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Atelier d'écriture de l'écoute-s'il-pleut
15 janvier 2017

Robinsons

Sur une île déserte par Zabeth STEPAN

Qu’il a chaud, soif  et qu’il est fatigué ! Sébastien s’essouffle, ses petites jambes s’épuisent à suivre le rythme infernal imposé par son père. Celui-ci ne manifeste aucune attention, ne se retourne pas, avance impitoyablement à travers la végétation luxuriante, écarte les lourdes feuilles avec des gestes brusques.

Jungle

 Depuis deux jours, ils explorent cette terre inhospitalière. Qu’espèrent-ils découvrir ? Pour le moment, ils ne trouvent rien, rien qui puisse les tranquilliser, qui leur permette d’échapper à cette solitude.

Tels Robinson et Vendredi, il faut comme leurs prédécesseurs se contenter de si peu… Quesion nourriture, quelques fruits nouveaux cueillis sur des arbres inconnus, par chance sucrés et juteux ; ils ont bien tenté de mâchonner de ces feuilles luisantes, elles ont l’air assez appétissantes ;  mais leur texture trop ferme et leur goût bizarre et surprenant les ont inquiétés et découragés. S’ils risquent une intoxication, ce serait une catastrophe !

Heureusement, l’eau ne manque pas, des filets limpides ruissellent dans ce fouillis végétal. Des oiseaux criards volent à travers les branches, impossible de les attraper et de toute façon, comment les cuire ? La question se pose également pour les reptiles effrayants qui ondulent dans la mousse humide. Eventuellement ils pourraient croquer des insectes, ils sont si nombreux, cela se fait dans les pays asiatiques, ils l’ont vu dans des documentaires à la télé, mais là-bas, ils les font griller. C’est affreux d’avoir faim pense  l’infortuné Sébastien dont l’estomac gargouille lamentablement !

L’enfant a peur. Malgré la confiance aveugle qu’il a toujours eue envers son père, cette fois-ci, rien ne le rassure. Et Vincent le père, lui, ne dit mot, il marche, tel un automate, il sent bien qu’il va falloir réconforter son fils, ce gamin adorable qui ne compte que sur lui, parce que maintenant il n’a plus que lui ; il est profondément désemparé et malheureux. Il pense …

Tout avait pourtant bien commencé avec ces vacances extraordinaires programmées depuis plusieurs mois. Un projet un peu fou, mais organisé dans les moindres détails. Son voilier, « l’Invincible », les attendait dans le port de Valparaiso qu’ils avaient rejoint en avion.

Avec ses amis, André, Claudine et leur fils Nicolas, ils avaient embarqué dans la joie un beau matin du mois de juin. Leur  périple devait les amener en Polynésie. Les premières semaines furent idylliques : des escales de rêve, des journées resplendissantes éclatantes de soleil, des nuits féeriques scintillantes d’étoiles, des passages de dauphins bondissants, des vols d’exocets au-dessus des vagues. Bref, le bonheur. Il y avait bien eu quelques passages de mauvais temps, mais rien de vraiment inquiétant… jusqu’à ce mardi 16 août, vilaine date marquée d’une pierre noire.

 

Le vent s’était levé, furieux, secouant le voilier tel un fétu de paille. Les vagues énormes le soulevaient, les gréements craquaient et gémissvoilieraient. Cramponnés aux mâts, ils se croyaient perdus dans les cinquantièmes rugissants, cette zone si redoutée par les navigateurs. Une peur affreuse gagnait les malheureux passagers, les voiles se déchiraient, le danger devenait imminent. Chacun d’enfiler rapidement son gilet de sauvetage, en hâte, ils mirent à l’eau le canot de secours et abandonnèrent leur esquif en perdition. Pourvu que les SOS envoyés dans l’urgence permettent aux secours de les retrouver et de venir à leur aide… C’était le dernier espoir. Puis ce fut le trou noir. Qui avait embarqué, qui avait résisté, qui était sauvé ? Impossible à dire, les souvenirs se brouillaient, peut-être qu’ils avaient perdu connaissance, ballotés par les flots déchaînés. La seule chose dont ils étaient conscients, c’est de s’être réveillés trempés, allongés sur le sable de cette petite île, seuls tous les deux.

Et leurs amis, alors ? C’est pour espérer les retrouver, sûrement échoués eux- aussi qu’ils arpentent ce minuscule territoire en suivant le rivage. C’est pour cela que Vincent appelle, attendant une réponse, mais rien ne se manifeste. Mais alors comment les retrouver ?

Au bout de ces deux jours, découragés, ils réalisent être revenus à leur point de départ. Ils sont seuls, horriblement tristes d’avoir perdu leurs compagnons, sont-ils sur une autre île ? Pauvres naufragés, abandonnés, sans aucun des moyens de communication modernes qui leur sont familiers. Que vont-ils devenir ? Le désespoir les envahit, ils se regardent affolés, père et fils se serrent l’un contre l’autre, muets d’épouvante…

 A ce moment précis, Sébastien relève la tête, pose son stylo et prend la feuille qu’il a noircie d’une écriture fébrile. Son texte l’a absorbé, il n’a pas vu passer le temps, tout à son histoire. Le professeur de français a donné à la classe de 3ième  dont il fait partie, ce sujet de rédaction pour lundi :

« Seul sur une île déserte, vous sentez-vous Robinson Crusoé ? »

Ce thème lui a plu, l’a vivement intéressé et son imagination a fait le reste.

Cependant, il lui reste à trouver une fin. Optimiste, il programmera sûrement que grâce aux techniques de signalisation du voilier, on pourra les retrouver et les sauver ainsi que leurs amis. Encore un peu de courage, au travail, il faut conclure cette aventure et faire en sorte qu’elle reste vraisemblable.

 

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  • L 'écoute-s'il-pleut est un moulin au bord d'une petite rivière qui fonctionne lorsqu'il pleut. Dans cet atelier,animé par Christelle Prévôt, nous attendons avec plaisir qu'il pleuve des mots en abondance, puisque ce sont eux qui alimentent nos textes.
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