, je me plais dans ce passage sombre, je m’y déplace en catimini. Souvent, lorsque je m’arrête devant son entrée, il me semble toujours que l’obscurité m’appelle, m’invite même. Parfois, je m’y aventure, il est assez facile de me cacher dans une des encoignures. Là, mon imagination échafaude des projets fort inavouables.

Je sais que bien peu de gens l’empruntent puisqu’il conduit dans une propriété privée. J’ai épié tous ceux qui se hâtent une fois quittée l’avenue Maréchal Foch. Certains flânent, d’autres s’arrêtent en soufflant, posant un moment leur panier de retour du marché. Les plus jeunes sautent d’une marche à l’autre en s’amusant. Mais lorsque la nuit tombe, l’atmosphère change ; ils l’empruntent rarement seuls et dans ce cas, ils se dépêchent.

Ont-ils peur ? Et de quoi ou bien de qui ? Ah ! C’est de moi qu’ils devraient se méfier, mais non, ils ne me connaissent pas et c’est dommage ! S’ils savaient… Des pulsions de violence, de meurtre même m’envahissent. Passer à l’acte, oui, il me semble qu’un plaisir intense m’étourdirait. Ce soir, je suis aux aguets, je suis prêt, alors, qui sera la victime ?

C’est alors que j’entends des talons claquer vivement sur le trottoir et la silhouette élancée de la fille de la maison passe près de moi sans me voir, tranquille, en téléphonant.

Doucement je la suis, mes semelles de crêpe ne font aucun bruit. Dans un coin plus sombre, je me retrouve brusquement derrière elle, contre elle ; sentant mon souffle haletant dans son cou, elle sursaute, affolée. Je plaque ma main sur sa bouche pour étouffer le cri qu’elle allait pousser. Mon sang bat dans ma poitrine, l’émotion m’oppresse, tout devient trouble. Je sens son corps tendu, crispé et ses gestes fous pour se dégager de mon étreinte, elle essaie désespérément de m’échapper. Impossible !

Mes bras la ceinturent. J’enfonce dans sa gorge le bâillon que j’avais préparé, et la retourne violemment vers moi. Ses yeux éperdus découvrent mon visage masqué tel un clown hideux et maléfique. Plaquée contre le mur rugueux, elle gémit douloureusement, je ne peux m’empêcher de la serrer contre moi. Un sentiment pervers m’envahit au contact de ses formes voluptueuses. Je suis fort, puissant, les battements désordonnés de son cœur et le tremblement de ses membres m’excitent au plus haut point.

Alors, mes mains, comme si elles ne m’appartenaient pas, emprisonnent son cou gracile et de toutes mes forces, je serre, je serre. Une peur indicible suinte de tout son être et la terreur emplit ses yeux exorbités. Petit à petit ses mouvements d’abord violents, anarchiques, perdent de la force, deviennent plus hésitants, je continue en épiant son visage qui s’empourpre. Enfin, son corps se relâche, s’amollit et s’affaisse lentement dans l’ombre du passage.

Soudain, ma tension retombe, hébété et muet, je regarde la fille immobile, figée, inerte, morte. Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Devant l’énormité de cet acte, j’arrache mon masque qui tombe à terre et je m’enfuis, redescends le chemin à toutes jambes. Je ne me calme qu’une fois arrivé dans la rue heureusement déserte. Au fur et à mesure de mon avancée, je reprends une marche normale sans trop savoir toutefois vers quel repaire me conduisent mes pas.

La conscience revenue, mon esprit demeure perturbé, je ne suis plus vraiment certain d’avoir ressenti le plaisir que j’attendais de ce meurtre. Faudra-t-il que je recommence pour en être sûr ? Faudra-t-il que je devienne ce qu’ils appellent un « serial killer » ?

 

3 mars 2020

2150, Les arbres ont pris le pouvoir…

Nicole Borel (Avril 2019) 

 

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Homme, pendant toutes ces années

Tu ne m’as pas épargné

Moi qui étais ton oxygène

La charpente de ta maison,

La planche de ta table,

Le lit de tes nuits,

Le bois de tes navires,

Le manche de ta pelle,

La porte de ta demeure,

Le bois de ton berceau

Et celui de ton cercueil.

J’entends aujourd’hui ta supplication

Pour nous faire entendre raison :

Plus de feu dans l’âtre,

Plus d’ombrage ami lorsque brûle le soleil d’été.

Bientôt plus d’air dans nos poumons.

Abattez toutes ces barrières

Erigées par vos frères belliqueux

De leurs troncs vaniteux

Nous privant, nous les hommes, du vital éther.

Devant tant d’exactions,

Moi, le vieux chêne de Brocéliande

Le cèdre du Liban et le vieux pin des landes

Avons trouvé une solution :

Flatter les orgueilleux

De vous avoir ouvert les yeux

Féliciter les arbres, nos frères victorieux

D’avoir protégé nos cieux

Ainsi ils rendraient les armes

Et sécheraient vos larmes.

Le vent a porté l’affaire

A travers les forêts.

Les arbres de la Terre

Dans un souffle de paix

Ont écouté leurs aînés

Et pardonné aux hommes égarés.

Ils se sont tendu les mains

Au-dessus des humains

Dans une harmonie retrouvée

Les barricades abaissées.

 

 

 

 

1 mars 2020

Le chagrin d’Aude, la châtelaine esseulée

Zabeth Stépan

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Il est quatre heures en ce 30 juin de l’an de grâce 1408. Ce n’est point encore la vêprée, loin s’en faut. Le soleil encore haut dans le ciel ardent a chauffé les vieilles murailles du château d’Anjony. Cet austère château fort qui domine de ses quatre tours le village de Tournemire se dresse telle une sentinelle vigilante. Il protège de son ombre imposante les coquettes maisons aux toits de lauzes grises. Dans cette Auvergne profonde, les bâtisses souvent un peu tristes sont aux beaux jours égayées par des massifs fleuris qui composent une palette aux couleurs vives si agréables au regard.

Au sommet de la plus haute tour du donjon crénelé, dame Aude, la châtelaine du lieu contemple pensive, le paysage qui s’étend au pied du promontoire. En ce beau mois de juin, l’été est là et la vallée de la Doire qui miroite au loin se pare d’une verdure éclatante. Baissant les yeux, elle aperçoit dans la ruelle du village quelques enfants de ses vassaux, en sabots et cottes de toile légère qui jouent avec de grands éclats de rire. Leurs parents sont aux champs sur leurs arpents de terre pour les travaux de fenaison. Et eux, s’amusent joyeusement …

« Coucou ! Cachés ! » S’écrient-ils à tour de rôle afin de découvrir ceux qui se dissimulent ou qui du moins essaient de le faire.

Bien qu’ils soient fort amusants à regarder et écouter, dame Aude ne sourit pas beaucoup. Son charmant visage est empreint de tristesse. Elle est pourtant tellement avenante, gracieuse, un visage à l’ovale parfait, des yeux d’un bleu profond et des lèvres douces au dessin délicat. La brise légère agite le voile azuré de son hennin, elle a revêtu un bliaud de soie mordorée resserré à sa taille fine par une large ceinture ornée de cabochons.

A la voir ainsi maussade, elle fait penser à cette épouse éplorée de Barbe Bleue qui, juchée en haut d’une tour guettait l’arrivée de ses frères attendus pour la sauver et demandait sans cesse « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Dame Aude, immobile, attend elle aussi et elle non plus ne voit rien venir. Elle est bien seule, son sire Thibaud est au loin. Il s’est engagé pour guerroyer et défendre le pauvre roi Charles VI le Fol contre les sbires du duc de Bourgogne, Jean Sans Peur. C’est là une de ces luttes intestines fomentées par les grands seigneurs pour battre en brèche l’autorité d’un roi sans envergure. Lorsqu’il est parti emmenant ses chevaliers et ses écuyers, il lui a promis qu’il reviendrait auréolé de gloire et de récompenses. Et depuis, elle attend pleine de langueur et d’incertitude. Elle demeure songeuse, son âme inquiète la fait trembler.

Bien qu’ils ne soient reçus que pour apporter la joie et animer les festins par de la musique et des contes, les troubadours qui passent de château en château sont trop souvent porteurs de tristes nouvelles. Elle sait pour l’avoir ouï-dire que les batailles sont rudes et les morts nombreux. Et si par malheur son époux ne revenait pas ? Cependant, elle veut espérer, confiante dans les paroles de sa vieille amie Mahaut qui, en bonne divinatrice, lui a assuré après avoir consulté quelques grimoires secrets connus d’elle seule et procédé à quelques formules magiques mystérieuses :

« Ah ! Tu reverras, tu reverras ton doux seigneur »

Puisse-t-elle dire vrai ! Mais quand même, la solitude lui pèse. L’hiver a été long et rigoureux. Que de jours monotones passés à broder, à lire, à jouer de la musique, à écouter des récits de chevalerie, à recevoir des plaignants et tout cela devant une cheminée où rougeoyaient d’énormes troncs de chênes. Que de nuits solitaires dans ce grand lit au fond de son alcôve sous une pile d’édredons qui ne parvenaient pas à la réchauffer !

Maintenant que la nature s’est réveillée et qu’elle est devenue exubérante, une houle sentimentale la transporte. Elle aimerait tant partager avec son tendre compagnon ces moments de légèreté et de douceur. L’amour courtois dont il l’entourait lui manque, cette absence l’empêche d’apprécier la beauté de cette terre qui est son domaine et qu’elle aime beaucoup, mais toute seule, c’est désolant…

Triste destinée que celle de ces dames du temps jadis ! Trop souvent délaissées par leurs preux chevaliers, certains partis se battre contre l’Anglais durant cette guerre qui n’en finissait pas, et d’autres pour de lointaines croisades.

Vous vous demandez sûrement comment s’est terminée la vie de la belle Aude. L’histoire ne le dit pas mais peut-être que le sire Thibaud est revenu de guerre comme le roi Renaud en espérant toutefois que lui ne portait pas ses tripes dans ses mains…

 

 

Prétexte : à partir de la date et de l’heure obtenues au hasard, que se passe-t-il dans le lieu que vous choisissez ?

 

Contrainte : utiliser les 3 éléments tirés du sac.

 

 

 

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29 février 2020

ANNEE 1986

Bernadette Zygart

 

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C’est décidé, je mets un terme à ma solitude

Parfois se produisaient des frictions, en général sur le plan professionnel, notamment un certain vendredi soir, je rentrai chez moi, décidée à me désimpliquer, me libérant ainsi du carcan involontairement imposé dans lequel j’étais.

Et décidai ce soir là de cesser aussi ma procrastination, pour construire enfin mon avenir sentimental ; je confiai cette mission à l’ancêtre de « Meetic », le journal local distribué gratuitement « Inter 59 »…. Je m’empressai d’écrire à deux annonces, cherchant la formule susceptible de capter un candidat potentiel…

Un premier rendez-vous – à la Courte Paille – fut le seul ratage en raison d’une absence de précision de lieu (il y avait deux possibilités), tandis qu’il était persuadé qu’il s’agissait de l’une, je l’attendais à l’autre avec effervescence !

Pour un lapin, ce fut plutôt un « lièvre ! ». Mais le hic est que je n’avais de lui aucune coordonnée (donc impossibilité de l’interroger) et lui n’avait que mon numéro de téléphone.

Cette fois là j’attrapai opportunément un vilain rhume qui m’obligea à rester à la maison, ce qui permit de recevoir le coup de fil que j’attendais. Il avait cru que j’avais changé d’avis quand il m’avait dit par téléphone avoir trois enfants à la maison !

Rendez-vous fut donc pris pour le samedi suivant, ce fut le bon …

Cette première rencontre fut d’emblée concluante, la conversation tellement aisée !

Nous en sommes aujourd’hui à la 34e année, épatés toujours par les hasards qui ont fait notre rencontre…

 

Deux planètes dans l’Infini de l’Univers, s’arrimant l’une à l’autre.

 

Ses trois enfants sont devenus les miens par adoption simple ; leurs enfants –quatre filles !- sont devenues mes quatre petites-filles lesquelles me comblent de leur gentillesse.

(et je m’arrête ici, ayant atteint les 1500 caractères exigés !!!!!)

27 février 2020

LE RETOUR DU MARIN

 Martine Bouvot

 

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Ce beau soir d'été 2018, Maëlys de Pontcallec était assise sur les marches de la grande maison -autrefois nommée « le château », dont les murs à présent décrépis, reflétaient cependant la grandeur passée.

Les Pontcallec, à Saint Malo, cela signifiait : bretons et marins.

Elle contemplait le ciel rougeoyant qui embrasait le port.

 Ce soir, à l'aube de ses 80 ans, Maëlys sentait son cœur empli de nostalgie au souvenir de sa jeunesse et de tous ces moments de bonheur et d'exaltation quand ce port s'animait, tel une ruche bourdonnante et joyeuse lors du départ de la mythique « Route du Rhum » et dont elle avait souvent été la marraine.

Souvenirs douloureux aussi de ces marins fiers et courageux qu'elle avait vus partir affronter le terrible Atlantique et pour lesquels, ce fût la dernière aventure.

Ses yeux s'étaient embués de larmes et elle ne vit pas tout de suite l'homme qui venait de s'asseoir à ses côtés.

 Il devait avoir à peu près son âge bien qu'il soit difficile de le déterminer, tant son visage, couvert d'une barbe blanche, était buriné. Il portait un gros pull bleu marine et sa tête, qu'elle devinait blanche aussi, était coiffée d'une casquette ornée d'une ancre de marine. Un marin, à coup sûr !

 Et devant son regard intrigué, l'homme se décida à parler.

 « Ma chère Maëlys, la dernière fois que nous nous sommes vus, c'était en novembre 1978, j'étais au départ de la 1ère Route du Rhum dont tu étais la marraine. 40 ans ont passés mais je n'ai jamais oublié ce matin où je m'apprêtais, plein d'orgueil, à traverser, seul, l'Océan Atlantique.

Le vent soufflait déjà fort lorsque nous sommes sortis du Port et la mer promettait d'être grosse.

Je reviens ici, pour la 1ère fois depuis cette date et je vais te raconter. »

 Au fil des années, son audition ayant pris elle aussi le large, Maëlys dut tendre l'oreille.

 « Je connaissais bien « MANUREVA » mon catamaran avec qui je faisais corps et les tempêtes ne nous avaient jamais fait renoncer.

Je longeais les côtes françaises puis espagnoles, ça tanguait pas mal mais je filais bon train, toutes voiles dehors.

Arrivé au large des Açores, je fus pris dans une tourmente gigantesque d'où mon dernier message à l'équipe qui me suivait par radio depuis St Malo. A l'époque, la radio était le seul moyen de donner sa position...pas de GPS ou autre satellite...

 « Je suis dans l'oeil du cyclone, il n'y a plus de ciel, tout est amalgame. Il n'y a que des montagnes d'eau autour de moi »

J'appris bien des années plus tard qui j'étais et que j'avais été considéré comme définitivement perdu en mer. La presse du monde entier titrait : plus aucune trace ! Et j'ai mis longtemps à retrouver la mienne.

Maëlys cherche en vain dans sa mémoire vieillissante...

L'homme poursuit :

« Mais je reviens aux Açores, enfin à ce qui me semble être le début d'une autre aventure.

Je me réveillai sur un cargo faisant route, me disait-on, vers le Pacifique en passant par le Canal de Panama. Pacifique, Panama, cargo, autant de mots sans signification pour moi.

Le capitaine et l'équipage -philippins, je l'appris bien plus tard- à cours de patience, me déposèrent aux Iles Marquises, où je vécu des années grâce à la générosité des habitants qui contre logement et nourriture me proposaient de petits boulots mais sans jamais me poser de questions sur ma vie, questions auxquelles je n'aurais pas pu apporter de réponses. 10 années se sont écoulées ainsi, heureuses dans cette absence de souvenirs. C'est curieux comme la vie semble simple quand il n'y a pas de passé. »

 Maëlys, de plus en plus intriguée par ce récit n'ose cependant pas l'interrompre, de peur que le beau conte ne prenne fin.   Le conteur poursuit : « Un jour cependant, j'eus la 1ère révélation de qui j'étais.

On m'avait chargé d'aller entretenir un petit lopin de terre, précieusement préservé par les habitants du village. Et je me retrouvai devant 2 tombes où étaient simplement inscrit : sur l'une Paul Gauguin et l'autre Jacques Brel.

 

Le choc fût si violent que je me retrouvai bientôt au sol, terrassé par cette découverte et pleurant comme un enfant. Je venais de retrouver mon ami, mon frère, le Grand Jacques avec qui j'avais partagé tant de virées en mer, avec qui je partageais également l'amour du verbe et du vin.

 C'est à partir de l'ami retrouvé que l'écheveau de ma mémoire a commencé son « rembobinage » comme on dit d'une pellicule effacée. Et je me mis à écrire chaque jour pour remonter le fil. 

Jacques m'avait quitté un mois avant mon départ de St Malo et j'en avais eu une peine immense. »

 Bien sûr, je me souviens se disait Maëlys....Brel est mort en octobre 1978...

 L'inconnu, quelque peu exalté, poursuivit : « Mais autour de Jacques, il y avait ma vie que je mis des mois à reconstituer.

J'étais un marin, je parcourais les océans, j'avais une femme, des enfants, ma tribu que je devais retrouver. J'y suis parvenu.

 Je vis depuis, heureux, en Polynésie auprès de ma chère Teura, nos enfants Vaimiti, Tereva et Torea (les jumeaux) et nos nombreux petits enfants. »

 Maëlys se sent de plus en plus troublée car il lui semble comprendre qui est ce vieux marin assis à côté d'elle...

Il posa alors sa main sur la sienne et murmura « Je voulais, avant mon ultime voyage, revenir à Saint Malo afin de te dire, à toi la marraine de ma Route du Rhum, ma dernière course, toi fille d'une lignée de grands marins, que nous ne mourons jamais, nous retournons simplement à notre élément : la mer ! »

 Excusez-moi Monsieur, je crois que ma mémoire s'est perdue aussi. Je vous avais pris pour mon ami Alain Colas...mais quand elle regarde sur les marches, à côté d'elle, elle s'aperçoit qu'elle est seule.

 

 

27 février 2020

La potion magique du dr. Abramovitch

Liliane Fainsilber

 

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Sur Internet, je vois une annonce qui me plaît bien. Le docteur Salomon Abramovitch propose une pilule miracle capable de vous rendre, selon la dose commandée, vos jambes de vingt ans ou celles de cinquante. Comme il faut quand même savoir être raisonnable, j'opte pour celles de cinquante, pensant que ce sera déjà pas mal. Je pourrais ainsi lâcher ma canne pour quelques jours et faire enfin un ou deux chemins de grandes randonnées dans les Gorges du Verdon. Il y a si longtemps que je rêve de les emprunter. D'un coup de click je commande donc cette potion magique. Mon compte Paypal simplifie bien les choses puisqu' il suffit d'avoir envie de quelque chose pour aussitôt se l'offrir, sans plus y réfléchir. J'attends donc avec impatience de recevoir ce précieux colis.

 

Pendant ces deux ou trois jours d'attente, je pense à notre équipement nécessaire, un vêtement chaud mais léger et surtout de bonnes chaussures de marche. Dans la foulée nous achetons aussi une gourde indispensable pour étancher notre soif et aussi un petit fascicule des chemins de grandes randonnées de la région. Le feuilleter est déjà en soi un vrai grand plaisir. Nous en choisissons un qui, parcourant en hauteur la rive droite du Verdon, arrive au dessus du village de Moustiers Sainte Marie. Nous nous y voyons déjà et c'est tout juste si je ne me laisse pas aller à retenir une chambre à l'Hôtel de la Vigne muscate, sur la place de l'Eglise. C'est un vrai bonheur de penser à ce beau projet de ballade.

 

Le colis nous arrive enfin, le produit est contenu dans un petit flacon violet de belle allure. Je lis avec attention le mode d'emploi. Il faut en prendre vingt gouttes matin et soir pendant trois jours. Nous le partagerons Daniel et moi et, demain matin, nous partirons aussitôt pour les gorges du Verdon. J'espère que les gouttes de cette potion magique seront efficaces. Je ne me laisse pas décourager par le scepticisme de Daniel et je garde la foi. Le docteur Salomon Abramovirch ne saurait mentir.

 

Pourtant Daniel avait bien raison de ne pas croire à ces promesses de rajeunissement, le lendemain arrivés sur les lieux, nous avons juste eu le temps de faire un kilomètre sur ce beau chemin et d' y admirer ces magnifiques paysages. Ma hanche à recommencé à me faire très mal et Daniel s'est mis, lui aussi, à boitiller. Nous nous sommes assis à l'ombre d'un arbre sans pouvoir faire un pas de plus et, comme il était presque midi, nous avons attaqué notre pique-nique de bon appétit puis nous avons même fait une petite sieste sur un coin d'herbe et nous avons courageusement rebroussé chemin. Nous reviendrons sans doute dans un autre vie, mais en attendant, cette ballade même raccourcie était bien agréable. Merci docteur Salomon Abramovitch !

27 février 2020

Envol

 

Nicole Borel

 

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La

Faible lueur

Eclaire son visage

Marqué par les ans

Le front haut et ridé

Les paupières closes sur son histoire

La bouche, lèvres entrouvertes, esquisse un sourire

Quelques soubresauts agitent à peine son corps endormi

Ses mains, qu’elle pourrait dessiner les yeux fermés

Ravivent tant de souvenirs, de trésors et de douceurs partagés

Son corps autrefois si robuste renonce aujourd’hui à porter sa fatigue

En cet instant suspendu, un ultime souffle de vie, à peine perceptible

Emporte un cœur d’enfant que des larmes ne suffiront pas à retenir.

 

 

 

 

 

 

 

 

26 février 2020

22 JUILLET 1608, A MIDI

 Martine Bouvot

 

 

chateau

Château du Duc d'Epernon

  • Marie, vous pouvez servir les rôts

  • Comme il plaira à Monsieur Le Duc

  • Et servez-moi également un verre de ce Jurançon si parfumé

  • A ce propos, que devrai-je cuisiner pour la visite de notre Grand Roi Henri car on le dit fin gourmet.

  • Une belle poule au pot dont il raffole ! Marie vous êtes parfaite, que ferais-je sans votre présence ?Et venez donc me rejoindre tantôt et m'apporter quelque liqueur en mes appartements.

 

Marie avait coutume de ce rituel, sa tâche achevée et lorsque M Le Duc voulait lui prouver sa gratitude.

Sans y prendre vraiment plaisir, elle était touchée par la délicatesse de son Maître qui ne se montrait pas rustre car ayant grande expérience des femmes.

Veuf, il avait déjà atteint l'âge de 50 ans alors que Marie, sa préférée se plaisait-il à dire, n'en avait que 16.

 

Elle possédait joli minois, poitrine haute, taille bien tournée et croupe rebondie et M Le Duc avait encore la main assez leste pour lui trousser jupons. Et comme lui avait dit sa mère, lingère au château, à qui elle s'était ouverte des avances de leur maître alors qu'elle n'avait que 14 ans : « il est bon et généreux mais si tu te refuses, il pourrait nous chasser. Après tout ce n'est pas un grand sacrifice et tu te tais. Ne dit-on pas qui ne dit mot, consent ! »

 Mais c'est du palefrenier que Marie était amoureuse et une nuit avec Christophe était comme si elle faisait le marché dans le ciel tant ses étreintes, tout de douceur sucrée, la transportaient.

Cependant, ce 22 juillet 1608, Marie savait qu'elle attendait un enfant et ne saurait jamais qui en était le père.

Qu'importe, puisque c'est Christophe qu'elle allait épouser et qui élèvera l'enfant qui ne saura lui non plus jamais s'il est fils ou fille du Duc d'Epernon ou de son palefrenier.

 

 

 

 

 

 

 

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